Des organisations internationales de défense des droits de l'Homme ont
saisi l'occasion de la rencontre d'aujourd'hui UE-Algérie, au niveau des
ministres des AE, pour soumettre une lettre réquisitoire contre l'Algérie pour
des atteintes aux droits de l'Homme.
La Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), l'Organisation
mondiale contre la torture (OMCT) et le Réseau euro-méditerranéen des droits de
l'Homme (REMDH) ont cosigné un réquisitoire contre l'Etat algérien qu'ils ont
adressé, le 12 juin, aux plus hauts responsables de l'Union européenne à la
veille de la réunion d'aujourd'hui à Bruxelles, des ministres des Affaires
étrangères UE-Algérie, dans le cadre de la quatrième session du Conseil
d'association UE-Algérie.
Les signataires rappellent aux ministres des AE des pays de l'Union, au
Haut représentant de la PESC, Javier Solana, et à la Commissaire aux relations
extérieures, Benita Ferrero-Waldner, les conditions politiques contenues dans
les Accords de coopération de l'UE en général, et celles relatives à l'Accord
d'association avec l'Algérie en particulier.
Tout en respectant l'initiative des organisations de défense des droits
de l'Homme et en reconnaissant les difficultés qu'elles rencontrent à faire
entendre raison à bien des Etats dans le monde, y compris en Europe et aux USA,
nous ne pouvons éviter de nous interroger sur le choix du moment (la réunion du
Conseil d'association) et pourquoi seule l'Algérie est ainsi épinglée sur cette
question et dans une telle circonstance.
« Nous vous demandons d'utiliser cette rencontre ministérielle pour
rappeler au plus haut niveau que la réalisation effective des droits de l'Homme
est non seulement une priorité de la politique extérieure de l'UE, mais aussi
une obligation internationale partagée, ainsi qu'une condition à
l'approfondissement progressif dans les relations UE-Algérie », est-il écrit
dans l'avant-propos de la lettre. Parfaitement, le chapitre 2 de tous les
accords d'association ou de coopération de l'UE contient ce préalable noble.
Pourtant, les trois organisations signataires ont-elles manifesté des
réserves avec autant de détails dans des rencontres à ce niveau pour les autres
pays partenaires de l'UE ? Israël a été promu, malgré les réserves du Parlement
européen, au rang de partenaire privilégié de l'UE, deux semaines avant son
offensive meurtrière sur les civils palestiniens de Ghaza la palestinienne.
Quelques semaines plus tard, l'UE octroie au Maroc le statut de partenaire
privilégié, alors que les populations du Sahara Occidental qu'il occupe
continuent de subir arrestations, tortures et traitements dégradants. Bien sûr,
cela ne justifie pas de se taire sur les atteintes aux droits de l'Homme en
Algérie. Il n'est pas question de minimiser les violations des droits de
l'homme en Algérie par celles que subissent Palestiniens et Sahraouis. Mais la
question du deux poids, deux mesures n'honore pas certains militants des droits
de l'Homme et porte un coup à l'idéal des droits humains. Autrement dit, parce
qu'ils sont aux premières lignes dans la défense de l'idéal de liberté et de
justice pour les humains, les militants des droits de l'Homme n'échappent pas à
la manipulation et à la stratégie de régimes politiques dont ils dénoncent les
dérives en matière de droits humains.
L'exemple dans ce « réquisitoire » contre l'Algérie est significatif dans
sa dénonciation de la politique de Réconciliation nationale. « L'Etat, par la
voix du ministre de la Solidarité, reconnaît 8.023 cas de disparitions
recensées dans le cadre de la politique de réconciliation, qui est une simple
loi d'amnistie en faveur des groupes armés et des agents de l'Etat », est-il
écrit sur ce chapitre intitulé Processus de réconciliation nationale : déni de
droit à la vérité et à la justice.
Il faut certainement respecter cette appréciation des trois organisations
signataires qui, du reste, est exprimée par différents acteurs politiques et
sociaux en Algérie. Mais il faut relever le manque d'argumentation juridique et
politique, voire d'information des signataires sur le sujet. « Nos
organisations n'ont de cesse de condamner la consécration de l'impunité et
d'appeler à l'abrogation de l'ordonnance 06-01 du 28 février 2006 portant mise
en oeuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Nos
organisations considèrent que ce texte viole le droit à la justice, à la vérité
et à la liberté d'expression », est-il écrit. Voilà ce qui s'apparente à une «
déni », pour ne pas employer « ingérence dans les affaires internes », formule
galvaudée. Parce que la Charte pour la paix a été adoptée par référendum, à une
très large majorité, par le peuple algérien lui-même.
En outre, une Charte est un cadre global duquel s'inspirent les lois dans
le domaine. Elle n'est pas la loi. Elle est source de loi. Elle n'est pas une
loi d'amnistie et l'Etat algérien n'a pas prononcé de loi d'amnistie. C'est
tout le problème justement. Le contenu et les conditions d'une loi amnistiante
en Algérie dépendront du rapport de force et de l'engagement des acteurs
sociaux et politiques dans le débat national. C'est pourquoi, écrire que la
Charte pour la paix est une amnistie est non seulement une interprétation
tendancieuse du texte, mais aussi un faux argument.
Sur un autre plan, celui touchant à l'épineuse question de la migration,
les trois organisations signataires de la lettre se disent « préoccupées par la
situation des droits des migrants et des réfugiés en Algérie, notamment suite à
l'adoption de la loi relative aux conditions d'entrée, de séjour et de
circulation des étrangers, dont certaines dispositions violent le droit
international ». Sur ce plan, l'Algérie est devenue, comme bien des pays, un
pays d'accueil, de transit et pourvoyeurs de migrants.
L'Algérie est entourée de sept frontières et subit l'arrivée de migrants,
notamment subsahariens, et fait ce qu'elle peut avec ses propres moyens
financiers et humains. Il est certain que beaucoup lui reste à faire pour gérer
les flux migratoires, mais n'est pas plus « inhospitalière » que bien des pays,
y compris européens. Elle n'a pas signé l'accord proposé par l'UE pour en faire
d'elle une frontière forteresse pour l'UE, parce qu'elle considère que la
question de la migration doit être traitée par une concertation internationale.
L'exemple de nos voisins libyen et marocain qui ont accepté le deal européen
sur l'immigration témoigne qu'il ne suffit pas d'ériger des barrières et
centres de détention pour atténuer le phénomène des migrations.
Enfin, si les trois organisations signataires ont tout à fait le droit
(et le devoir) d'être vigilantes sur toutes ces questions touchant à la dignité
humaine, elles gagneraient en poids et en crédibilité en évitant d'être si
actives envers certains pays et silencieuses envers d'autres.
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Posté Le : 16/06/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Bureau De Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med
Source : www.lequotidien-oran.com