Algérie - SOCIETE

Algérie - Rahal Gharbi. Directeur du laboratoire de psychologie des usagers de la route à l’université Batna 1 «On continue de chercher des coupables aux accidents de la route au lieu de chercher les causes»



Algérie - Rahal Gharbi. Directeur du laboratoire de psychologie des usagers de la route à l’université Batna 1 «On continue de chercher des coupables aux accidents de la route au lieu de chercher les causes»




Le professeur Mohamed El Hadi Rahal Gharbi, directeur du laboratoire de psychologie des usagers de la route (PUR) de l’université Batna 1, est à la tête de plusieurs équipes de recherche qui planchent depuis quelques années sur les questions relatives à la sécurité routière et les conséquences y afférentes.

- Le Sénat vient d’adopter le texte de loi relatif à l’organisation et la sécurité de la circulation routières en instaurant l’équipement des poids lourds et des bus de mouchards. Est-ce une bonne mesure? Quel sera son impact sur la réduction des accidents?

Selon les statistiques du Centre national de prévention et de sécurité routières (CNPSR) de 2014, les camions sont responsables de 9,36% des accidents et les bus et taxis de transport collectif de 3,72%, soit un total de 13,08%. Seulement, en règle générale, les accidents provoqués par ces véhicules sont les plus mortifères, ils causent le plus grand nombre de décès parmi les usagers.

Certes, l’introduction du chronotachygraphe apportera un plus à la sécurité routière, mais sans pour autant en être la panacée, car tout dépendra de l’application des textes sur le terrain. Rien que pour les dos-d’âne sauvages par exemple, les pouvoirs publics n’arrivent pas à gérer la situation et ce sont les APC qui, les premières, enfreignent la règlementation en la matière en installant à tour de bras des ralentisseurs qui ne répondent à aucune norme!

Pour ce fameux mouchard, j’ai souvenir qu’il existait (dans sa version analogique, disque en papier) dans les années 1970 au niveau de la SNTR. Avec le permis à points, ces deux mesures deviennent l’Arlésienne dont tout le monde parle et que personne n’a vue. En effet, le chronotachygraphe a été institué par la loi de 2001 relative à l’organisation, la sécurité et la police de la circulation routière. Seize ans plus tard, nous sommes toujours dans son attente. Idem pour l’éducation routière à l’école décrétée par le même texte.

Quant au permis à points, institué par le décret exécutif n°11-376 du12 novembre 2011 modifiant et complétant le décret exécutif n°04-381 du 28 novembre 2004 fixant les règles de la circulation routière, il devait entrer en application une année après la publication de ce décret. Même l’arrêté fixant les modalités de formation spécifique des conducteurs automobiles en vue de la reconstitution du nombre de points du permis a été publié au Journal officiel (arrêté du 18 février 2013), mais selon les dernières informations, sa mise en application est reportée à la fin de l’année 2017

- Cette obligation va-t-elle s’appliquer dès cette année, ou sera-t-elle différée compte tenu de la non-disponibilité de ces appareils qu’il faut importer?

Je suis de tempérament optimiste, mais à la lecture des annonces cycliques parues dans la presse, je reste dubitatif sur les délais de mise en application de ces deux mesures, dont l’une date de 16 ans pour le chronotachygraphe et de 6 ans pour le permis à points. Non impliqués dans la procédure de mise en place de ces textes, nous ne pouvons qu’espérer leur concrétisation sur le terrain.

- Votre laboratoire a-t-il été associé à la mise en place du nouveau code de la route? Où on est-on avec l’installation de la Délégation nationale à la sécurité routière en remplacement du Centre national de prévention et la sécurité routière?

Notre laboratoire n’a pas été sollicité, et les nouvelles qu’on a nous viennent de la presse. Pour l’installation de la Délégation nationale à la sécurité routière en remplacement du Centre national de prévention et la sécurité routières (CNPSR), elle devait avoir lieu fin décembre 2016, mais la seule mesure opérationnelle immédiate a été l’augmentation des contraventions... On ne doit pas s’attendre à un résultat différent avec les mêmes recettes, car l’on continue de chercher des coupables aux accidents de la route au lieu de chercher les causes et les solutionner.

En réalité, ce qui nous frustre un peu au niveau du laboratoire, c’est que nous en sommes à la deuxième promotion de spécialistes en «psychologie de la circulation» et que ces diplômés ne sont pas sollicités ni recrutés. De même, si dans la formation spécifique des conducteurs d’automobile en vue de la reconstitution du nombre de points de leur permis, la psychologie est prise en compte dans la formation au Certificat d’aptitude du conducteur professionnel.

Récemment publié, ce volet est totalement marginalisé alors que l’on ne cesse de rappeler que le facteur humain est dans plus de 90% des cas en cause dans les accidents de la route. Former des conducteurs ou les recycler, faire de la prévention, de l’éducation à la sécurité routière sans solliciter la psychologie et les spécialistes formés dans ce domaine, c’est se priver du plus qui peut faire la différence dans la gestion de la sécurité routière.


Photo: Pr Mohamed El Hadi Rahal Gharbi

Naïma Djekhar



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