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Algérie - PR ABDELKRIM CHELGHOUM, PRÉSIDENT DU CLUB DES RISQUES MAJEURS: “Face aux catastrophes, c’est la navigation à vue”



Algérie - PR ABDELKRIM CHELGHOUM, PRÉSIDENT DU CLUB DES RISQUES MAJEURS: “Face aux catastrophes, c’est la navigation à vue”


Directeur de recherche à l’USTHB, directeur du cabinet GPDS et président du Club des risques majeurs, le professeur Chelghoum, qui a estimé qu’avec des moyens adéquats adaptés, les pertes seraient réduites de 80%, propose la mise en place d’un observatoire national de veille et de gestion des crises pour éviter, à l’avenir, ce type de catastrophe.

- Liberté : Plusieurs feux de forêt se sont déclarés dans plusieurs wilayas et à Tizi Ouzou plusieurs départs de feu ont eu lieu simultanément au point que les hautes autorités du pays ont évoqué la thèse criminelle. Un commentaire?

Abdelkrim Chelghoum: En effet, depuis plus d’une semaine, 18 wilayas sont touchées de plein fouet par des feux de forêt de grande ampleur difficilement maîtrisable compte tenu de l’état des lieux déplorable des mesures préventives sur le terrain.

La simultanéité des départs de feu s’explique en grande partie par les conditions anthropiques, telles que le régime des vents, le taux d’humidité, la canicule, la signature spectrale du couvert végétal avec, bien entendu, les causes dues à la négligence humaine (barbecue allumé en forêt, randonneurs malintentionnés, mégots de cigarettes...) et les “pyromanes” qui sont les facteurs aggravants de la récente hausse du nombre des feux de forêt à travers l’ensemble des pays du pourtour méditerranéen.

- Beaucoup ont reproché au gouvernement le manque d'anticipation. Peut-on prévoir ce genre de catastrophe et comment?

En Algérie, les “feux de forêt” sont clairement identifiés comme risque majeur dans la loi 04-20 du 25 décembre 2004 relative à la gestion des risques majeurs dans le cadre du développement durable votée par les deux chambres, mais malheureusement sans texte d’application. Donc une loi caduque depuis 17 années.

Ce qui nous a amenés au résultat pitoyable in situ, à savoir des forêts et des massifs abandonnés sans aucun aménagement préventif qui aurait grandement facilité les interventions des colonnes de la Protection civile et des éléments de l’ANP pour la maîtrise de la propagation des feux en situation dégradée surtout au niveau des reliefs vallonnés et très chahutés comme ceux de la wilaya de Tizi Ouzou.

Comme réponse à votre question, seule la prévention telle qu’édictée dans la loi 04-20 permet d’anticiper cet aléa et de réduire considérablement le risque encouru au niveau des sites exposés.

- Comment expliquer que les gouvernements successifs n'aient pas songé à acquérir le matériel adéquat pour permettre de lutter efficacement contre les incendies, alors que le pays enregistre chaque année des feux de forêt?

En Algérie, les statistiques officielles donnent une superficie moyenne annuelle de 35.000 ha dégradés par les incendies depuis trois décennies sachant que le patrimoine national est minuscule, estimé à 4,1 millions d’hectares de forêt, maquis et broussailles par rapport aux 238 millions d’hectares représentant ce pays.

La gestion des grandes calamités doit constituer une remise en cause des pratiques et des certitudes, ce serait alors l’occasion d’examiner les erreurs et de rechercher comment créer les conditions nécessaires à la réduction du risque pour l’avenir. Malheureusement, le constat est édifiant dans ce pays où l’on s’aperçoit que malgré la récurrence du risque majeur “feux de forêt”, les moyens sophistiqués de lutte par voie aérienne contre ce danger n’ont jamais été programmés ni planifiés par les gouvernements successifs, et ce, malgré les milliards de dollars qui ont inondé ce pays ces deux dernières décennies. C’est une véritable navigation à vue sans aucune anticipation des événements.

- Avec plus de moyens, aurait-on pu éviter les dégâts?

Avec les moyens aériens adaptés au relief algérien, les pertes en vies humaines, les dégâts matériels, les pertes animales et végétales seraient réduites à plus de 80%. C’est le principe fondamental de la gestion d’un risque majeur. Les pouvoirs publics doivent gérer le risque et non la catastrophe.

- Que doit-on faire pour éviter que de telles catastrophes ne se reproduisent à l’avenir?

Mettre en place le plus rapidement possible un observatoire national de veille et de gestion des crises composé d’experts ès qualités relevant de la plus haute autorité du pays avec de larges prérogatives pour l’application stricte de la LOI.

- Pourquoi la wilaya de Tizi Ouzou n'a pas encore été déclarée zone sinistrée?

Le dernier discours du président de la République a clairement explicité cette option pour toutes les wilayas touchées par ce fléau.



Photo: Abdelkrim Chelghoum, Directeur de recherche à l’USTHB, directeur du cabinet GPDS et président du Club des risques majeurs

Propos recueillis par : Arab Chih


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