Les gros bonnets paient-ils leurs impôts ?
Le secteur de l’énergie enregistre un nouveau record dans le sillage de la hausse ininterrompue des cours du brut. Mais si les recettes de la fiscalité pétrolière, au titre du premier semestre, sont passées en effet du simple au double, la fiscalité ordinaire, elle, piétine…
Pas moins de 1.420 milliards de DA ont été engrangés alors que les prévisions tablaient sur des rentrées qui ne devaient pas dépasser la barre des 916 milliards de DA pour tout l’exercice 2006. Ce sont là les derniers chiffres communiqués hier par la Direction centrale des opérations fiscales au ministère des Finances. L’excédent des ressources fiscales pétrolières, qui s’est établi à hauteur de 503,4 milliards de DA, a été versé au Fonds de régulation des recettes (FRR) dont une grande partie a permis au Trésor Public de continuer à accumuler des épargnes financières importantes, d’après la même source. Evidemment, cette hausse record de la plus-value fiscale est expliquée par la flambée des prix mondiaux du pétrole qui étaient passés de 51 dollars le baril lors de l’élaboration de la loi de Finances pour 2006, à plus de 73 dollars à la fin du mois de juin dernier. C’est dire que les recettes annuelles de la fiscalité pétrolière peuvent allégrement atteindre le double du montant réalisé l’année dernière. En effet, en 2005, ces recettes fiscales s’étaient établies à 2.267,83 milliards de DA contre des prévisions de 899 milliards de DA, sur la base d’un prix du baril de référence fixé arbitrairement à 19 dollars. Ce grand décalage entre les recettes réelles de la fiscalité pétrolière et la base de référence adoptée dans la confection des lois de finances a donné lieu à une grosse polémique sur l’usage qui est fait de cet excédent, que certains n’ont pas hésité à qualifier de «caisse noire». Ce qui avait amené l’ex-ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, à créer en 2001 le Fonds national de régulation des recettes pétrolières (FNRR) pour recevoir les excédents de la fiscalité pétrolière. Ce fonds devrait, selon ses concepteurs, servir principalement au remboursement de la dette extérieure et à faire face à d’éventuels retournements du marché des hydrocarbures pour amortir le choc. Selon le ministère des Finances, le stock de ce fonds est actuellement de l’ordre de 2.200,44 milliards de DA (environ 30 milliards de dollars), contre 1.842,7 milliards de DA à fin 2005, soit une hausse de 357,7 milliards de DA en six mois. Des sommes, certes, énormes mais qui échappent à tout contrôle tant l’opinion est suspendue aux chiffres communiqués par le ministère. Aussi, même les députés ne connaissent pas trop comment fonctionne ce fonds ni où va son argent. La seule avancée notable sur ce plan est la décision de rembourser la dette publique par anticipation auprès des deux principales institutions que sont le Club de Paris et le Club de Londres. Ceci pour le pétrole. Côté fiscalité ordinaire, les résultats restent très largement en deçà des standards internationaux, mais surtout de l’importance des gisements fiscaux existants en Algérie. Le ministère parle, lui, de résultats «relativement appréciables» enregistrés durant le premier semestre 2006. La hausse est enregistrée surtout au chapitre de l’Impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS). On remarquera, dans les chiffres du ministère, que le taux de recouvrement de l’IRG des salariés a atteint 42,72 milliards de DA (contre un objectif semestriel de 42,31 milliards de DA), soit presque 100%. Il est vrai que le salaire du travailleur est imposé à la source, contrairement à beaucoup d’entreprises et autres affairistes qui échappent totalement au fisc, même s’ils brassent des milliards. Un cadre supérieur de la Direction générale des Impôts, M. Guidouche, a d’ailleurs jeté, récemment, un véritable pavé dans la mare en reconnaissant que «la corruption fait rage dans son secteur». Pis encore, il a révélé que «des hommes d’affaires parmi les gros bonnets ont un pouvoir tel qu’ils peuvent placer leurs hommes à la tête des recettes locales des impôts» pour s’assurer une «amnistie fiscale» au détriment du Trésor Public. C’est dire si la crédibilité des chiffres communiqués par le ministère des Finances est sujette à caution aussi longtemps que ce secteur ne sera pas nettoyé des amateurs de la «tchipa». En tout cas, le taux de recouvrement de la fiscalité ordinaire est un signe qui ne trompe pas quant à l’existence de paradis fiscaux pour certains.
Amine Makri
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Posté Le : 31/07/2006
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com