Algérie

Algérie - Un demi-siècle d'invocation pour un meilleur aménagement urbain



Algérie - Un demi-siècle d'invocation pour un meilleur aménagement urbain
Un demi-siècle déjà que l’Algérie a recouvré son indépendance et beaucoup de communes ne disposent toujours pas d’une amélioration urbaine adéquate pour répondre aux attentes de la population locale.

Cinquante ans après l’indépendance, l’Algérie, qui est toujours dans le peloton des pays en voie de régression urbaine, est-elle à l’heure des aménagements urbains avec un paysage et des espaces verts adéquats?

La dotation en équipements publics de la commune de Boudouaou, l’une des plus peuplées de la wilaya de Boumerdès, ne suit malheureusement pas la courbe démographique, qui a connu une hausse importante depuis l’indépendance.

D’une commune de quelques milliers d’habitants, Boudouaou est passée à plus de 60.000 résidants. Mais les écoles, collèges, CEM, centres de santé et autres, manquent cruellement. En effet, du côté du Plateau, qui était une surface agricole, les bâtiments poussent comme des champignons et les cités se multiplient sans qu’aucune infrastructure publique, hormis l’université, y soit réalisée.

Des constructions éternellement en chantier ; des routes non goudronnées ; absence de téléphone, de gaz et même
d’assainissement ; inexistence d’espaces verts et de terrains pour la pratique sportive ; absence d’espaces culturels, sont autant de problèmes que les habitants n’ont eu cesse de soulever, comme s’il n’y avait pas d’Etat.

Dire qu’en Algérie, à la veille de l’indépendance, les responsables pensaient à faire accompagner les aménagements des milieux urbains avec des espaces verts de bonne qualité et adaptés aux grandes lignes de l’architecture du paysage, c’est comme croire à une réalité chimérique, car malgré les différents discours des nos responsables concernés par les aménagements urbains, jusqu’au début du XXIe, seuls les grands projets d’aménagement de bases de vie au fin fonds du Sahara, étaient souvent dotés d’un programme bien ficelé, avec l’exigence de la présence d’un architecte paysagiste, parce qu’ils étaient souvent exigés par les investisseurs pétroliers étrangers.

Cette situation va durer jusqu’à l’adoption de la loi relative à la gestion, à la protection et au développement des espaces verts, en 2007.

Pour nos responsables, donner une part raisonnable du budget d’investissement urbain à l’amélioration du cadre de vie du citoyen, avec la mise en place d’une politique d’aménagements d’espaces verts dans un cadre paysager, soit au niveau des équipements (universités, CHU, etc.) ou des nouvelles villes ainsi qu’au sein des grands projets de promotions immobilières, était considéré comme un gaspillage, parce que pour certains d’entre eux, le citadin était considéré comme un nomade, il n’avait donc nul besoin d’un cadre de vie agréable sédentaire avec des espaces verts adéquats dans la logique des aménagements paysagers.

Puisque aujourd’hui, à travers le monde moderne, il est devenu primordial pour la réussite d’un aménagement de meilleure qualité au sein des milieux urbains, de faire appel aux architectes paysagistes, car les espaces verts et les projets paysagers doivent être conçus selon les normes internationales de l’architecture du paysage et où le projet doit être adapté au site d’aménagement, en pensant l’environnement en termes culturels, plastiques, sociaux et écologiques et en lui accordant un entretien permanent réalisé par des jardiniers paysagistes spécialisés.

Aujourd’hui en Algérie, où la population a plus que doublé en cinquante ans d’indépendance et bien que cinq années se soient écoulées depuis la mise en place de loi relative à la gestion, à la protection et au développement des espaces verts, par faute d’adoption des décrets d’application de cette loi par le ministère de l’environnement, on constate que malgré l’effort de certains responsables locaux, qui se sont donnés à fond pour faire appliquer cette nouvelle loi, les espaces verts existants, au sein de nos milieux urbains depuis le temps de la colonisation, sont souvent abandonnés et les nouveaux projets réalisés, durant la période indépendante de l’Algérie, sont souvent dépourvus d’aménagements paysagers, au point que les budgets de gestion et d’aménagement urbains et des espaces verts, sont détournés pour d’autres nécessités, s’ils ne sont pas alloués à des entreprises sans compétences dans l’aménagement des espaces verts et gérés par des architectes de bâtiment qui ne connaissent de l’architecture du paysage et des aménagements paysagers que les distances de plantation ainsi que les noms de quelques arbres et arbustes.

Si en matière d’aménagement des espaces verts, jusqu’à l’adoption de loi relative à la gestion, à la protection et au développement des espaces verts en 2007, la société algérienne marchait à l’envers, ce n’est que parce qu’il y avait une absence de législation adéquate pour la gestion des aménagements des espaces verts au sein des milieux urbains et que souvent les responsables concernés pensaient selon leurs propres techniques et leurs économies, peu importe que leurs agglomérations urbaines se rompaient et se fragmentaient.

