Algérie - Skikda

ALI EL KENZ... UNE PENSEE EN MOUVEMENT



Publié le 08.02.2024 dans le Quotidien d’Oran
par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

SCIENCE - BIBLIOTHEQUE D'ALMANACH - ESSAIS UNIVERSITAIRES (COLLOQUE) - «LA PENSEE SOCIOLOGIQUE ET LES CHANGEMENTS CONTEMPORAINS... D'ALI EL KENZ»


La pensée sociologique et les changements contemporains. Lectures de la production scientifique et sociologique d'Ali El Kenz (1946-2020). Essais d'universitaires (Batna, Oran, Skikda, Sétif, Biskra, Alger, Annaba). Editions El Qobia, Alger 2023, 164 pages en arabe, 16 pages en français, 800 dinars

Cet ouvrage est, en fait, le résultat d'une rencontre d'universitaires et de chercheurs en sociologie et anthropologie, tenue, à l'initiative de l'éditeur, au niveau de l'Université de la ville natale d'Ali El Kenz, Skikda. Rencontre qui avait, certes, pour but premier de se souvenir d'un enfant de la région et de ses productions intellectuelles et universitaires, mais aussi pour inciter bien d'autres lieux et bien d'autres pôles de recherche et de réflexion à agir dans le même sens afin de montrer et de démontrer que ce pays a enfanté et enfante encore des intellectuels qui ont enrichi et enrichissent la pensée nationale sociologique, anthropologique, politique, économique et autres, avec même des retentissements internationaux, en Afrique, dans le monde arabe et aussi en Occident. Il fallait, il faut, seulement, ne pas laisser la « pensée » commune, médiocre, opportuniste, l'étouffer et la minorer, et pis encore à pousser à son oubli. Bien sûr, tous ne sont pas des « maîtres penseurs » à l'image d'Ali El Kenz, mais la plupart ont illuminé, par leur enseignement, leur travaux et études, leurs publications, leurs interventions et parfois leurs contestations, le paysage universitaire et de la recherche scientifique faisant oublier bien des divagations.

Tous les intervenants ont mis en exergue le sérieux et la rigueur d'Ali El Kenz... qui était devenu, lors de son passage à l'Université nationale, et ailleurs lors de son exil forcé, une véritable « conscience vigilante des sociologues ». Avec l'espoir que les étudiants et les enseignants d'aujourd'hui se considèrent comme des héritiers légitimes d'un patrimoine à préserver et à enrichir... ne tombent pas dans les innombrables «trous de mémoires» (hélas nombreux) pavant les campus... de protéger les legs importants existants de l'esprit... et, surtout, d'arrêter de «verser trop d'eau dans les moulins des autres».

Les Auteurs :Mustapha Kihal/Ahmed Boudermine/ Bouzid Boumediene/ Nourredine Zemam/Wahid Bouaziz/Adessalam Filali/ Abdelaziz Ras Elmel/ Abdelhalim Mahouar Bacha/ Mohamed Boudermine/ Tarek Bouhala/ Tayeb Kennouche/ Cheniki Ahmed/ Ahcene-Djaballah Belkacem

Sommaire : Introduction (Dr Mustapha Kihal)/ Présentation (éditeur)/9 études en arabe/ 3 études en français

Extraits : « Ali El Kenz avait le courage d'une pensée solitaire. Il a appartenu à une époque bénie où l'intellectuel n'avait pas encore appris à se mettre dans la tête une paire de ciseaux ou à se cacher derrière son stylo » (Tayeb Kennouche, p 171), « Je n'ai pas cherché à savoir comment notre ami est mort. Je suis certain, cependant, qu'Ali est parti debout et bien droit, dans ses principes comme dans ses convictions » (Tayeb Kennouche, p 172), « (Ali El Kenz) Une démarche rigoureuse avec, militantisme et engagement obligent, un objectif : « penser avec nos têtes, en fonction de nos réalités » pour « construire sur des bases et avec des matériaux durables » (Belkacem Ahcene-Djaballah, p 175).

