Algérie

Algérie périphérique



Le poète Lounès Matoub assassiné le disait déjà de l?Algérie de 1978 : « On est réduits à nous cogner entre nous comme des béliers pour arracher une bouteille de gaz. » Les pénuries orchestrées sous l?ancien régime sont du bricolage par rapport à la voracité de la nouvelle nomenklatura fabriquant des gouffres à travers la société algérienne. Caste renforcée d?argent et de bâton pour bâtir de hautes murailles, souvent encore invisibles, entre ses familles et l?Algérie utile de rente d?hydrocarbures contre l?Algérie périphérique des villages perdus du bled, comme disait le colon, et des bidonvilles ceinturant les métropoles. Une vaste Algérie paupérisée, cachée par l?arbre scintillant de guirlandes néolibérales. Une Algérie faisant avouer récemment au ministre de l?Education nationale le honteux score de la progression de l?« analphabétisation » - il faut créer ce mot qui n?existe pas, puisque le phénomène lui est réel : cinq millions de citoyens analphabètes en 1962, plus de sept actuellement. Frileuse dans ses retranchements de bunkers, y compris quand des calamités naturelles surviennent, sans que les décideurs en gardent leçons : inondations de Bab El Oued, séisme de Boumerdès et, ces derniers jours, les intempéries sur les massifs montagneux et les Hauts-Plateaux, qui ont provoqué des chutes de neige épaissies de près de deux mètres en certains villages. Une froidure perdue dans les souvenirs de jeunes et moins jeunes montagnards, mettant en réclusion du pays des centaines de milliers de personnes de nos campagnes, sinon des millions, qui ont oublié aussi depuis l?indépendance la mémoire savante des paysans formés pour vivre un quotidien de résistance contre l?adversité des éléments de la nature, dont l?ancestral akoufi de semoule. Un sinistre qui les a coupés une semaine durant de moyens d?accès aux produits de première nécessité. Et de ces bouteilles de gaz, créatrices quelques jours avant des émeutes de Djelfa, que le chef du gouvernement Ouyahia a imputées sans état d?âme à une invention de journalistes. Ce qui est grave dans le fond, c?est cette distension du lien de communication avec les représentants de l?Etat, comme dit ce cri de détresse du maire d?une commune de la wilaya de Tizi Ouzou : « Nous avons demandé à la wilaya des engins pour déblayer et ouvrir des routes. Quelques heures plus tard, les chutes de neige ont été plus que fatales. Nous avons travaillé d?arrache-pied jusqu?à épuisement du gasoil dans les réserves des engins en notre possession. »


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