En réalité, c’est suite à l’adoption de la loi d’orientation de la ville en février 2006, qu’une volonté du ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement qui s’est avérée fructueuse grâce aux combats quotidiens de quelques architectes paysagistes algériens diplômés de la prestigieuse école de Versailles, que l’Algérie possède aujourd’hui une nouvelle loi qui a pour objet de définir le cadre général, les règles de gestion, de protection et de développement des espaces verts dans le cadre du développement durable de ses milieux urbains et a pour objectifs d’améliorer le cadre de vie urbain, d’entretenir et d’améliorer la qualité des aménagements d’espaces verts urbains existants et de promouvoir la création d’espaces verts de toute nature grâce à l’introduction des espaces verts dans tout projet de construction avec une obligation de prise en charge par les études urbanistiques et architecturales publiques et privées, parce que c’est dans cette logique que l’aménagement paysager du milieu urbain, avec des espaces verts adéquats, s’avérait comme un facteur primordial pour la réussite de l’amélioration du cadre de vie des citoyens algériens dans leurs milieux urbains, pourquoi il s’avère primordial de faire une application accentuée de cette nouvelle loi des espaces verts, car avec le temps, elle va embrayer chez les décideurs la perception d’une vie meilleure au sein du milieu urbain avec des espaces verts, tout en déclenchant la sensibilité et l’attention du citadin par rapport à son paysage urbain, car la motivation paysagère au sein des aménagements urbains est avant tout une construction historique, sociale, culturelle et géographique agrémentée d’ un amour de la nature.

Ce n’est pas parce que l’Algérie d’aujourd’hui possède une loi d’orientation de la ville et une autre de la gestion des espaces verts, que cela veuille dire que les problèmes existant au sein de ses milieux urbains vont arriver à leurs fins et que les citoyens algériens pourront enfin jouir d’un cadre de vie de meilleure qualité avec des espaces verts adéquats au sein de leurs agglomérations, car si, à l’instar des grandes cités européennes de la fin du XIX e siècle, les élites doivent admettre que le développement des milieux urbains ne peut être laissé au hasard et que pour parer aux conséquences parfois désastreuses de ce développement, il faut savoir contrôler l’aspect paysager du milieu urbain car s’il était longtemps considéré comme un point de vue sur la nature qui s’offre à l’observateur, le paysage urbain doit devenir le point sensible des milieux urbains en Algérie, puisque toute beauté est fondée sur les lois des formes naturelles et que l’architecture d’un milieu urbain est d’émouvoir et non d’offrir un simple service au corps de l’homme, c’est pourquoi afin d’aboutir à ce pari, il faut que chaque intervenant dans le domaine de l’amélioration urbaine reste dans le domaine de sa spécialité et que l’urbaniste, l’architecte ou le forestier ne se mêlent pas du travail des architectes paysagistes, qui sont formés pour intervenir dans les processus de programmation, d’élaboration et de réalisation des projets d’aménagement des espaces verts au sein des milieux urbains, ils sont à la fois concepteurs, maîtres d’œuvre et médiateurs et les seuls partenaires et interlocuteurs des décideurs des aménagements des espaces verts paysagers au sein des milieux urbains.

Si l’architecte paysagiste algérien doit pouvoir reprendre sa place de maître de bord des aménagements paysagers au sein des agglomérations urbaines et cela grâce à la volonté de l’Etat, en lui offrant une école de formation des architectes paysagistes, de meilleurs garanties de travail, ainsi que des lois adéquates qui détermineront son rôle et ses interventions dans la logique de la politique d’amélioration urbaine dans la collaboration avec les urbanistes et les architectes, ce n’est que parce que malgré cinquante ans de gestion de nos milieux urbains par des Algériens, il s’avère qu’ il n’y a pas de solution unique et miraculeuse pour la réussite des aménagements des paysagers au sein des milieux urbains sans la présence de l’architecte paysagiste en qualité de médiateur, car jusqu’à preuve du contraire, il est le seul qui saura réintégrer la ville et le village algérien dans son histoire et sa géographie et donner une meilleure perspective à l’élan tant engagé ces dernières années à travers les différentes wilayas du pays à des milliards de dinars, dans le cadre des programmes présidentiels, afin de donner une meilleure qualité de cadre de vie aux citoyens algériens et que le renouveau urbain actuel en Algérie soit le fruit des ambulanciers de l’urbanisme moderne, qui ont déjà su donner leurs preuves à travers les plus beaux milieux urbains du monde contemporain et même des plus petits villages des pays de la civilisation urbaine.

Vivre cinquante ans après l’indépendance dans une embellie financière et avec une rhétorique de la politique d’amélioration urbaine, tout en étant dans un paysage urbain en déliquescence permanente, au point de transformer l’agglomération urbaine algérienne en un théâtre de régression paysagère en continu et loin d’enchanter pour répondre au désir de l’œil et de l’âme du citoyen algérien, 1 signifie que l’Algérie d’aujourd’hui, sans la présence d’architectes paysagistes décideurs au sein des services des autorités locales, est loin de savoir appréhender les décisions adéquates qui lui permettront de réussir l’aménagement urbain de demain, avec des espaces verts aménagés selon les normes modernes de l’architecture du paysage et de les mettre au service du cadre de vie de ses citadins, car tout en faisant des projets improvisés loin de la conscience d’agir dans la logique du développement du projet paysage urbain et de la compréhension de la maîtrise du temps et de l’espace, avec une ignorance de prendre les fonctionnements nécessaires, la logique d’y arriver à des dimensions urbaines munies d’échelles de lecture et de représentation du paysage urbain adéquats, ne sera jamais une réalité à chacun de nos milieux urbains.

Meziane Abdellah (Architecte paysagiste, diplômé de Versailles, membre de l’ASLA, de la CSLA et de la FFP, Lakhdaria, Algérie.)


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