Algérie

Algerie – UE: L'art de l'esquive et des faux-fuyants



La rencontre UE - Algérie, à Luxembourg, n'a pas permis de lever toutes les équivoques sur la question des tarifs douaniers. Alger estime avoir eu gain de cause, alors que l'UE n'a pas manqué de critiquer les «faux pas» d'Alger. Où se trouve la vérité ?

 Finalement, nous ne sommes pas plus avancés sur ce qui a été convenu, entre l'Algérie et l'UE, sur la question du démantèlement tarifaire. Lors de la conférence de presse de lundi, tenue à Luxembourg, les déclarations du ministre algérien des Affaires étrangères et celles des responsables européens ont été plus des déclarations diplomatiques de circonstance que l'annonce d'un calendrier précis et d'une nomenclature identifiant les produits concernés par les taxes douanières. Et puis diantre ! Est-il si capital, est-ce une question de survie pour l'Algérie (et aussi l'UE) que de gagner 3 années pour s'engager, pour toute une vie, dans un « marché commun » ? Disons les choses clairement : 3 ans de plus feront-ils de l'économie algérienne une économie aussi performante et aussi productive que celle de l'Europe ? M. Martony ministre des AE en exercice de l'UE a déclaré : « L'UE souhaite définir avec l'Algérie de nouvelles perspectives pour l'agenda commercial… mais l'invite à des réformes profondes ». Le Commissaire européen en charge de la politique de voisinage, Stefan Füle, a ajouté : « L'UE invite l'Algérie à alléger ou à reconsidérer, autant que possible, ces mesures… et d'éviter des procédures trop contraignantes pour les opérateurs. » Il a rappelé par ailleurs que : « le traitement restrictif appliqué aux investissements directs étrangers - IDE- et aux marchés publics a généré de fortes inquiétudes au sein de la communauté des affaires européennes, avec un effet très négatif sur les investissements étrangers actuels et futurs en Algérie. » Que veut dire tout cela, si ce n'est le prononcé d'un verdict lourd contre la conception algérienne de sa coopération avec l'UE ? Mieux, l'UE a prononcé un « jugement » sur le rythme des réformes économiques (et politiques) de l'Algérie. Les bouleversements politiques dans les pays arabes, et plus spécialement dans le Maghreb, c'est-à-dire son voisin immédiat, a pesé dans le jugement européen qui s'apparente à un rejet des arguments algériens.

 D'aucuns verront dans ce jugement l'empressement européen à trouver de nouveaux débouchés pour son économie en cette période de crise globalisée. Mais pas seulement. Il y a le « printemps arabe ». Ce dernier accélère le mouvement des réformes économiques dans le sens du libéralisme et l'Algérie, pays tampon et stratégique de la région, ne peut pas rester à la traîne. Elle ne peut, dans les conditions de ces bouleversements et ceux du marché international, continuer à être une « exception ». Le pays dispose d'atouts financiers, économiques et humains que lui envient bien d'autres pays de la région et pourtant n'arrive pas à enclencher un vrai processus de restructuration et de modernisation de son économie. La sécurité financière du pays grâce aux revenus des hydrocarbures de ces dernières années, aurait pu amortir grandement le coût social des réformes nécessaires. Restructurer une économie ne veut pas dire la démanteler, la brader ou l'abandonner. Le terme de restructuration qui révulse tant les adeptes de l'immobilisme et alimente les discours du nationalisme exclusif ne signifie rien d'autre que « réorganisation ». Ce sont des choses que nos gouvernants n'ignorent aucunement. Les malformations de notre économie sont identifiées, mesurées et les remèdes connus. Que ce soit les domaines de l'éducation, de la formation, des ressources humaines, du management, du marketing ou ceux de l'organisation administrative, de la justice ou des finances et jusqu'à ceux de la communication et de la culture, tous nécessitent de véritables plans Marshall. Parce que derrière le monde de la production industrielle et agricole, il y a d'abord des femmes et des hommes qui pensent, programment, produisent et gèrent.

 La performance d'une économie et son niveau de production et de productivité ne dépendent pas du seul discours politique ou de slogans aussi beaux soient-ils. La performance d'une économie dépend de la valeur de ses « ressources humaines » qui anticipent sur ses besoins, l'encadrent, l'organisent, la « restructurent » en permanence et en fonction du marché international. De telles traditions sont, en dernière instance, une question de choix et de volonté politiques. Et c'est là toute la difficulté, pour ne pas dire le drame de notre pays : que voulons-nous ? Vivre de la rente des hydrocarbures (jusqu'à quand ?) Ou dire à nos concitoyens l'état réel de notre économie et la nécessité de la réformer en profondeur ? Il y aura un coût social pour les réformes et l'Etat a les moyens de réduire au maximum leur impact. Dans tous les cas, plus vite la vérité est révélée aux Algériens et les réformes engagées sérieusement, moins les dégâts sociaux seront importants. Plus, les réformes sont reportées, souvent d'ailleurs en raison de calculs et opportunismes politiciens, plus elles seront difficiles à mener et leur coût social élevé, catastrophique.




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