Algérie

Algérie post-indépendance : entre espoir et désillusion



"Alger sans Mozart" "est une histoire d'amour et de haine entre un homme et une femme, entre une femme et sa terre, entre l'Algérie et la France. L'histoire de destins trahis en quête de réconciliation"."La tragédie de ma vie s'est jouée dans un décor somptueux. Une ville si blanche qu'elle éblouit dans le soleil, si blanche qu'elle brûle les yeux de ses murs immaculés en processions immobiles vers la mer si blanche qu'elle boit, les jours de pluie, tout le ciel et sa lumière." Réédité en 2018 chez Gallimard (première édition chez Naïve en 2012) et publié également en E-Book, le roman Alger sans Mozart doit son originalité au fait qu'il soit l'?uvre de deux auteurs.
Si cela est courant dans les ouvrages d'histoire et les beaux livres, c'est plutôt rare dans le genre romanesque. Louise est issue d'une famille pied-noire d'Alger. Ses parents, aisés, habitent dans le quartier européen du centre-ville. La maman, raciste, est "Algérie française" ; le père, plutôt intellectuel libéral, est ouvert. C'est de lui que Louise tient une part de son caractère.
En pleine guerre, elle aime Kader, jeune Algérien étudiant en médecine, engagé avec le FLN pour la libération du pays. Dans le contexte de l'époque où la haine entre les deux communautés atteignait son paroxysme, l'idylle était à haut risque. Mais ne dit-on que l'amour est plus fort que tout ' Louise aime l'Algérie qu'elle considère comme son vrai pays et "s'implique à fond".
À travers son amour pour Kader, elle rêve de vivre dans une Algérie indépendante, libre et ouverte sur le monde. C'est tout naturellement qu'elle fête la victoire avec ses compatriotes en 1962 et qu'elle épouse Kader, son amour de toujours, devenu un médecin réputé sur la place d'Alger.
Mais si les histoires d'amour commencent toujours bien, elles connaissent des fortunes diverses à l'épreuve du temps. Le divorce interrompt trente ans de mariage et de bonheur. Rattrapée par l'âge, se sentant seule et rejetée dans ce pays pour lequel elle avait renoncé à ses racines françaises "par amour et conviction", Louise sombre dans l'alcool pour tromper le désespoir.
"Mais Louise la rebelle n'est pas tout à fait morte, elle continue de s'affirmer en écoutant Mozart, malgré les diktats des intégristes qui voudraient interdire la musique, et elle retrouve un peu de joie en compagnie de Sofiane, son voisin adolescent à qui elle explique l'Algérie qu'elle a connue et celle dont elle rêvait."
À partir de là, le roman slalome dans les méandres de sujets plus ou moins tabous, comme la place des pieds-noirs dans l'Algérie indépendante, l'excès de religiosité ? "L'islam de ton cousin est un islam d'interdit, d'abêtissement et d'anéantissement qui privilégie l'étiquette et jette à la poubelle le spirituel." ?, le délabrement urbain d'Alger, le repli de la société sur elle-même? D'autres personnages portent la modernité dans le respect de l'authenticité et de l'islam modéré. Mais beaucoup parmi eux ne voient l'accomplissement de leur bonheur qu'ailleurs.
Leur regard se porte au-delà des mers. En définitive, Alger sans Mozart "est une histoire d'amour et de haine entre un homme et une femme, entre une femme et sa terre, entre l'Algérie et la France. L'histoire de destins trahis en quête de réconciliation". C'est aussi l'histoire de l'appauvrissement et de l'humiliation des Algériens par la colonisation, de l'après-indépendance et ses désillusions. De ses espoirs, aussi.

ALI BEDRICI
w Alger sans Mozart, de Michel Canesi et Jamil Rahmani,
éditions Gallimard, 512 pages, 2018.


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