Le Quotidien d'Oran : Le symposium que le FCE vient d'organiser à Alger sur les 50 ans de l'économie algérienne a été caractérisé par des constats et des interventions très critiques à l'égard du gouvernement et de son action économique. Certains y voient l'expression d'un positionnement offensif en perspective des grandes échéances politiques et électorales qu'attend le pays. Qu'en pensez-vous?
Réda Hamiani: Il n'y a pas, au FCE, de parti pris idéologique ou doctrinaire. Son unique préoccupation est la défense de l'entreprise et de l'économie algériennes. Le symposium qu'il a organisé sous la direction de son président d'honneur, Omar Ramdane, a été conçu et préparé par des universitaires et des chercheurs spécialisés. Le diagnostic qu'ils ont établi et soumis au débat résulte d'un travail d'analyse et d'évaluation long et objectif et dont le contenu est pour une partie connu par tous ceux qui suivent attentivement l'actualité économique nationale. Qu'il ait fait l'objet de réactions passionnées ou critiques, c'est que la situation est critique et que les alertes qu'il contient ne laissent pas indifférents. L'Algérie est malade de l'informel et de son pétrole. Les recettes des hydrocarbures sont utilisées comme un voile pour cacher tous les graves dysfonctionnements de son économie. Il faut lever ce voile et regarder la réalité en face.
Q.O.: Au cours des travaux du symposium, certains experts et chefs d'entreprise ont douté de la capacité du FCE et du patronat algérien en général à se faire écouter par les pouvoirs publics et d'amener le gouvernement à faire les réformes souhaitées. Quel est votre avis?
R.H.: Le FCE n'est pas dans une logique d'affrontement ou de confrontation. Ce n'est pas sa culture, et sa mission est de formuler des propositions et des solutions dans l'espoir qu'elles soient écoutées et prises en compte. C'est cela le principal et c'est cela que ses membres continueront à faire avec la vertu de l'insistance et de la recherche de tous les moyens de dialogue possibles. Peu importe, en fait, que les initiatives ou les discours des membres du forum soient connotés ou compris comme des mises en perspective politique comme vous l'avez dit. Ce n'est pas cela l'important et je n'en vois pas l'intérêt en tout cas. La crainte, la pire de toutes, est qu'on continue à couvrir du voile des recettes du pétrole une réalité économique catastrophique. Imaginez-vous la catastrophe s'il n'y avait pas Hassi Messaoud et Hassi R'mel ? La réponse à cette question est une motivation suffisante pour que l'on prenne conscience - c'est l'intitulé de notre symposium - de «l'urgence d'une nouvelle économie moins dépendante des hydrocarbures». Au forum, nous ne sommes pas naïfs pour croire que cela arrivera demain. Cette énergie de plus en plus chère continuera à faire vivre le pays pendant quelques décennies encore. Mais elle n'est pas renouvelable et il faut en sortir, léguer aux générations futures une économie basée sur l'innovation industrielle et la maîtrise de la connaissance et des technologies.
Q.O.: En «off», un haut cadre du ministère de l'Industrie et de la PME a reproché aux chefs d'entreprise du FCE de «faire dans la caricature» en feignant d'oublier tous les efforts qui ont été faits pour aider l'entreprise algérienne à se développer. A-t-il raison?
R.H.: Personne ne dit que rien n'a été fait. Personne ne nie les mesures positives prises pour encourager nos entreprises ni les avancées dans le domaine de l'investissement. Au cours des interventions, vous l'avez vu, il y a eu des membres du FCE qui sont venus présenter leur expérience réussie et il y a eu des experts qui ont passé en revue les progrès réalisés… Au Forum, nous ne faisons pas dans la caricature. Nous voulons juste indiquer que presque toutes les grandes réalisations l'ont été grâce aux revenus pétroliers menacés d'épuisement et auxquels il faut trouver une alternative. Nous voulons juste rappeler - et c'est le sens des 50 propositions que nous formulons - que l'entreprise en Algérie n'évolue pas comme elle devrait le faire pour constituer une forme économique structurante - près de 600.000 PME dont la majorité ne dépasse pas les 10 employés - et qu'elle souffre d'un environnement stressant. Il n'y a rien de caricatural à pointer le danger d'une législation et d'une réglementation qui change à chaque fois depuis la loi de finances 2009. Il n'y a rien de caricatural à s'inquiéter des décisions qui font fuir les investisseurs et des lois votées puis modifiées à la dernière minute ou qui restent orphelines de textes d'application qui ne suivent pas. Il y a, à ce niveau, des incohérences qu'il faut lever par l'instauration d'une sécurité juridique qui, selon le FCE, passe par la liberté totale de l'acte d'investir et une politique favorisant l'émergence de champions nationaux.
Q.O.: A l'Aurassi où s'est tenu le symposium, il y avait parmi les présents des commis de l'Etat et des cadres gouvernementaux mais pas de représentants ni de chefs de partis politiques. Pourtant, tout ce qui a été dit et recommandé les concerne. Pourquoi cette absence?
R.H.: Le symposium est une initiative associative et citoyenne qui était ouverte à tous ceux que l'avenir économique du pays intéresse. Les propositions qui ont été retenues à l'issue de ses travaux ne sont pas adressées au gouvernement seulement mais à l'ensemble des acteurs du champ politique et des partis dans notre pays. Dans ces milieux, et faute de cadre sans doute, le débat sur l'économie est saturé de généralités et les vraies questions liées à l'avenir de l'entreprise et de l'économie sont le plus souvent évitées ou escamotées. Et comme il va y avoir un nouveau personnel politique dans le pays, nous inviterons, au courant du mois d'avril, chacun des partis à venir échanger et discuter en réunions ouvertes et publiques avec les membres du FCE des grands problèmes économiques du pays. Il s'agit de s'informer de leurs programmes économiques et de leur demander de nous répondre sur des points précis concernant l'entreprise et l'investissement dans notre pays.
Q.O.: En ce qui concerne les moyens de rendre le patronat algérien plus audible, le professeur Abdelmadjid Bouzidi a suggéré la tenue d'un congrès ou d'une rencontre qui regrouperait chaque semestre ou chaque année l'ensemble des associations patronales pour coordonner leurs actions. Une vieille idée qui ne se concrétise pas. Pourquoi?
R.H.: Au Forum, nous sommes depuis longtemps demandeurs de la création d'un cadre de rencontre et de concertation où tous les patrons puissent se rencontrer, discuter et faire des propositions. Si cette demande n'a pas abouti, c'est parce que chacun a pris l'habitude de travailler chez lui dans sa région et dans son association propres et qu'il n'est pas facile de changer de culture ni de réflexe du jour au lendemain. C'est pourquoi nous défendons l'idée que chacun de nous garde son identité mais qu'on puisse au moins nous retrouver sur les grands dossiers et les enjeux cruciaux qui concernent notre entreprise et économie. C'est là un minimum vital de solidarité auquel il faut absolument parvenir.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 17/03/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Entretien par Nordine Azzouz
Source : Le Quotidien d'Oran du samedi 17 mars 2012