Algérie

Algérie - Mohcine Belabbas. Président du RCD: «On peut construire un rapport de force favorable à l’opposition»



Algérie - Mohcine Belabbas. Président du RCD: «On peut construire un rapport de force favorable à l’opposition»




Le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) revient sur le meeting qu’il a animé samedi dernier à Alger. Selon lui, «la réussite de cette action» prouve que l’opposition est en mesure de construire un rapport de force favorable lui permettant de contraindre le pouvoir à accepter d’aller vers une période de transition. Il explique également le contenu de sa demande d’ouverture de la frontière avec le Maroc. Annonçant l’organisation, le 1er mai prochain, d’une journée de débat sur la crise économique et financière, il évoque aussi les prochaines actions de l’Instance de suivi et de concertation de l’opposition (ISCO).

- Vous venez d’animer un meeting populaire à la salle Atlas d’Alger à l’occasion du 27e anniversaire du parti. Quel bilan en faites-vous?

C’est une action qui a connu un succès retentissant puisque la salle Atlas s’est avérée insuffisante pour contenir le flux humain venu assister à ce meeting. A mon arrivée, j’ai vu que beaucoup de citoyens étaient contraints de rester à l’extérieur tellement la salle était pleine. C’est une réussite aussi sur le plan de la mobilisation dans la mesure où les structures régionales du parti ont pu sensibiliser les militants et les sympathisants du RCD. C’est un succès également parce que le message délivré lors de ce meeting a suscité intérêt et adhésion des participants qui estiment, eux aussi, que nous sommes dans une conjoncture où il faut réfléchir concrètement à des solutions aux problèmes que connaît le pays.

Sur un autre volet, encore une fois, il est regrettable que les médias, notamment les chaînes de télévision publiques et privées, aient boycotté, dans leur majorité, ce rendez-vous. Cela pose non seulement un sérieux problème de crédibilité, mais aussi un traitement discriminatoire des chaînes publiques à notre encontre.

- Selon vous, qui donne instruction aux médias publics notamment de boycotter les activités de votre parti, au moment où le discours officiel parle d’ouverture sur l’opposition?

Il faudrait, peut-être, poser la question aux responsables de ces médias. Le rôle d’un média est de couvrir tous les événements d’utilité publique. Un meeting a été organisé par un parti politique qui propose des solutions aux problèmes auxquels fait face la communauté nationale. Cela fait plus de 15 ans que nous sommes boycottés par les médias publics. Par le passé, on pensait que c’était seulement le fait de la police politique.

Mais force est de constater que c’est une stratégie partagée par les différents clans du régime. Il est déplorable de constater que certaines chaînes privées sont aussi sur la même démarche. Pourtant, les journalistes savent que pour augmenter les ventes (pour la presse écrite) et l’audimat (pour les chaînes audiovisuelles) il faut couvrir des événements qui intéressent le large public. Il y avait à l’intérieur de la salle Atlas plus de 4.500 personnes. Rares sont les journaux dont le tirage atteint ce chiffre.

- C’est la première fois, depuis quelques années, que le RCD organise un meeting à l’occasion de son anniversaire. Pourquoi ce choix?

Il y a d’abord l’idée de démontrer qu’il est possible de construire un rapport de force favorable à l’opposition. Nous avons toujours dit, au sein des structures dans lesquelles nous sommes partie prenante — notamment la CLTD et l’ISCO — qu’il est important d’aller à la rencontre du citoyen en organisant des marches populaires, de grands meetings, des rassemblements…. Cette idée n’a pas été partagée par beaucoup de partis qui pensent que si on va vers des actions de rue, il y a des risques de manipulation de la part du pouvoir.

C’est vrai qu’il y a des risques, mais nous avons démontré, au niveau du RCD, qu’il est toujours possible de réussir des manifestations de rue qui restent des actions démocratiques. La grandiose marche contre l’austérité que nous avons organisée en septembre à Tizi Ouzou confirme qu’il est possible de mobiliser des milliers de citoyens quand on est crédible.

Cette action a largement anticipé et influé sur les débats autour de la loi de finances 2016. L’organisation de ce meeting, décidé depuis le mois de novembre, visait aussi le même objectif, à savoir la construction de nouveaux rapports de force. Nous avons ainsi démontré que l’opposition mobilise et propose des solutions concrètes aux problèmes des Algériens. C’est dans cette optique également que nous avons décidé d’organiser un événement important, le 1er mai prochain. Il s’agira d’une journée qui permettra de se pencher sur la crise financière et les problèmes de développement, à laquelle seront associés des experts et des spécialistes.

- Vous parliez tout à l’heure de la réalisation d’un rapport de force. Un des reproches faits à l’opposition concerne notamment son incapacité à mobiliser et son impuissance devant la machine du pouvoir. Cet objectif est-il encore réalisable?

