– L’opposant politique Karim Tabbou, qui devait sortir de prison aujourd’hui après avoir purgé sa peine, a été condamné, avant-hier, en appel à un an de prison ferme. Quelle est votre réaction?
En tant que professionnelle du droit, c’était une journée noire. Pour la première fois depuis l’indépendance, nous avons assisté à une décision qui a été rendue sans procès. C’est du jamais-vu! Même pendant la période du terrorisme, nous n’avons pas connu cela.
On a assisté à un simulacre d’un président de la cour qui voulait imposer à Karim Tabbou un procès sans sa défense. Tabbou a été jugé sans procès, sans sa présence. Je considère que c’est une dérive grave de la justice.
Pour moi, la balance de la justice s’est cassée avec une pareille dérive. Auparavant, on mettait les formes. Or, avant-hier, il n’y a pas eu de procès, ni de prévenu ni de défense. Il n’y a même pas eu de réquisitoire du parquet général. Le maintien en prison de Karim Tabbou relève d’une décision politique.
– Vous avez appelé publiquement le Conseil supérieur de la magistrature à sanctionner le juge, qui a rendu son verdict dans le procès en appel de Karim Tabbou…
Un magistrat qui rend une décision sans procès, c’est plus qu’une faute professionnelle grave. Il devrait être radié de la magistrature. J’ai fait appel au Conseil supérieur de la magistrature.
Pour une affaire pareille et pour ne pas souiller toute la justice, ce juge devrait être radié de la magistrature, parce qu’il a souillé l’image de la justice, en rendant une décision sans procès et sans la présence du prévenu.
Si ce Conseil est réellement indépendant, il devrait s’auto-saisir et radier ce magistrat, qui a rendu une décision qui n’est pas exécutoire.
On ne peut pas exécuter une décision qui n’émane pas d’un procès. C’est une violation flagrante de la Constitution, qui garantit les conditions équitables d’un procès, du code de procédures pénales, de toutes les conventions internationales sur les droits de l’homme, sur les droits de la défense, les droits du prévenu et du justiciable.
– Au-delà de la dénonciation du verdict, quels sont les moyens légaux dont dispose le collectif de défense pour rétablir Karim Tabbou dans ses droits de justiciable?
Le collectif de la défense s’est concerté, hier, à la cour d’Alger, parce que tout est encore fermé. Même les permis de communiquer, on a refusé de nous les donner afin de voir Karim Tabbou, Rachid Nekkaz et d’autres détenus. Cette situation est inquiétante. Mais nous nous sommes concertés et nous prévoyons d’organiser une conférence de presse, aujourd’hui.
En outre, j’ai appelé, sur les réseaux sociaux, le ministre de la Justice à rattraper cette dérive judiciaire. C’est au ministre de la Justice et au président de la République d’intervenir. D’abord, de sanctionner le magistrat qui a rendu cette décision, de laisser Karim Tabbou rentrer chez lui aujourd’hui, et de lui permettre d’avoir un vrai procès.
Le ministre de la Justice doit demander immédiatement au parquet général, au nom de la loi, de faire un pourvoi en cassation, et d’instruire la Cour suprême de casser cette énormité d’avant-hier, pour permettre un vrai procès en appel de Karim Tabbou.
Entretien par Houcine Lamriben
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Posté Le : 27/03/2020
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Entretien par Houcine Lamriben
Source : elwatan.com du jeudi 26 mars 2020