L'artiste plasticien Mehdi Djelil expose jusqu'au 16 janvier au tout nouvel espace «Rhizome» sis au 82, rue Didouche-Mourad. «Stasis» rassemble une dizaine d'?uvres récentes de cet artiste qui fait mouche à chaque exposition.«Rhizome» est un nouvel espace artistique qui vient d'ouvrir à Didouche-Mourad bien qu'existant virtuellement depuis 2017. L'idée est directement inspirée d'un concept développé par Gilles Deleuze et Félix Guattari : le «Rhizome» consiste en une structure horizontale en mouvement et en continuelle évolution, s'opposant de ce fait aux constructions verticales et figées. «Un concept qui appréhende les multiplicités, en opposition à la conception hiérarchique et arborescente de la connaissance. Il conçoit la culture et les arts comme une carte ou un large éventail d'influences et favorise un système nomade de croissance et de diffusion. Cette conception n'a jamais eu plus de sens et de pertinence que dans le contexte (local et global) dans lequel nous évoluons actuellement, celui de la mouvance. Evoluer et s'accommoder à un monde en transformation permanente nécessite beaucoup d'agilité, celle qui exige l'adaptation mais aussi une reconsidération des modèles institutionnels rigides, ceux qui impliquent une subordination organisée en plusieurs niveaux ou strates. Nous proposons donc, à travers «Rhizome», un modèle de fonctionnement alternatif. Un lieu expérimental de création, de rencontre et de discussion, dédié à la distinction artistique et créative au profit des individus et des communautés. «Rhizome» offre un lieu de résidence, un atelier de création et une galerie. Un programme de médiation culturelle impliquant le voisinage, ainsi qu'un programme de formation dans les métiers de l'art. Une programmation publique régulière est également proposée», expliquent les initiateurs Myriam Amroun, curatrice culturelle et Khaled Bouzidi directeur de l'espace. Accueillir une exposition de Mehdi Djelil pour inaugurer cet espace semble donc tout indiqué. L'artiste est en effet connu depuis quelques années comme l'un des plus transgressifs de sa génération. Se revendiquant de l'art grotesque, Mehdi, surnommé Bardi, fait aujourd'hui partie des incontournables de l'art contemporain en Algérie. Ses débuts prolifiques ont peu à peu mué en une présence plus rare synonyme d'exigence, de rigueur et de quête de renouvellement. Ce dernier se constate clairement dans cette exposition où le style de l'artiste demeure reconnaissable, mais dont les formes et expressions surprennent par leur fraîcheur et leur singularité. Huit peintures et une installation sculpturale composent cette exposition au nom évocateur : «Stasis» est le nom donné par les Grecs à une crise interne, c'est aussi le nom du dieu de la guerre civile.
Mehdi Djelil dissèque à sa façon nos réalités présentes à travers des personnages devenus archétypaux de sa création. Ses créatures difformes et hybrides provoquant à la fois malaise et fascination incarnent une lecture parabolique et subjective de ce qui agite le monde. Le foisonnement des couleurs et l'aspect grotesque de ces personnages n'occultent pas pour autant leur texture (presque palpable) et leurs émanations toxiques. Ce sont des alter ego outranciers, des âmes-s?urs transfigurées, qui viennent raconter par leurs contorsions, leurs chorégraphies et leurs regards un monde en crise, tant morale que politique, et dessiner les contours d'un enfer intime autant que collectif.
L'esthétique radicale de Mehdi Djelil apparaît comme une représentation hallucinée, mais cinglante de justesse, comme un miroir dont le prise déformant révèle paradoxalement les aspects les plus repoussants et les plus réalistes de nos existences.
S. H.
Posté Le : 10/11/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Sarah Haidar
Source : www.lesoirdalgerie.com