La porte-parole de Mouwatana revient dans cet entretien sur les objectifs et les perspectives de son mouvement.
- Vous avez qualifié la saisie de 700 kg de cocaïne d’«une affaire d’État». Qu’est-ce qui vous a permis de tirer cette conclusion?
C’est une affaire d’État parce qu’elle met en lumière les carences de la plupart des corps de souveraineté. Les corps des douanes et de sécurité d’abord, qui ont été incapables de prévenir une telle importation.
Il est inimaginable que les cartels d’une drogue dure comme la cocaïne aient pris la décision d’envoyer une quantité aussi importante en Algérie s’ils n’avaient pas testé précédemment les réseaux mafieux locaux. Sans l’alerte qui a été donnée par des autorités étrangères il est certain qu’on n’aurait pas pu intercepter cette énorme quantité de drogue.
Ensuite, à cause du très vaste réseau de complicités à tous les échelons de l’État, notamment de la justice et de la police. Et l’enquête en cours n’en est qu’à ses débuts…
- Cette affaire s’inscrit, selon votre mouvement, dans le sillage de la guerre de succession au président Bouteflika. Pensez-vous qu’il y a absence de consensus autour du candidat du système pour 2019?
Tout porte à croire que les développements spectaculaires de cette affaire, notamment les sanctions qui touchent de nombreux hauts responsables sont liés à la guerre de succession du président Bouteflika. Le limogeage du général Hamel, considéré comme un des plus sérieux candidats du sérail, vient confirmer, s’il le fallait, l’hypothèse que la guerre des clans est déclarée.
- Avec d’autres personnalités nationales, vous avez suggéré au président en exercice de refuser le cinquième mandat. Le dernier mot revient-il à Abdelaziz Bouteflika ou à son entourage?
Notre appel s’adresse à l’entourage du président qui l’a pris en otage, plus qu’au président lui-même, dont nous doutons qu’il ait toutes ses facultés de discernement. Et à supposer qu’il lui reste une once de clairvoyance, est-il en mesure de dicter sa volonté à son entourage?
Notre appel s’adresse aussi à l’opinion nationale et internationale. À l’institution militaire, garante de l’ordre public et de la souveraineté du pays. À celle-ci, nous disons que la perpétuation du statu quo constitue une sérieuse menace à notre souveraineté car le pays n’est plus géré depuis de nombreuses années à cause de l’état de santé du président. Si rien ne change, le pays ira droit au mur.
S’il était soucieux d’amorcer ce changement dans l’ordre, il aurait déjà accepté l’idée d’une période de transition, qui était énoncée dans la plateforme de Zeralda (Mazafran), élaborée il y a deux ans.
Notre appel se situe dans le prolongement de cette plateforme car aucun opposant sérieux ne peut refuser le principe de négocier avec le pouvoir les conditions d’une transition pacifique.
Ce qui a changé, ce sont les enjeux auxquels le pays est aujourd’hui confronté (situation économique et sociale catastrophique, situation sécuritaire à nos frontières, aggravation de la déliquescence des institutions à tous les niveaux, etc.), qui rendent la question de la transition plus urgente que jamais.
C’est aussi la proximité de l’échéance de 2019. Le pays ne se remettra pas d’un nouveau mandat de 5 ans, ni de la reconduction d’un système de gouvernance qui a ruiné le pays. À la sombre situation actuelle, il faut encore ajouter le problème de la démographie galopante (5 millions d’habitants de plus au terme de chaque mandat), qui hypothèque encore plus l’avenir du pays.
- Vous appelez les Algériens et la classe politique à prendre leur responsabilité. Comment cela peut-il se traduire sur le terrain?
En rejoignant notre mouvement (Citoyenneté-Démocratie, ou, par abréviation, Mouwatana) qui est conçu pour fédérer toutes les forces vives du pays. Citoyens et associations qui luttent sur le terrain pour améliorer leur cadre de vie, partis et personnalités politiques, etc.
Une charte citoyenne sera promulguée ces jours-ci, qui résumera les principes et valeurs qui guident notre action. Cette charte sera le socle sur lequel nous comptons bâtir l’Algérie de demain.
C’est là une démarche originale car pour la première fois, il est proposé aux Algériens de s’unir autour de valeurs communes, plutôt que de leur offrir un cadre partisan, qui est nécessairement plus étroit que ce à quoi aspirent la majorité de nos concitoyens. Notre objectif est triple : aider à faire partir l’actuel système, travailler à préparer les outils de la transition démocratique, essentiellement les réformes institutionnelles et politiques. Ce travail sera livré à la rentrée de septembre.
Commencer à bâtir dès aujourd’hui le vaste rassemblement autour de Mouwatana, dont je viens de présenter les grandes lignes. Il sera appelé à devenir un pôle de modernité, qui mettra au cœur de son action les valeurs inscrites dans sa charte, en particulier les valeurs de tolérance, de respect de nos différences et d’ouverture sur le monde. Et il pourrait se transformer un jour -pourquoi pas- en une grande coalition pour gouverner.
- L’opposition pourra-t-elle avoir un candidat unique en 2019?
Tout dépendra des conditions de déroulement de l’élection en question et du succès de notre mouvement.
Entretien par Achira Mammeri
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Posté Le : 05/07/2018
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Achira Mammeri publié le 02 Juil. 2018
Source : tsa-algerie.com