Algérie

Algérie - Zoubida Assoul. Présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP): «Le projet de Constitution a donné des pouvoirs pharaoniques au Président»



Algérie - Zoubida Assoul. Présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP): «Le projet de Constitution a donné des pouvoirs pharaoniques au Président»


Dans cet entretien, Zoubida Assoul , présidente de l’UCP, estime que le système n’a jamais respecté la Constitution. Le contenu du projet d’amendement est, selon elle, à l’opposé des effets d’annonce faits par le chef de l’Etat. Puisque en politique, on mesure le degré de sincérité par l’action sur le terrain. Mais depuis l’arrivée du nouveau locataire d’El Mouradia , il y a de plus en plus de détenus d’opinion, des activistes, des journaliste poursuivis ou incarcérés. Pour Mme Assoul, ce projet est irrecevable en la forme et dans le fond, elle énumère les contradictions et croit savoir que les résultats du référendum du 1er novembre sont connus d’avance.


Propos recueillis par Nabila Amir


- Le parti de l’Union pour le changement et le progrès (UCP) n’a pas formulé de propositions autour du projet de révision de la Constitution, pourquoi?

Notre parti considère que le problème de l’Algérie n’est pas tant la Constitution, ni les lois, il s’agit plutôt du manque de légitimité des institutions, de la nature du système politique et de gouvernance. Depuis la révolution pacifique du 22 février 2019, des millions d’Algériennes et d’Algériens ont exprimé clairement leur détermination en faveur d’une rupture avec ce système et leur volonté de construire l’Etat de droit et des libertés. La faillite du système est consommée, de l’aveu même du pouvoir en place. Pour nous à l’UCP, la priorité n’est point l’amendement de la Constitution, surtout dans une telle conjoncture où la pandémie de Covid-19 a aggravé la situation économique et sociale, l’heure est à la solution politique, d’autant plus que ce système n’a jamais respecté la Constitution et nous n’avons pas de garantie qu’elle le sera dans l’avenir. L’UCP est sorti en 2018 contre le 5e mandat. Il avait appelé le peuple à se prononcer clairement contre le 5e mandat. La réponse fût grandiose et à la hauteur de l’Algérie, un 22 février 2019. La clarté des messages et revendications prouve la rupture de confiance entre le peuple et le système. On se devait de rester en adéquation avec ces revendications, surtout que nous n’avons pas cessé de le réclamer depuis 2012. Le devoir des politiques est d’être tout le temps à l’écoute des aspirations du peuple.

- Que reprochez-vous à ce projet de Constitution?

Le contenu du projet d’amendement est à l’opposé des effets d’annonce faits par le chef de l’Etat, puisque en politique on mesure le degré de sincérité par l’action sur le terrain, depuis l’arrivée du nouveau locataire d’El Mouradia, il y a de plus en plus de détenus d’opinion, des activistes, des journaliste poursuivis ou incarcérés, les médias sont fermés à l’opposition, l’absence de débat contradictoire, l’absence de décision économique pour faire face aux dégâts engendrés par la pandémie et sa gestion. Pour nous, ce projet est irrecevable en la forme et dans le fond.

Premièrement, en la forme: c’est une proposition unilatérale qui ne tient pas compte de la volonté populaire exprimée depuis plus d’un an à travers les manifestations pacifiques dans l’élaboration de cet amendement constitutionnel: l’élaboration de la Constitution doit être l’aboutissement d’un processus politique consensuel. Enfin, introduire des dispositions qui relèvent de la loi dans la Constitution est une perversion du droit constitutionnel, qui doit s’articuler autour les droits et les libertés et l’organisation des trois pouvoirs, des contrepouvoirs et des institutions de contrôle et de régulation. Deuxièmement s’agissant du fond: la contradiction première est que le contenu de cet amendement est à l’opposé des promesses et annonces faites par le chef de l’Etat: – réduire les pouvoirs du président de la République par rapport à ses pouvoirs dans la Constitution en vigueur.

Le projet dans sa dernière mouture a donné des pouvoirs pharaoniques au Président, il contrôle tous les leviers de décision: – il est le chef du pouvoir exécutif et même celui du pouvoir réglementaire. Il est chef suprême des armées et ministre de la Défense. – Il nomme à tous les postes civils, militaires, diplomatiques, administratifs, dirigeants des autorités de régulation. – Les chefs des institutions de contrôle et de régulation: Cour des comptes. – La Cour constitutionnelle est sous sa coupe.

- Qu’en est-il de la séparation des pouvoirs et les libertés?

La séparation et l’équilibre des pouvoirs, c’est une option mixte inédite pour le deuxième tête de l’Exécutif : – Premier ministre, si c’est la majorité du Président. – Chef du gouvernement, si c’est une majorité parlementaire. Pouvoir législatif : – maintien du tiers présidentiel du Conseil de la nation pour garder la mainmise sur le Parlement. – L’indépendance du pouvoir judiciaire: il garde la présidence du Conseil supérieur de la magistrature et offre quatre sièges aux deux présidents des deux Chambres du Parlement en plus des six membres qu’il nomme. Il a constitutionnalisé le clientélisme à travers la création de plusieurs institutions consultatives: l’Observatoire de la société civile, le Conseil national de la jeunesse, le Haut conseil islamique, le CNES, etc. Il maintient le privilège de juridiction pour le président de la République et le chef du gouvernement à travers le maintien de la Haute cour de l’Etat. – Les droits et libertés sont garantis dans l’absolu pas par l’Etat et toujours soumis aux lois qui vont les verrouiller, si on prend l’expérience que nous vivons avec la Constitution en vigueur.

- L’adoption de ce projet par voie référendaire pourra-t-elle enclencher, comme l’affirme le pouvoir, le début de la fin de la crise politique actuelle?

Je pense que réduire la solution de la crise politique dans notre pays à l’amendement de la Constitution ou le changement de certains hommes serait une erreur grave d’appréciation et d’évaluation de la profondeur de la défiance des citoyens envers tout le système de gouvernance dans le pays. Les revendications de la révolution pacifique sont claires: rupture profonde avec ce système et aller vers la construction d’un Etat souverain à travers des institutions pérennes, Etat de droits et des libertés et un développement durable pour l’ensemble du pays. Cela passe par la participation de tous à la solution de la crise et non pas par une démarche unilatérale et une volonté de maintenir le système en place.

- Vous avez déclaré que les résultats du référendum du 1er novembre prochain sont connus d’avance, sur quoi vous basez-vous pour avancer une telle hypothèse?

Je me suis basée sur la lettre de mission destinée à M. Laraba et sa commission pour l’amendement de la loi électorale afin de la mettre en conformité avec le nouveau texte de la Constitution, alors que le référendum n’aura lieu que le 1er novembre, et nous ne sommes pas censés connaître le résultat d’avance, ce qui me laisse croire que le pouvoir ne se soucie même plus de sauver les formes élémentaires.

C’est dire que ce référendum n’est qu’une formalité. En plus, pour la majorité des citoyennes et citoyens, ce référendum est un non-événement, ils sont préoccupés par la pandémie et ses conséquences sur leur pouvoir d’achat, la préservation de leurs emplois, la rentrée scolaire et universitaire de leurs enfants, d’autant que le système n’a jamais respecté la Constitution et les lois, surtout les dispositions relatives à leurs libertés et citoyenneté. Je pense que la crise va s’aggraver avec les revendications socioéconomiques dans les semaines et mois à venir.


N. Amir


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