«Trouhou gaae, vous partez tous», tel est le mot d'ordre de ce quatrième vendredi de manifestation populaire contre le régime. La journée d'hier restera mémorable puisqu'elle a rassemblé pour la quatrième fois des millions de protestataires à travers le pays pour exiger du système de plier bagage et laisser la place à de nouvelles compétences élues par le peuple.
Les rues d'Alger à l'instar de toutes les villes du pays étaient noires de monde. Des Algériennes et des Algériens de tous les âges étaient présents à cette grande fête avec des slogans contre le prolongement du mandat du président Bouteflika et son entourage, et en rejetant l'offre de «Noureddine Bedoui, Ramtane Lamamra et Lakhdar Brahimi». Sur une pancarte l'on pouvait lire «Le peuple algérien n'a pas besoin de tuteur».
Des familles entières, grands et petits, sont sorties dans les rues de la capitale. Les rassemblements au niveau de la place de la Grande Poste, celle du Premier Mai et de la place Audin ont débuté dès le matin, plusieurs heures avant la marche. Les rues du centre d'Alger ont été submergées de monde hier.
Portant les drapeaux algérien, amazigh et même le drapeau palestinien, ils ont tous plaidé pour une deuxième République et pour un Etat de droit garantissant la justice, l'égalité des chances à tous les citoyens algériens sans exception. Sur une pancarte on pouvait lire «Le Sud algérien appartient à tous les Algériens et non pas à vos enfants et aux étrangers». Les Algériens se disent pour une Algérie algérienne avec toute sa diversité culturelle et sa dimension sociale.
A 15h30 comme convenu, les manifestants entonnaient tous ensemble l'hymne national pour exprimer leur attachement à leur patrie et en rendant hommage à nos martyrs. En dépit du nombre impressionnant de manifestants, aucun incident n'a été enregistré jusqu'à 17 heures à Alger. Les policiers à l'écart supervisaient de loin la manifestation. Il faut le dire, les policiers en civil étaient présents en force parmi la foule pour éviter une éventuelle infiltration de «baltaguia» au sein du mouvement.
A Oran, la mobilisation pour le «changement de régime» a franchi un nouveau seuil, avec un nombre record de participants à la marche. Un nombre difficile à déterminer avec précision. Certains parlent du million dépassé, alors que les plus prudents avancent un chiffre qui tournerait autour de dizaines de milliers de manifestants. Des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées, des jeunes et des moins jeunes ont choisi ainsi de s'approprier la rue le temps d'un après-midi pour exprimer leur position par rapport à cette étape cruciale de l'Histoire du pays. «On a été contre le 5ème mandat. On est aussi contre le prolongement du 4ème mandat. On est pour un changement radical du régime», pouvait-on lire sur les pancartes et autres banderoles hissées par les manifestants. Quant aux chants scandés par la foule, ils étaient beaucoup plus explicites: «Ya serrakine, klitou lebled» (Bande de voleurs, vous avez mangé le pays).
Pourtant, rien n'indiquait en cette matinée de vendredi une participation aussi massive à la marche. Bien au contraire, une ambiance plutôt tendue, dominée par la prudence, régnait tout au long de la semaine écoulée. Mais dès la fin de la prière du vendredi, des foules nombreuses ont commencé à envahir le centre-ville. Dès 15 heures, les principales artères et places du centre-ville étaient noires de monde. La rue Larbi Ben M'hidi, sur près d'un kilomètre, était complètement occupée par les manifestants. Vers 16 heures, la marche s'est étendue au Boulevard de l'ALN (Front de mer) formant ainsi une gigantesque marée humaine de plusieurs dizaines de milliers de manifestants.
A Tiaret, le premier cortège des manifestants s'est ébranlé du parc omnisports «Kaïd Ahmed» pour se diriger vers le centre-ville où d'autres citoyens, très nombreux, se trouvaient déjà sur place. Sous l'œil vigilant des forces anti-émeute, d'autres manifestants, agglutinés sur la place des Martyrs, ont convergé vers le centre-ville pour se mêler au reste des marcheurs. Des banderoles et autres drapeaux dans les mains, les manifestants ont encore brandi des slogans hostiles au pouvoir, exprimant leur refus d'une prolongation du mandat de Bouteflika et le report de l'élection présidentielle. Vers 15h30, la foule s'est dirigée vers le siège de la wilaya, protégée par un cordon de sécurité. Dans la partie méridionale de la ville, des citoyens se sont spontanément réunis près de la «cité Volani», brandissant des banderoles et autres emblèmes avant de remonter le boulevard vers le centre-ville. Aucun incident n'est à déplorer à l'heure où nous écrivons ces lignes.
A Constantine, des dizaines de milliers de personnes ont renouvelé, hier, pour le quatrième vendredi consécutifs, leur «niet» catégorique à la reconduction du système avec de vieux habits. Le centre-ville de Constantine a été submergé par une foule immense, après la prière du vendredi, avec l'emblème national dominant des banderoles avec des écrits qui rejettent le report de l'élection présidentielle. «On a demandé des élections sans Bouteflika, on nous donne Bouteflika sans élections», «pas une minute de plus Bouteflika», pouvait-on lire sur de larges banderoles portées par des jeunes manifestants.
Des dizaines de milliers d'autres personnes, des familles entières, avec femmes et enfants, des jeunes et des moins jeunes, des personnes âgées, des handicapés moteurs sur leurs motocycles, ont afflué de tous les coins de la wilaya vers le centre-ville pour participer à cette 4e marche. «Watani watani ghali thamani» (patrie patrie, chère patrie), «vive l'Algérie des chouhada», «ni report ni prolongation, le peuple veut le changement», scandait la foule pleine d'allégresse.
Et, comme les précédentes manifestations, des chants patriotiques ont été longuement repris par les manifestants, entrecoupés par des slogans «Djazaïr horra democratia» (Algérie libre et démocratique), «système dégage», «dites à Bedoui que c'est fini», «FLN dégage», «klitou labled ya sarakine» (vous avez dévoré le pays, voleurs) et autres slogans hostiles au pouvoir en général et toujours très conciliant avec les services de sécurité tous corps confondus, répétant en communion des refrains du genre «Djeich-chaab khawa-khawa» (armée-peuple frères-frères). Au fil des minutes, le centre-ville s'est avéré trop exiguë pour contenir cette foule qui n'arrivait plus à continuer sa marche, puisque le dernier carré reste collé au premier. Au moment où nous mettons sous presse, la foule qui ne cessait de grossir continuait encore à battre le pavé.
Photo: Alger 15 mars 2019 crédit photo Djamel Hadj Aissa
par M.A., H.B., E.H.D. Et A.Z.
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Posté Le : 16/03/2019
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : par M.A., H.B., E.H.D. Et A.Z.
Source : Le Quotidien d'Oran du samedi 16 mars 2019