Suite à la chute du prix du baril, principal source de revenus, qui a entraîné le pays dans sa phase d’austérité, les énergies renouvelables sont devenues la préoccupation du moment.
- Où en est l’Algérie en termes d’énergies renouvelables?
En mai 2015, le Conseil des ministres a adopté un nouveau programme national de développement des énergies renouvelables qui permettra à l’Algérie d’intégrer une capacité d’origine renouvelable de 22.000 mégawatts dans son mix énergétique à l’horizon 2030, dont 1.375 mégawatts en énergie solaire photovoltaïque et 5.000 en énergie éolienne. Ce nouveau programme, qui est une actualisation de celui de 2011, qui visait à produire 12.000 mégawatts à l’horizon 2030, a été hissé par le président de la République au rang de priorité nationale.
La réalisation de cet ambitieux programme est déjà entrée dans sa phase opérationnelle, notamment avec la mise en service, d’ici la fin de l’année 2016, de 343 MW en solaire photovoltaïque, en plus des projets pilotes : centrale photovoltaïque de 1,1 mégawatt à Ghardaïa, ferme éolienne de 10 mégawatts à Adrar, centrale hybride gaz solaire de Hassi R’mel d’une capacité de 150 mégawatts, dont 25 en solaire, déjà opérationnelle depuis juin 2011. Auparavant, des mini-centrales solaires décentralisées, c’est-à-dire en mode autonome sans connexion au réseau, ainsi que des kits solaires pour le pompage d’eau d’irrigation ont été installées dans plusieurs sites isolés du Sud.
- Comment l’Algérie pourrait bénéficier de l’expérience allemande dans ce domaine?
L’Allemagne est leader mondial dans le domaine des énergies renouvelables et son modèle de transition énergétique inspire beaucoup de pays. L’Algérie peut bénéficier de l’expérience allemande dans plusieurs volets; institutionnelle et réglementaire, formation et renforcement des capacités, recherche et développement, industrialisation, réalisation des projets EPC (Engineering, Procurement & Construction).
- Y a-t-il un partenariat entre les deux pays?
Selon mes connaissances, il y a un accord d’association stratégique de haut niveau, notamment dans le secteur énergétique entre les deux pays. L’Allemagne a déjà participé en partie au programme de 20 centrales solaires photovoltaïques de 343 MW par le biais de l’entreprise Belectric. Par ailleurs, un mémorandum d’entente a été signé entre la direction générale de la recherche et du développement technologique de l’Algérie et l’Agence aérospatiale allemande, qui inclut la coopération dans le domaine des énergies renouvelables.
Le Centre de développement des énergies renouvelables (CDER), que je dirige, mène un projet de renforcement de l’infrastructure qualité pour l’énergie solaire, en collaboration avec le fameux Institut de métrologie allemand PTB. Le CDER mène plusieurs projets de collaboration avec les institutions de recherche allemandes.
- Quels sont ces projets et quel est leur état d’avancement?
Le projet de mise en place d’une infrastructure qualité dans le domaine de l’énergie solaire avec le soutien et l’accompagnement de l’Institut de métrologie PTB allemand est bien avancé. En effet, un laboratoire d’essai des chauffe-eau solaire et un laboratoire d’étalonnage des pyranomètres (instruments de mesure des rayonnements solaires) unique dans la région Maghreb sont en cours d’accréditation. Un autre projet, concernant la réalisation d’une tour solaire thermique en Algérie, est en cours de maturation.
- De nombreuses entreprises allemandes cherchent à s’implanter en Algérie. Quels seraient les avantages et les inconvenants de cette opération?
Les avantages d’investissement en Algérie sont nombreux. Le nouveau modèle économique mis en place par le gouvernement vise à diversifier l’économie et sortir de la dépendance des hydrocarbures, en offrant des facilitations aux investisseurs privés nationaux et étrangers. De nombreuses opportunités sont ouvertes aux investissements dans les secteurs de l’industrie (automobile, projet Volkswagen et Mercedes…), l’énergie, notamment renouvelable, l’agriculture et l’agrobusiness, les TIC, le tourisme, etc. Le but de ce nouveau modèle est de faire émerger l’Algérie dans les secteurs stratégiques. L’Allemagne doit s’adapter à ce modèle et au climat des affaires de l’Algérie.
- Quelle serait la démarche à suivre pour stopper la dépendance au pétrole et se tourner plus vers les énergies renouvelables?
D’abord, il faut lutter contre le gaspillage d’énergie en mettant en œuvre le programme d’efficacité énergétique dans tous les secteurs: habitat, transport, industrie... Ensuite, il faut mettre en place un cadre attractif pour le développement des énergies renouvelables ainsi qu’une cartographie des sites devant abriter les parcs solaires ou éoliens, selon le potentiel, le besoin en électricité, la proximité du réseau électricité. Cela, en tenant compte des différents programmes (un million d’hectares irrigués, zones industrielles, usines de dessalement de l’eau de mer qui consomment énormément d’énergie, zones d’extension touristiques), tout en facilitant l’accès au foncier.
L’approche intersectorielle doit être de mise dans l’exécution du programme. L’ouverture du marché du renouvelable aux opérateurs privés nationaux et étrangers va certainement booster le développement à grande échelle de cette filière dans notre pays. Le montage des projets avec des partenaires étrangers permettra, d’une part, de gagner en expertise et en transfert de technologie, et d’autre part, de mobiliser le financement nécessaire.
- Quels sont les bénéfices qu’on pourrait en tirer?
Le programme des énergies renouvelables a substitué la production d’électricité à partir des sources d’énergie précieuses, mais malheureusement non renouvelables par les énergies renouvelables propres et durables. Conséquemment, des volumes de gaz seront préservés pour les employer dans des procédés non combustibles de forte valeur ajoutée. Face à l’augmentation fulgurante de la demande interne d’énergie, nos ressources d’hydrocarbures tarissables ne peuvent à elles seules couvrir, à terme, nos besoins en énergie et continuer, en même temps, à être la principale source de nos revenus en devises.
Compte tenu des atouts considérables de notre pays en énergie solaire, la transition vers les énergies renouvelables s’impose comme une alternative stratégique pour pérenniser notre sécurité énergétique et honorer nos engagements vis-à-vis des objectifs du développement durable et l’effort global de lutte contre le changement climatique. Cette transition offre également des perspectives en termes de R&D, de l’innovation et de l’émergence d’une industrie locale du renouvelable, créatrice de richesses et d’emplois.
" Noureddine Yassaa
Est né en 1973 à Alger. Il a fait ses études à la Taalibia d’Hussein Dey, où il passera son baccalauréat, série mathématiques en 1991.
Par la suite, il entame sa formation à l’université de Bab Ezzouar où il obtient son magister puis son doctorat dans le domaine des sciences de l’atmosphère.
Depuis, Noureddine Yassaa a très souvent été sollicité par d’autres centres de recherche, notamment en Allemagne.
En 2010, ses travaux ont été couronnés par l’octroi d’une distinction de l’Union internationale de la chimie pure et appliquée –IUPAC.
En 2012, il est sollicité pour occuper le poste de directeur du CDER, le plus grand centre de recherche en Algérie, tous secteurs et disciplines confondus."
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Photo: Noureddine Yassaa - Le programme des énergies renouvelables a substitué la production d’électricité à partir des sources d’énergie précieuses.
Sofia Ouahib
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Posté Le : 15/09/2017
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Entretien par Sofia Ouahib
Source : elwatan.com du vendredi 15 septembre 2017