Miguel Angel Moratinos, ministre espagnol des Affaires étrangères qui
coprésidait le 5ème Conseil d'association Algérie-UE au Luxembourg, n'a pas
trouvé d'éléments négatifs dans le bilan de cinq ans de relations économiques
fait par son homologue algérien. Il n'a pas vraiment tort, même s'il ne fait
que son boulot de diplomate contraint, d'une manière ou d'une autre, à manier
la langue d'ébène. Le ministre espagnol peut en effet constater-comme nombre
d'observateurs-que, comparativement aux grosses ruades lancées ces derniers
mois contre l'Union européenne et l'accord d'association-principalement par
l'ancien ministre du Commerce El Hachemi Djaaboub et à un degré beaucoup moindre
par Karim Djoudi-le ton de M. Mourad Medelci est particulièrement modéré. Il
est vrai qu'un ministre des Affaires étrangères pense aussi politique et n'a
pas à l'esprit que les chiffres-franchement désavantageux pour l'Algérie-pour
apprécier le bilan de cinq ans de mise en Å“uvre de l'accord d'association. Le
constat a déjà été fait de la différence d'appréciation-à moins que ce ne soit
un partage des tâches-entre le ministre des Affaires étrangères algérien et ses
pairs au gouvernement en charge des affaires économiques. L'exercice de Mourad Medelci, qui a très officiellement demandé
une révision du calendrier des démantèlements tarifaires, a consisté à doser
entre le souci d'une relation politique qui semble «globalement positive» et
une relation économique qui, elle, paraît «globalement négative». Les choses
ont, de toute évidence, été tranchées en Algérie à la veille de la réunion du
conseil d'association. Pas de remise en
cause de l'accord d'association mais on va demander un nouveau calendrier dont
la possibilité était d'ailleurs prévue dans l'accord entré en vigueur en
septembre 2005.
Multiples canaux et interférences
Ainsi, au plan politique, M. Mourad Medelci se satisfait du fait que
l'Union européenne a, «de façon très claire», adopté la même position que
l'Algérie sur le Sahara Occidental même s'il admet l'existence de «diaphonies»
chez les Européens. On ne sait pas pourquoi le ministre algérien a choisi ce
terme très technique de «diaphonie» pour lequel il faut nécessairement recourir
au dictionnaire. Très délicieusement, Wikipédia explique qu'on «parle de
diaphonie dans le cas de multiples canaux de communication ou de données, là où
l'un interfère sur l'autre ou les autres, gênant ainsi l'écoute sur les autres
canaux». En clair, si l'on comprend bien, M. Medelci admet que la parole de
l'UE n'est pas très claire et qu'il y a des voix qui interfèrent et brouillent
le message… Mais il ne faut pas le dire clairement, d'où… la diaphonie.
Le chef de la diplomatie
algérienne, en abordant les aspects économiques de l'accord d'association - qui
déçoivent aussi bien les patrons algériens que les experts - n'a pas fait dans
la diaphonie par rapport à ses pairs en charge de l'économie… Il a fait dans
l'atténuation, dans la réduction du volume pour rester dans le domaine du son
et de la phonie.
Le tympan de Moratinos n'a pas souffert
Moratinos avait donc de bonnes raisons de ne pas sentir ses tympans
souffrir. En écoutant son homologue algérien, il a compris que «l'Algérie
demande uniquement une plus grande implication européenne, et ne dit nullement
que l'UE ne fait pas bien les choses. Elle révèle qu'elle pourrait faire
davantage, et ça, dans tous les dossiers, qu'ils soient économiques ou
financiers, en prenant en compte les interrogations, les positions et
sensibilité algériennes, et aussi en ce qui concerne des questions de la
dimension humaine». Ah, ces diplomates, ils sont incorrigibles… ! Mais
on sait quand même que l'Algérie a mis l'accent sur ces IDE européens qui ne
sont pas venus avec l'accord d'association. L'accord d'association devait être
un «catalyseur pour le développement des investissements directs européens en
Algérie. Force est de constater que cinq années après son entrée en vigueur,
l'accord d'association n'a pas eu encore l'effet d'entraînement attendu », a
constaté sobrement M. Medelci. Par contre, le démantèlement tarifaire a couté
2,5 milliards dollars et il pourrait couter encore davantage dans les
prochaines années.
Voilà, dites en fréquence plus
douce, les raisons de désappointement général en Algérie à l'égard de l'accord
d'association. Les discussions sur la révision du calendrier du démantèlement
tarifaire vont commencer lorsque l'Algérie soumettra ses propositions. Sur les
IDE, les Européens ont découvert un argument tardif dans les mesures
d'encadrement de l'investissement étranger introduites par le gouvernement
algérien à la faveur de la LFC 2009. Il en sera nécessairement question dans
les discussions entre Alger et Bruxelles. Et dans ce domaine, l'Europe ne fait
pas preuve de «diaphonie».
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Posté Le : 17/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com