Si les Algériens n’avaient pas réagi, ils auraient cautionné une candidature aux conséquences désastreuses sur le pays, a expliqué l’invité du Forum de “Liberté”, qui estime que le soulèvement populaire a mis le système à genoux.
Pour le sociologue et chercheur universitaire Nacer Djabi, invité hier du Forum de Liberté, l’acharnement de l’aréopage de commis de l’État, d’hommes d’affaires et de dirigeants d’organisations de masse, qui gravitent autour de M. Bouteflika, à le maintenir à la plus haute fonction dans la hiérarchie institutionnelle malgré son âge avancé et surtout sa maladie invalidante, a servi de détonateur à un changement inespéré dans le pays.
“Nous pensions que l’Algérie faisait exception (par rapport au printemps arabe, ndlr); qu’elle était incapable de revendications politiques à cause du trauma de dix années de terrorisme. Nous assistons au réveil d’un peuple qui a accumulé trop d’humiliations et qui a fait beaucoup de concessions au régime en place. Il ne pouvait pas supporter davantage”, a expliqué le conférencier, méthodiquement.
De son point de vue, la révolte des Algériens contre un système politique qui a confisqué insidieusement leurs libertés et leur souveraineté ressemble aux mouvements des mineurs, qui s’enclenchent de manière inattendue et surprenante.
“On ne le voyait pas venir”, a-t-il sous-entendu.
Il a estimé, dès lors, que “la candidature du chef de l’État à l’élection présidentielle a piégé autant la rue que le système”. Le soulèvement populaire a mis le cercle des alliés devant un choix cornélien: s’accrocher contre vents et marées à un projet périlleux ou abandonner rapidement et perdre les acquis et les privilèges accumulés en deux décennies.
“Il faut s’attendre à de grandes dissidences au sein de l’UGTA et dans les partis de l’Alliance présidentielle”, a prédit Nacer Djabi.
Les défections fissurent déjà le Forum des chefs d’entreprise. La Centrale syndicale, tout comme le FLN, le RND et leurs deux alliés TAJ et MPA commencent à prendre l’eau de toutes parts. Le sociologue a identifié le point fort de la mobilisation citoyenne dans ses aspects pacifiques et civilisationnels.
“Il y a eu une méprise sur les capacités des Algériens à manifester de façon pacifique et civilisée. Pourtant, les manifestants ont fait preuve d’un haut degré de civisme et de bonne éducation”, a-t-il relevé, citant l’exemple des jeunes qui nettoient les rues après les marches.
“Nous avons cassé l’image d’un peuple violent”, a-t-il commenté, précisant que, jusque-là, “les citoyens ont plutôt adopté une forme de violence expressive, sans intention de faire du mal”.
Évoquant le message du président de la République le jour du dépôt de son dossier de candidature au Conseil constitutionnel par son directeur de campagne, l’universitaire a souligné que le pouvoir continue à user de malice pour durer.
“Le Président veut rester aux commandes du pays à vie. Il n’a pas de projet.”
De son point de vue, il relèverait de la crédulité de croire en la sincérité de ses offres.
“Ce que le Président n’a pas réalisé en vingt ans, il ne pourra certainement pas le faire en une année. La conférence nationale inclusive qu’il propose est un guet-apens. Ce n’est pas une solution”, a-t-il jugé.
Photo: Le sociologue Nacer Djabi, hier, au Forum de “Liberté”. © Billel Zehani/Liberté
Souhila Hammadi
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Posté Le : 05/03/2019
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Souhila Hammadi
Source : liberte-algerie.com du mardi 5 mars 2019