- Depuis l’indépendance, l’Algérie a eu recours à plusieurs méthodes pour gérer puis se débarrasser des déchets. La dernière est la réalisation de CET. Qu’en pensez-vous?
A l’indépendance, la population n’était que de 8 millions qui ne produisaient pas autant de déchets que les 40 millions d’habitants de notre époque. Les habitants du milieu rural résolvaient leur problème de déchets en les transformant en compost destiné à la fertilisation de leurs terres ou créaient des CET anarchiques de petite surfaces sinon ils recouraient à l’incinération sauvage en plein air. Avec le boom démographique, la situation est devenue plus complexe.
Les méthodes traditionnelles ont évolué sans pour autant régler le problème de la gestion des déchets dans notre pays. Les déchets restent un problème qui se complique au fur et à mesure de la croissance démographique, car l’Algérie ne s’est pas intéressée aux nouvelles technologies.
- Quels sont les dangers des centres d’enfouissement technique?
Les solutions archaïques d’enfouissement sont rejetées par la population vu les conséquences d’émanation d’odeurs nauséabondes dues à la dioxine et autres produits dans un rayon de plusieurs kilomètres du centre d’enfouissement technique (CET) qui se traduira à court et long termes sur la santé du citoyen. La pollution olfactive provoque des difficultés respiratoires générées par les fuites de biogaz. La pollution de l’environnement par la formation de biogaz est effective à raison de 200 m3 par tonne de déchets au niveau des CET.
La Conférence climatique de Paris, qui aura lieu du 30 novembre au 11 décembre, ainsi que tous les accords internationaux précédents interdisent toutes les industries produisant des gaz à effet de serre, dont les CET, et exigent la filtration et la purification des fumées.
Les CET produisent des gaz à effet de serre à ciel ouvert. Ces biogaz affectent les yeux, les voies respiratoires, le cœur, le foie et le système nerveux central. Certaines maladies sont accompagnées de cancers, d’affaiblissement du système immunitaire et de malformations congénitales.
On est alors en droit de se poser la question de la toxicité ou de l’empoisonnement graduel sur le long terme (10-20 ans). Des études épidémiologiques sérieuses, objectives et statistiquement viables concernant l’observation d’une réduction des défenses immunitaires face aux cancers, comme la leucémie, chez les riverains de CET, ont été publiées.
Cela sans oublier la prolifération des prédateurs tels que les mouettes, les corbeaux, les rapaces, les rats, les chiens errants, les mouches, les moustiques et autres insectes qui sont attirés par la nourriture et la chaleur de fermentation du sol (35°C à 80°). Ces prédateurs peuvent provoquer des épidémies dans les villages avoisinants et détruire les plantations environnantes à tout moment du cycle agricole.
Les colonies d’oiseaux introduisent des risques épidémiologiques graves pour la santé des enfants et des personnes fragiles. Les maladies bactériologiques et virologiques sont introduites par les prédateurs qui sont porteurs de maladies bactériennes transmissibles à l’homme.
- Qu’en est-il du lixiviat?
Les lixiviats résultent du passage des eaux de pluie à travers les déchets, ; leur drainage provoque la formation de différents composés toxiques. C’est un cocktail noirâtre constitué de bactéries en tous genres, d’hydrocarbures, de substances chimiques corrosives et de métaux lourds tels que le plomb ou le mercure.
Les eaux de ruissellement sont contaminées et polluent la nappe phréatique à cause des ruptures ou des perforations accidentelles dues aux attaques chimiques de la bâche de protection lors de sa mise en contact à terme avec les lixiviats.
Un grand nombre d’études menées à l’étranger durant les dernières années concluent que les protections contre les fuites de lixiviat par bâches plastiques et sous-couches argileuses sont totalement inadéquates lorsqu’il s’agit de garantir la sécurité de l’eau et de l’environnement, et ce, sur plusieurs décennies. La pollution par les lixiviats est irréversible et irréparable. L’utilisation de cette eau contaminée par des lixiviats et la décomposition anaérobie produit de nouvelles bactéries qui favorisent les pathologies cancérigènes, les malformations congénitales et les mutations génétiques.
- Quelle est la meilleure méthode, à votre avis?
Des solutions pour le traitement inoffensif et non polluant des déchets ménagers existent. L’incinération et la biométhanisation sont déjà mises en œuvre dans de nombreux pays d’Europe où la facturation se fait à la tonne de déchets. Cette valorisation énergétique des déchets ménagers entre dans le cadre de la politique mondiale des énergies renouvelables qui vise à transformer les détritus en combustible de type organique.
L’incinération des déchets est un processus de haute technologie qui nécessite une opération de tri préalable. La bonne gouvernance est exigée et des textes législatifs doivent être élaborés.
Ce n’est qu’avec cette méthode et la valorisation énergétique que le problème de l’insalubrité peut être résolu définitivement. Un centre d’incinération bien maîtrisé ne devrait provoquer aucun mécontentement de la population, comme dans le cas actuel le CET de Corso, dans la wilaya de Boumerdès, et d’autres centres d’enfouissement à l’échelle nationale.
Un centre d’incinération ne présente aucun inconvénient, sous réserve de maîtriser la technologie, maintenir une relation avec les universités pour la formation et la recherche sur le tas, assurer le fonctionnement permanent de la neutralisation et de la filtration des fumées, veiller à la rigueur dans le fonctionnement du complexe et dans le management, tout en respectant les consignes d’hygiène et de sécurité. Le programme de maintenance des équipements doit être strict pour éviter les arrêts prolongés.
- Quelle est son efficacité à court et long termes?
Après le triage et le recyclage des ordures ménagères restantes, la valorisation énergétique par incinération apparaît comme l’une des solutions les plus satisfaisantes pour l’environnement.
Ce mode de traitement mobilise peu de surface par rapport à la mise en décharge CET, et ce processus produit une énergie locale directement utilisable tout en rendant possible l’extraction de sous-produits réutilisables.
En Europe, en 2008, on évaluait à 60 millions de tonnes/an les déchets ; après valorisation énergétique, on obtient 28 milliards de KWh d’électricité et 69 milliards de KWh vapeur. Après l’amortissement de l’investissement et l’acquisition de traditions de gestion de cette technologie, l’Algérie ne sera que bénéficiaire sur l’aspect économique et sanitaire des citoyens.
Les sociétés fortunées doivent y réfléchir pour s’engager dans le tri, le recyclage et l’incinération au même titre que les sociétés européennes qui y ont trouvé leur bénéfice. A ce jour, il n’existe pas d’autre technologie concurrentielle pour résoudre ce problème de déchets.
Asma Bersali
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Posté Le : 22/11/2015
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Entretien par Asma Bersali
Source : elwatan.com du dimanche 22 nov 2015