Une quinzaine d’agriculteurs algériens viennent de clôturer le premier programme d’échange, en France, pour l’organisation de la filière céréalière algérienne.
Qu’en est-il de la production locale?
Elle poursuit sa courbe descendante. Mais des professionnels du secteur, sous l’impulsion du groupe privée Benamor (producteur de concentré de tomates et transformateur de blé dur), ont décidé de s’organiser pour booster la qualité de la production locale de blé.
Paris.
De notre envoyée spéciale
L’Algérie sera-t-elle un jour, comme la Chine, l’Inde ou la France, autosuffisante en matière de blé?
Production en baisse, importation en hausse. La réponse semble évidente. La production céréalière en Algérie poursuit sa courbe descendante entamée en 2009, alors que les quantités importées pour certaines céréales ont pratiquement doublé en 4 ans. Après avoir atteint un pic de 62,2 millions de quintaux en 2008/2009, elle a chuté à 45 millions de quintaux entre 2009 et 2010 pour atteindre les 42 millions lors de la dernière campagne 2010-2011. L’Algérie produit environ 40% de ses besoins et l’on veut ramener ce chiffre à au moins 60% à l’horizon 2013, à défaut d’une autosuffisance. On est déjà bien loin. Mais les professionnels du secteur, notamment privés, refusent de s’avouer vaincus.
Parmi eux le groupe privé Benamor, producteur de concentré de tomates et transformateur de blé dur, qui a récemment initié plusieurs actions pour organiser la filière céréalière algérienne, notamment avec la création d’un réseau d’amélioration de la qualité du blé dur dans l’Est algérien. Après une première étape d’échanges nationaux, le groupe vient d’entrer dans la deuxième phase de son action à l’échelle internationale.
Une quinzaine d’agriculteurs céréaliers, adhérents au réseau créé, ont pris part à un voyage de travail organisé par le groupe Benamor en France (un des premiers producteurs de blé au monde et également premier fournisseur de l’Algérie en blé tendre). Objectif : les faire profiter du savoir-faire français grâce à un programme de rencontres qui se sont tenues du 22 au 30 janvier en France.
L’exemple français à suivre
Durant la dernière semaine de janvier, ces agriculteurs ont eu l’occasion d’exprimer leurs préoccupations et d’échanger avec des professionnels français avec un seul souci en tête : booster et améliorer la production nationale une fois de retour au bercail. Visites d’exploitations agricoles, d’instituts de recherche dans plusieurs villes de France, notamment Blois, Chateaudun, La Rochelle... et rencontres avec différents acteurs de la chaîne céréalière française.
«La France est un bon exemple à suivre en matière d’organisation de la filière», avoue Khaled Yacine Bachtarzi, agriculteur-multiplicateur de semences de céréales de la wilaya de Guelma, qui a pris part à ces échanges. Une initiative ambitieuse à laquelle France Export Céréal, une organisation qui œuvre pour la promotion du blé français dans le monde, n’a pas hésité à adhérer.
Une semaine durant, les failles et les ambitions de la production nationale de blé ont été confrontées à l’expérience française, particulièrement concernant le blé tendre, qui représente le plus gros des échanges internationaux avec près de 140 millions de tonnes par an, où l’Algérie se place comme un des plus grands consommateurs au monde. Le pain étant un aliment chéri par les Algériens et un instrument politique redouté par ceux qui les gouvernent.
Depuis la crise alimentaire mondiale de 2008, l’Etat algérien a doublé sa facture d’importation de blé tendre, passant de 2,8 à près de
5 millions de tonnes actuellement. Elle a cessé les subventions directes depuis cette fameuse date, mais la production nationale peine toujours à décoller, éloignant ainsi le rêve d’une autosuffisance ou au moins d’une diminution de la facture d’importation.
Pourquoi l’Algérie reste-t-elle dépendante?
A l’origine, les difficultés climatiques et la mauvaise répartition des pluies. Mais aussi des questions d’organisation de la filière et des lacunes dans la mécanisation et la technicité de la production agricole nationale.
«Nous n’avons pas de matériel aussi performant qu’en France ou ailleurs, où la production céréalière est exemplaire, mais nous travaillons dur quand même pour maintenir le cap», explique Ahmed Bahi Abdelwahab, directeur d’une ferme-pilote à Sétif.
Pour certains acteurs du secteur basés à Alger, les subventions de l’Etat sont sévèrement montrées du doigt, car elles «encouragent la culture de l’assistanat» et empêchent la prise d’initiatives pour le développement. Mais de l’autre côté de la Méditerranée, l’Algérie fait rêver avec ses subventions.
«A la rencontre des agriculteurs algériens, je pense qu’il serait vraiment intéressant de venir m’installer en Algérie pour bénéficier des superbes aides de l’Etat», s’exclame Paul-Henti Doublier, agriculteur français de la région Centre, rencontré lors des échanges organisés par le groupe Benamor.
Et d’expliquer : «Les agriculteurs algériens sont très soutenus par le gouvernement. Prix garantis pour l’achat de leurs céréales, prix du gasoil est très faible, pas de soumission à l’impôt, pas de fermage, ça fait rêver…» Face à ce discours, les agriculteurs algériens ne perdent pas le nord. Les choses sont bien plus compliquées...
Le risque d’explosion
Les conditions de travail des agriculteurs français, la recherche scientifique avancée dans le domaine et l’organisation sont autant d’éléments acquis en France dont nos agriculteurs rêvent. Sans compter la question du matériel, dont l’achat n’est subventionné en Algérie que pour les machines locales qui sont loin de répondre aux normes internationales.
Autre problème cuisant : certains engrais et fertilisants extrêmement efficaces que les producteurs français utilisent mais qui restent interdits en Algérie pour des raisons sécuritaires. Produire plus pour s’assurer une stabilité autant alimentaire que politique, oui. Mais pas au risque d’alimenter le terrorisme en ammonitrate, un engrais azoté utilisé pour la fabrication de bombes et qui est pour beaucoup dans la réussite française en matière de production agricole.
Le manque de pain peut être plus explosif, pourtant! Mais à défaut de pouvoir réellement booster la production locale, l’Algérie ne cesse d’augmenter ses importations pour se prémunir d’une quelconque forme d’explosion.
En attendant, le groupe Benamor et les agriculteurs du réseau de l’Est croient dur comme fer à cette première mission expérimentale qui, selon Fatiha Sadli, conseillère au groupe Benamor chargée de piloter le réseau et ses différents échanges futurs, «permet de tirer des enseignements importants pour ces hommes de terrain, premiers garants de la qualité de nos céréales».
Fella Bouredji
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Posté Le : 01/02/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Fella Bouredji
Source : El Watan.com du mardi 31 janvier 2012