Condamnant la liquidation de son compagnon de lutte, Hocine Aït Ahmed accusait le régime de Boumediène d’avoir conçu, organisé et perpétré l’assassinat.
Son destin correspondait tragiquement à celui de l’Algérie qui venait d’accéder à sa souveraineté nationale. Assassinat des artisans de la Révolution et confiscation de l’indépendance. Un des neuf chefs historiques de la lutte de Libération nationale, Mohamed Khider, n’a pas eu le temps de jouir de la liberté retrouvée au terme d’une Révolution sanglante et d’énormes sacrifices consentis. Son divorce avec le régime de Ben Bella l’a conduit à l’exil et son opposition au colonel Boumediène lui a coûté la vie. Il est froidement abattu, devant sa femme, une nuit de janvier de 1967 à Madrid. Il avait alors 55 ans. Un demi-siècle après, ce crime reste impuni.
Ni l’auteur ni les commanditaires n’ont été arrêtés ou poursuivis. L’assassinat a été «couvert» dans une Espagne sous Franco en entente parfaite avec le régime de Boumediène. Son compagnon de lutte et de bagne, Hocine Aït Ahmed, avait alors dénoncé un «crime monstrueux, commis de la façon la plus lâche contre un homme sans arme, en présence de sa femme, eut lieu dans une rue de Madrid, le 3 janvier 1967 à 22h».
Le chef du FFS en exil, qui était aussi un proche parent de Khider, raconte les circonstances du drame qui a emporté un des chefs historiques au long cours.
«Mon beau-frère, sa femme et un de ses parents en visite à Madrid sortaient de l’immeuble dans lequel Mohamed Khider résidait depuis plus de deux ans et prirent place dans sa voiture personnelle qui était parquée près de l’entrée. A ce moment, un étranger s’approche de M. Khider, assis au volant de son auto, et demande à lui parler en privé. M. Khider, ne le connaissant pas, lui propose de fixer un rendez-vous pour plus tard. Alors, sous prétexte de lui donner son adresse, l’individu sort son pistolet et tire. L’arme s’enraie. Il tire de nouveau et la balle pénètre à travers le pare-brise sans toucher Khider. Celui-ci sort de la voiture et se dirige vers l’immeuble. L’assassin tire encore et Khider s’affale, sérieusement blessé à l’épaule. Le meurtrier s’agenouille alors aux côtés de sa victime et, froidement, sauvagement, lui tire à bout portant quatre balles, deux au cœur et deux dans la tête. La mort fut instantanée. L’assassin s’échappa vers la voiture qu’il avait louée deux heures auparavant, poursuivi par Mme Khider qui appelait au secours. L’assassin voulut même tirer sur elle, mais le chargeur était vide. Le courage de Mme Khider l’obligea à abandonner la voiture qu’il avait louée...»
Pour Aït Ahmed, le crime porte bien une signature. Celle du régime de Boumediène.
«J’accuse le régime de Boumediène d’avoir conçu, organisé et perpétré l’assassinat. Cette pratique honteuse de gangsters politiques porte le sceau de ce clan d’aventuriers sans scrupules qui ont usurpé le pouvoir et détruit dans notre pays les principes de liberté, de démocratie et de justice, pour lesquels des millions d’Algériens, parmi lesquels Khider, ont donné le meilleur d’eux-mêmes», dénonçait alors l’exilé de Lausanne.
Issu d’une famille modeste de Biskra, Mohamed Khider s’est engagé dans le Mouvement national dès son jeune âge, d’abord au sein de l’Etoile nord-africaine, puis au PPA et au MTLD, où il a joué un rôle actif.
Arrêté durant la Seconde Guerre mondiale, puis une seconde fois lors événements de Mai 1945, après le déclenchement de la guerre, il assume le rôle de diplomate au côté de la Délégation extérieure avant de se faire arrêter en compagnie d’Aït Ahmed, Boudiaf, Lachref et Ben Bella lors du fameux détournement de leur avion, le 22 octobre 1956. Si à l’indépendance, Khider se range au côté de Ben Bella en dirigeant l’appareil du parti, il va vite déchanter. Contraint à l’exil en Suisse, le régime de Boumediène le poursuit et fomente «l’affaire» des fonds du FLN pour le salir avant de l’exécuter.
Tout comme les autres assassinats politiques commis durant la Guerre de Libération et dans l’Algérie indépendante. La prise du pouvoir dans la violence par ceux qu’il appelait communément le «groupe de Oujda» et l’instauration d’un ordre autoritaire et brutal ont eu comme conséquences directes l’emprisonnement et/ou le bannissement des adversaires politiques. L’élimination physique des opposants était la règle.
La liquidation de Abane Ramdane en pleine Guerre de Libération inaugurait un cycle d’assassinats politiques qui allait atteindre d’abord le jeune ministre des Affaires étrangères Mohamed Khemisti, assassiné sur le perron de l’Assemblée nationale en 1963. Le premier maquisard de la Révolution et néanmoins figure emblématique de la lutte indépendantiste, Krim Belkacem, est assassiné en Allemagne en 1970.
Ali Mecili, militant nationaliste, assassiné à Paris le 7 avril 1987 à cause de son rôle central pour la lutte démocratique. Mohamed Boudiaf, chef de l’Etat et rédacteur de l’Appel du 1er Novembre 1954, a été liquidé, en direct à la télévision devant des millions d’Algériens, en juin 1992.
En assassinant les chefs de la Révolution, c’est l’esprit d’indépendance que l’on assassine.
Hacen Ouali
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Posté Le : 04/01/2017
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: lematindz.net ; texte: Hacen Ouali
Source : elwatan.com du mardi 3 janvier 2017