Avis : Un ouvrage quasi-complet qui décrit avec émotion et justesse le parcours d'un intellectuel algérien «vrai». Un ouvrage qui pourrait servir d'exemple pour mettre en lumière les parcours et les travaux de bien de nos multiples penseurs. Ceux d'hier. Ceux d'aujourd'hui. Et, il y en a !

Citations : « C'est quand la langue se détache de la littérature qu'elle se décharne et s'appauvrit » (Tayeb Kennouche, p 167), « Ali El Kenz ne fut guère l'homme d'une langue, d'une idéologie, d'un pays. C'était l'homme d'une perspective. C'était l'homme d'un horizon, d'un devenir... » (Tayeb Kennouche, p 168), « L'exil. Nous pouvons le vivre même en restant chez nous, quand nous submerge le sentiment inconfortable que le monde que nous portons en nous s'est délogé, bien malgré nous, pour être quelque part. Un monde qui nous quitte parce qu'il n'est plus tout à fait le même » (Tayeb Kennouche, p 170), « Évoquer Ali El Kenz, c'est forcément parler du vécu des «intellectuels » algériens, de leurs pérégrinations, de belles choses et aussi de moins bonnes » (Ahmed Cheniki, p 180).


Ecrits d'exil. Essai et recueil de textes d'Ali El Kenz. Casbah Editions, 494 pages, 900 dinars, Alger 2009 (Fiche de lecture déjà publiée. Extraits pour rappel. Fiche complète in www.almanach-dz.com/vie pôlitique/bibliotheque dalmanach)


S'il y a un aspect de la vie de l'auteur qui n'est pas très connu, c'est qu'il a été, dans sa jeunesse, du temps où il était lycéen, recordman d'Algérie du 100 m... ou du 60 m plat. (...)

Sociologue, politologue, philosophe... Il est vrai que la formation normalienne de base (celle de l'époque, pas celle d'aujourd'hui) doit être pour quelque chose dans cette maîtrise de toutes les questions. Ajoutez-y de l'engagement et on comprendra mieux l'érudition du bonhomme qui s'est frotté «aux connaissances de tous les horizons», exil (forcé) oblige.

On le comprend encore bien mieux lorsqu'on lit les 112 pages consacrées à son itinéraire l'ayant mené de Skikda, sa ville natale, à Nantes en passant par Constantine, Alger, Le Caire, et Tunis. Un ouvrage à lui tout seul et qui, revu et augmenté, pourrait être un «bijou» mémoriel merveilleux. Le reste de l'ouvrage est consacré à l'essentiel de sa production, en commençant, bien sûr (peut-on y échapper ?) par une présentation de la pensée de Gramsci...» rencontrée tardivement... par les Arabes». Une pensée qui a énormément marqué nos intellectuels, ceux des années 60 et 70... pour la plupart septuagénaires ou plus de nos jours mais toujours dominant les débats. Une deuxième partie est consacrée à des analyses assez fines (et qui, en leur temps, avaient fait fureur») issues d'une étude sur «l'industrie et la société» à travers la SNS.

Puis, vient une partie consacrée à «l'état de la liberté intellectuelle en Afrique» (et dans les pays arabes) (...)

Les théories classiques volent en éclats, comme celle des «Deux corps du Roi», définie par l'historien Ernst Kantorowitc, qui distinguait avec cohérence «le corps physique du Roi» visible »à souhait avec sa cour et ses rites qui changent et meurent avec le temps, du «corps instituant» invisible et durable dans le temps long de la structure (...)

Avis : A lire, bien sûr. Mais allez-y tout doucement... pour déguster.

Extraits : «L'histoire sociale d'un pays est inscrite dans sa langue, ou plus précisément dans ses langages» (p 58), «Dans les temps de malheurs, contrairement à ce que croyait naïvement le président Boumedienne, ce sont les «hommes» qui restent, pas les «institutions» (p 81), (...) «Ce n'est pas la sortie qui est difficile, mais la marche, nécessairement scientifique, qui conduit vers cette sortie» (p 478).



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