Durant l’année 2019, trois nouveaux sites de reproduction isolés de la Sittelle kabyle Sitta ledanti ont été découverts, toujours dans la Kabylie des Babors. La découverte de ces trois nouvelles localisations, loin des sites historiques de reproduction de l’espèce, a permis de recueillir de nouvelles données sur son aire de distribution. La conservation de l’espèce devrait poser problème, car les trois forêts découvertes sont hors du Parc national de Taza de Jijel et ne bénéficient pas du statut de zone protégée.
Après sa découverte en 1975 dans la forêt domaniale de Djebel Babor (Ledant 1978), les recherches de nouveaux sites de reproduction de la Sittelle kabyle Sitta ledanti, pour la plupart, séparées dans le temps et l’espace, restent les buts principaux des ornithologues algériens (Benyacoub 1993 ; Bellatrèche 1994 ; Moali 1999 ; Bougaham & Moulai 2014 ; Bougaham 2014).
En 1989, puis en 1990, l’espèce a été mentionnée dans trois nouveaux sites de reproduction, toujours dans la Kabylie des Babors, dans les forêts domaniales de Guerrouche, de Tamentout et de Djimla (Bellatrèche 1990 ; Bellatrèche & Chalabi 1990). En 2018, deux nouveaux sites ont été découverts dans les forêts de Larbaâ, dans le domaine forestier de Beni Affeur (Moulai & Mayache 2018), et d’El Djarda, dans le domaine forestier de Beni Khettab (Haddad & Afoutni 2019).
Les prospections effectuées ces dernières années dans les forêts susceptibles d’accueillir la Sittelle kabyle (Kéfrida, Takoucht, Tenedet, El Kouf, Bir Ghezala, Belhadef, El Anser et Tassala) n’ont pas permis de signaler son éventuelle présence. Il n’est cependant pas impossible qu’il y ait des populations isolées ailleurs dans la région de la Kabylie des Babors. C’est finalement le 20 juillet 2019 que nous entreprîmes de nous rendre au village plus proche de Djebel Tloudène. Arrivés au village de Sahel vers 8h30, nous montons le versant nord et gagnons la ligne de crête, par un sentier étroit qui conduit à l’intérieur de la forêt.
C’est au milieu de la journée, vers 13h15, que nous arrivons à l’intérieur de la forêt de Djebel Tloudène (fig. 1). La première observation de Sittelle kabyle, trois appels de rapprochement d’une femelle sur un chêne zéen Quercus canariensis, a été faite à 14h15 durant nos observations sur les oiseaux et la flore de cette forêt. Ce n’est qu’une semaine après qu’un autre site de reproduction, situé à 8 km à l’est de la forêt Tloudène, a pu être découvert le 26 juillet 2019 au sommet de Djebel Tazegzeout (1293m fig. 2). Le premier contact avec la Sittelle de cette forêt est effectué plus tard dans la journée vers 15h15 : plusieurs appels discrets de rapprochement d’un couple, observé ensuite sur un chêne afarès Quercus afarès. Plus tard, dans la matinée du 8 novembre 2019, l’espèce a été découverte dans une subéraie pure (Quercus suber) de Sendouh (fig. 3), dans le domaine forestier de M’Telathine, où un mâle chanteur et territorial est observé sur un chêne liège Quercus suber (915m).
Sur l’ensemble des points d’écoute réalisés dans les trois forêts, la Sittelle kabyle a été contactée en seulement 4 sur 10 à Tloudène, 2 sur 7 à Tazegzeout et 5 sur 22 à Sendouh. Dans la forêt de Tloudène, deux couples éloignés ont été observés dans des formations végétales à dominance de grands arbres d’Acer obtusatum (un à 1221m et autre à 1136m) ; un groupe familial, représenté par deux jeunes et leurs parents, a été aussi observé dans le même type d’habitat (1133m). Dans la forêt de Tazegzeout, un couple cantonné sur un arbre de chêne afarès (1132m).
Les forêts de Tloudène (36°37’11,3»N ; 005°32’01,5»E) et de Tazegzeout (36°37’18,0’’N ; 005°36’50,8’’E) appartiennent au domaine forestier de Dar El Oued, et sont situées respectivement sur le versant nord de Djebel Tloudène et de Djebel Tazegzeout. Les superficies des deux forêts avoisinent les 75 ha et 48 ha, respectivement. La forêt de Sendouh (36°40’16,4’’ N ; 005°46’18,6’’E), d’une superficie de 102 ha, est située sur le versant sud de Djebel Ouled Bou Rouh et culmine à 1033 m. Les deux premiers biotopes découverts sont respectivement localisés à 15 et 16 km au nord et nord-est de Djebel Babor, et à 12 et 4 km à l’est de la forêt Guerrouche, tandis que la forêt de Sendouh est à 3 km à l’est de Guerrouche et à 4 km à l’ouest de la forêt d’El Djarda (fig. 4). Le couvert végétal dans les deux premiers sites, en plus d’Acer obtusatum et de Quercus afares bien répandus, est composé de Quercus canariensis, de Quercus afares, de Sorbus torminalis, d’Acer champestre, de Prunus avium et d’Ilex aquifolium, tandis que le site de Sendouh est couvert seulement de chêne-liège. Le sous-bois des trois forêts est représenté essentiellement par Cytisus villosus, Crataegus monogyna, Rosa canina, Sanicula europaea, Polystichum setiferum, Ampelodesmos mauritanica.
Malgré l’évolution du nombre de biotopes, totalisant neuf sites isolés en 2019 au lieu de quatre en 1990, la Sittelle kabyle reste une espèce menacée. Ces trois dernières populations découvertes sont prises au piège des passages répétés de feu et du pâturage. L’exploitation et la récupération des arbres morts encore debout paraissent être une activité sylvicole à éviter pour assurer la protection et la conservation de l’espèce, surtout dans les périodes où les feux et le surpâturage sont les plus prononcés.
En éliminant cet élément forestier, on réduirait les supports potentiels de nids et de proies potentielles des sittelles (Bougaham et al. 2017), et en même temps les superficies des forêts.
En raison de faibles superficies et de la destruction de ces habitats, ces populations sont vouées à disparaître dans un proche avenir. Ces forêts devraient bénéficier d’un statut de protection particulier : création des zones forestières intégrales du Parc national de Taza et lutte contre les incendies destructeurs au moyen d’une police spécialisée.
Par Abdelazize Franck Bougaham, Souad Hamitouche , Laboratoire de recherche en écologie et environnement, faculté des sciences de la nature et de la vie, université Abderrahmane Mira de Béjaïa et Abdelouhab Bouchareb, Parc national de Taza, Jijel, Algérie.
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Posté Le : 03/05/2020
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Abdelazize Franck Bougaham, Souad Hamitouche et Abdelouahab Bouchareb
Source : elwatan.com du jeudi 3 avril 2020