Algérie - SOCIETE

Algérie - Nacer Djabi. Sociologue, universitaire et chercheur au Cread «Nous avons besoin de données fiables pour quantifier la violence»



Algérie - Nacer Djabi. Sociologue, universitaire et chercheur au Cread «Nous avons besoin de données fiables pour quantifier la violence»




- L’Algérie assiste, ces derniers temps, à des actes de violence extrême. Quelles en sont les causes?

Il faut d’abord déterminer de quelles causes on parle exactement. Les raisons qui mènent une personne au passage à l’acte demeurent inconnues, même pour les psychologues et les psychiatres. Il est quasiment impossible de connaître les vraies raisons qui ont poussé cette personne à brûler vive cette jeune femme à Constantine, ou celle de la tante paternelle du jeune défunt Nasreddine à le tuer. Cela pourrait être lié à un état psychologique proche de la démence, des conditions de vie oppressantes ou des excès de colère impossible à gérer.

Tout ce que savent les psychologues sont les facteurs aidant au passage à l’acte, mais pas les réels motifs à ce moment-là. Parce que chaque cas est un cas à part, le recours à la justice est indispensable. Concernant la violence en général, tous les ingrédients y incitant sont présents dans la société.

Au quotidien, on dénombre des milliers de cas de violence verbale et physique envers les personnes vulnérables de la société, à savoir les femmes et les enfants. Des agressions verbales envers ces personnes, une démission des parents envers leurs enfants leur permettant de rester dans la rue jusqu’à des heures très tardives, des violences à l’école et au sein même du noyau familial. Le problème est que ces types de violence sont diffus et passent inaperçus alors qu’ils sont les véritables ingrédients de ces crimes extrêmes.

- Y a-t-il une recrudescence de la violence?

En l’absence de statistiques fiables, centralisées et sur une longue période, nous ne pouvons pas confirmer ou infirmer la hausse de la violence. Tant que la justice, les services de la Gendarmerie nationale, de la sûreté et de la santé n’ont pas unifié leurs données, qui ne sont jamais les mêmes, il est impossible de connaître l’ampleur du phénomène et s’il mérite réellement d’être identifié comme tel.

Il est vrai que devant ces informations amplifiées sur ces crimes, nous avons l’impression que ce n’est pas une seule personne qui est tuée mais une dizaine. Chose qui donne à la violence une tendance de gravité et de hausse. Mais aucune donnée ne certifie ou n’infirme cette ampleur.

Les appels à la peine maximale sont une réaction pavlovienne suite au choc qui frappe la société après de tels cas, souvent sur-médiatisés. La peine de mort ne réglera pas à elle seule le problème de la violence. Toutefois, même si l’effet des médias est grand, notamment dans la transmission de l’information et le modèle de la violence, il est impossible de reconnaître les excès de médiatisation en l’absence de données chiffrées fiables.

- Est-ce que l’implication de la société est à elle seule suffisante?

Absolument pas ! Nous avons tendance à lever des slogans responsabilisant tout un chacun, mais il y a un travail réel et précis qui doit être mené par les hautes institutions de l’Etat. Il y a différents niveaux de responsabilité. Dans une ville qui manque d’éclairage, où on accable une jeune fille agressée après les heures de grande circulation, et où on laisse des enfants jouer dans la rue à des heures tardives, la violence a toujours le dernier mot.

- Le dispositif Alerte rapt/disparition d’enfant est-il suffisant?

Notre problème en Algérie est que nous aimons donner une dimension d’ingéniosité à des évidences. Ce dispositif doit normalement fonctionner automatiquement et n’a point besoin d’être annoncé comme une trouvaille ou une découverte. Nous oublions qu’il y a de véritables actions à mener sur le terrain pour limiter le champ d’action des criminels.


Asma Bersali







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