Algérie

ALI MEBROUKINE ET L'INTROUVABLE DEBAT SUR LA CRISE DU LIVRE ET DE LA LECTURE EN ALGERIE De l'insoutenable parfum de l'absinthe



Par Abdelali Merdaci
Le professeur Mebroukine m'interpelle encore une fois ( Le Soir d'Algérie, 2 novembre 2011) sur des questions que je n'ai guère soulevées dans ma contribution sur la crise du livre et de la lecture en Algérie ( Le Soir d'Algérie, 6 octobre 2011), auxquelles je ne me sens pas tenu de répondre, en tout cas dans les formes spécieuses qu'il a déterminées. J'ai dit — et je le répète au risque de la «nostalgie au goût d'absinthe» — que l'Ecole algérienne, de la rentrée de septembre 1962 aux radicales réformes de Boumediène, a été l'héritière suffisamment avisée et prudente de l'Ecole coloniale.
Elle a formé sans démériter, avec des méthodes didactiques qui préservaient l'équilibre entre les expressions écrite et orale, plusieurs générations d'élèves qui savaient lire, parler et écrire ; cette faculté n'est certainement pas consentie aux «apprenants» d'aujourd'hui, qui perdent et la langue française et sa culture humaniste dont se pare volontiers le parangon du boumediénisme, qui fait son miel des apophtegmes d'un rarissime Jean de La Rochefoucauld. Il n'est jamais tard pour exprimer une position de principe : enseignant et chercheur universitaire dans les domaines de la linguistique et de la littérature, je ne nourris ni préjugé ni animosité envers les langues d'usage des Algériens et je souhaite une vraie et paisible coexistence entre elles, libérant leur créativité au profit d'une même culture nationale. Le débat auquel m'invite mon contradicteur sur la situation de la langue arabe dans la société et dans les intentions de courants «moderniste » et «conservateur» m'est à la fois étrange et étranger. J'ai déploré dans ma réflexion le procédé — artificieux — d'enseignement de la langue française dans les cycles de formation de l'éducation, résolument enfermé dans la cuistrerie de linguistiques saussuriennes et chomskyennes descriptives des programmes de FLE (français langue étrangère) importés. Ces programmes ont porté et portent encore dispendieusement l'accent sur l'oral, dans un infini ressassement d'exercices structuraux, en dehors de toute production linguistique contextuelle, refoulant l'écrit, plus précisément l'écrit littéraire, sans lequel la connaissance d'une langue ne pourrait être complète. La langue arabe scolaire subit le même formatage épouvantable qui explique que l'Algérie demeure un pays sans lecteurs. Au moment où Ali Mebroukine fomente le doute sur le sens de mon message, il n'est pas vain d'y retourner. L'Ecole algérienne réformée a précipité durablement le livre et la lecture dans le dénuement. Elle n'a pas contribué, ce qui devrait être son rôle, à l'éclosion du sentiment de la littérature nationale ; elle n'a témoigné ni empathie ni loyauté envers ses auteurs et leurs œuvres. Ali Mebroukine, qui en dresse à grands traits le tableau sinistre d'un paysage après la bataille, peut-il contester cette funeste réalité d'une Ecole qui a semé l'inculture et le shit (dans toutes ses occurrences), patiemment engrangée pour devenir un destin malheureux ' A l'éprouvé d'un désespérant bilan dont il se fait l'annonciateur ténébreux, il n'y a qu'une seule question qui vaille : d'où vient cette Ecole réformée ' Tout le reste n'est qu'incantation et délire boumediénistes, probablement solubles dans une lampée d'absinthe.


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