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Algérie - Samir Grimes. Expert international en environnement et changements climatiques: L’exploration et l’exploitation offshore des hydrocarbures présentent de nombreux risques environnementaux



Algérie - Samir Grimes. Expert international en environnement et changements climatiques: L’exploration et l’exploitation offshore des hydrocarbures présentent de nombreux risques environnementaux


– L’exploitation des hydrocarbures en mer est-elle une priorité?

La diversification des sources énergétiques est dictée par un faisceau de considérations qui sont étroitement liées entre elles. Parmi ces raisons, il y a lieu de citer le contexte du marché énergétique et l’évolution des acteurs de ce marché dans le monde, dans la région arabe et en Méditerranée mais également l’évolution des indicateurs de la production, de l’exportation et de la demande/consommation interne en hydrocarbures.

Ce dernier paramètre connaît une augmentation rapide et inquiétante pour les équilibres globaux du paysage énergétique national. Dans ce contexte, l’exploration offshore des hydrocarbures s’impose à l’Algérie comme elle s’est imposée à de nombreux pays maritimes, qu’ils soient grands exportateurs et/ou grands consommateurs d’hydrocarbures.

Il est aussi important de contextualiser ce choix dans le cadre du nouveau modèle économique qui s’appuie sur une triple transition: économique, énergétique et environnementale.

Par ailleurs, ce n’est pas tant le bien-fondé de l’exploitation offshore qui est remis en question, mais il s’agit principalement de «mettre sur la table» les risques qui sont liés à cette activité et son acceptabilité sociale et par voie de conséquence, le développement d’une «culture de l’appropriation des risques» par l’ensemble des parties prenantes concernées par ce sujet.

Il y a lieu de souligner que la législation internationale en matière de dommages environnementaux liés aux activités et au risque des plateformes d’hydrocarbures offshore est encore très en retard.

En effet, les dédommagements sont plafonnés à des maximas qui sont très en deçà des coûts réels des dommages occasionnés par les pollutions liées à ces plateformes, on parle d’un ordre de grandeur de près de 1 pour 25, voire 1 pour 30 dans certaines catastrophes. En réalité, il n’existe pas de «réglementation internationale spécifique à l’offshore».

D’un autre côté, il y a lieu de souligner la part de plus en plus importante de la production de gaz et de pétrole offshore dans la production énergétique mondiale.

– Celle-ci n’est-elle pas sans danger sur l’environnement?

Il est évident que l’exploration et surtout l’exploitation offshore des hydrocarbures présente de nombreux risques environnementaux. Il n’existe aucune activité d’exploitation offshore au monde avec un risque zéro sur l’environnement.

Deux types d’impacts environnementaux liés à ces activités sont à relever, les pollutions chroniques, de type opérationnel, qui sont de moindre intensité mais qui durent dans le temps avec un effet «à petites doses» mais cumulé, et une seconde pollution plus spectaculaire, de type catastrophe, avec un impact médiatique, psychologique et environnemental apparent à très court terme.

Les écosystèmes marins et côtiers sont exposés du fait des activités d’hydrocarbures offshore à des risques et peuvent subir les effets négatifs de ces activités par les déversements de pétrole, les perturbations des fonds marins, les déblais de forage, les effets des infrastructures en mer (plateformes), les pollutions de l’air et de l’eau, les nuisances sonores pour la vie marine, notamment pour les cétacés.

A titre indicatif, je vous rappelle les dommages occasionnés par une vingtaine d’accidents majeurs qui se sont produits depuis 1976 sur les plateformes pétrolières en mer, notamment en Méditerranée, dont l’accident de Jiyeh au Liban en 2006.

C’est pour cela d’ailleurs que les projets d’exploitation offshore doivent être conformes à la meilleure pratique actuelle en intégrant dans les propositions de forage un argumentaire de sûreté approuvé avant le début des opérations, et qui doit inclure des procédures de vérification par des tiers indépendants et des révisions régulières à intervalle approprié par des experts indépendants. Ce dispositif doit aussi s’assurer que les «points d’arrêt» préalables au forage devront veiller à ce que tous les risques aient été considérés et atténués.

A cet effet, et compte tenu de l’expérience limitée de notre pays dans le domaine de l’exploitation offshore, il serait pertinent de développer des partenariats avec d’autres pays et partenaires ayant une expérience avérée et solide dans ce domaine aussi bien sur le plan de l’exploration, le développement et la valorisation, que celui de la préservation de l’environnement ainsi que l’anticipation et la gestion des risques liés à ces activités.

– Existe-t-il un encadrement juridique pour les activités pétrolières offshore?

L’encadrement juridique existant actuellement en Algérie prenant en charge la pollution marine n’est pas suffisant et pas totalement mis en œuvre. Le législateur algérien a prévu un dispositif spécifique très important et bien réfléchi, c’est le dispositif Telbahr relatif à la prévention et à la lutte contre les pollutions marines accidentelles.

Si les comités Telbahr de wilaya ont été mis en place par arrêtés entre 2015 et 2017, les comités Telbahr de façades ne sont pas encore totalement opérationnels. De plus, le secrétariat national de ce dispositif n’a pas encore les moyens de sa politique et les comités ad-hoc prévus dans l’organisation de ce dispositif ne sont pas encore mis en place.

Ces comités ont des missions fondamentales, notamment en ce qui concerne l’identification, la mobilisation, la répartition et l’entretien des moyens de lutte contre les pollutions accidentelles, le financement de la lutte ainsi que la formation, la construction et le renforcement de capacités nationales, en particulier dans le domaine opérationnel.

Il est utile de rappeler que le dispositif Telbahr doit avoir des inventaires relatifs aux ressources de réponse, qu’elles soient publiques ou appartenant aux industries et autres opérateurs afin de lui permettre d’assurer d’une manière efficace son rôle de coordination, si nécessaire, en cas d’accident majeur. Les équipements disponibles pour assurer la lutte contre tout déversement accidentel potentiel sont une composante-clé des plans d’urgence; ces équipements devraient être localisés à proximité des installations à risque afin de permettre un déploiement rapide et efficace en cas d’accident majeur.

Il est plus qu’urgent, notamment depuis que notre pays s’oriente vers l’exploration et l’exploitation offshore, de doter le dispositif Telbahr à toutes les échelles de son organisation (nationale, les trois façades maritimes, Est, Centre et Ouest et à l’échelle des wilayas) des moyens d’actions nécessaires et adaptés aux risques d’accidents en mer par les déversements accidentels de tankers ou des pollutions potentiels liées aux plateformes offshore d’hydrocarbures.

Sur un autre plan, les opérateurs, qui interviennent sur toute la chaîne de l’exploration et de l’exploitation offshore, doivent mettre à la disposition de l’administration un exposé des motifs argumentés pour démontrer de manière sans équivoque aux autorités nationales compétentes en matière de protection de l’environnement que tous les risques spécifiques au site et les zones adjacentes ont été considérés, et de prévoir des contrôles dans chaque installation.


Entretien par Sofia Ouahib


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