Certes, il y a une hésitation au niveau de certains partis d’opposition qui s’explique par l’attitude du pouvoir qui, durant l’année 2015, a interdit beaucoup de nos actions. Mais je reste convaincu qu’il y a possibilité de réaliser un rapport de force nouveau, favorable à l’opposition, qui lui permettra de négocier dans les meilleures conditions une période de transition. Au niveau du RCD, il y a toujours eu de l’action puisque nous avons organisé au moins quatre grandes marches durant l’année 2015. Nous avons également organisé une manifestation qui avait regroupé 1.500 jeunes, l’université des jeunes du parti et le meeting de l’Atlas. Il ne faut surtout pas céder aux pressions du pouvoir. Vous avez vu comment ce pouvoir a voulu, au départ, empêcher la tenue de notre meeting...

- Pourtant le discours actuel du pouvoir porte sur le respect des droits de l’opposition…

Le pouvoir n’est pas crédible. Notre meeting d’hier a été boycotté par les chaînes de télévision et les radios publiques. C’est un signe, un message qui confirme la volonté du pouvoir d’ignorer l’opposition et de faire le black-out sur ses actions. Personnellement, je pense qu’il faut arracher cette place et ne pas attendre une quelconque offrande du pouvoir. Cela a toujours été notre démarche. C’est pourquoi nous continuons à organiser nos actions, avec ou sans la télévision et malgré les entraves et autres blocages de l’administration.

- Vous appelez, pour la première fois je pense, à l’ouverture de la frontière avec le Maroc. Pourquoi le RCD fait-il aujourd’hui cette demande?

Ce n’est pas la première fois que nous faisons cette demande et il est important pour les différents acteurs politiques d’oser ce débat. Nous inscrivons cette question de l’ouverture de la frontière dans le cadre d’une vision globale d’intégration des Etats nord-africains. C’est très important, particulièrement en cette période de crise. Nous avons intérêt à démultiplier les pistes pour trouver des solutions idoines. Il est quand même malheureux qu’en 2016, la frontière entre l’Algérie et le Maroc reste fermée et les gens trouvent normal que personne n’en parle.

Je vous rappelle que des conflits vieux de près d’un demi-siècle ont trouvé une issue. C’est le cas du rétablissement des relations diplomatiques et économiques entre les pays de l’Occident et l’Iran. C’est aussi le cas avec la fin du blocus imposé par les Etats-Unis à Cuba. La frontière avec le Maroc est fermée depuis 1994, c’est-à-dire à l’époque du président Liamine Zeroual.

En plus, il y a eu par le passé des problèmes beaucoup plus graves avec le Maroc, notamment la Guerre des sables en 1963, mais la frontière n’avait pas été fermée. Même chose en 1975, au début du conflit du Sahara occidental puisque la frontière a fini par être réouverte. Nous considérons qu’il s’agit d’un des plus grands échecs de l’actuel chef de l’Etat puisqu’il a été incapable, en quatre mandats consécutifs, de solutionner ce problème qui relève précisément de l’action diplomatique.

Les tentatives de manipulation de l’opinion, orchestrées par des acteurs de la police politique pour faire croire que cette fermeture est liée au trafic de drogue, ne trompent personne puisque, précisément, la fermeture de la frontière amplifie ce fléau. C’est l’ouverture de la frontière qui permettra, à travers une coordination entre les services de sécurité et des douanes des deux pays, de combattre efficacement la contrebande.

- Revenons sur les activités de l’opposition. Une conférence sera organisée le 27 mars prochain pour évaluer le chemin parcouru depuis la rencontre du Mazafran. Comment cela se présente et quelles sont les prochaines étapes?

Il y a un accord pour organiser une conférence afin d’évaluer le travail réalisé depuis la conférence du Mazafran, mais aussi pour réfléchir sur les mécanismes de la transition. Des commissions ont été installées ; il y en a une qui se penche sur le projet de résolution et une autre sur la communication.

La date de la tenue de cette conférence risque d’être décalée d’au moins une semaine, parce qu’il faudra s’assurer de la disponibilité de la salle. L’idée de l’organisation de cette deuxième conférence vise aussi à permettre la participation d’autres acteurs qui n’ont pas pris part à la première rencontre. Aussi, une réunion de l’ISCO a été programmée pour le 28 février afin de régler tous les détails concernant l’organisation de cette conférence.

- La nouvelle Constitution a été rejetée par l’écrasante majorité des partis de l’opposition. Mais le texte a été promulgué. Selon vous, quelle sera la conséquence de cette nouvelle Constitution sur la vie publique et quel est son avenir?

Une chose est sûre: ce sera, encore une fois, une Constitution qui sera violée par ses propres promoteurs. Pour nous, s’il doit y avoir une révision de la Constitution il faut qu’elle passe par un référendum, car c’est une question qui concerne tous les Algériens. De plus, nous avons dit qu’il faut qu’elle soit le fruit d’un large consensus, ce qui n’est pas le cas.

En troisième lieu, le Parlement qui a validé ce projet manque de légitimité parce qu’il est issu d’une fraude électorale. Quatrièmement, cette Constitution ne répond pas aux aspirations du peuple algérien et à la demande de l’opposition concernant, notamment, l’installation d’une instance indépendante de gestion des élections. A l’occasion de l’adoption de cette Constitution, le président Bouteflika affirme qu’il ne faut pas calquer les expériences des autres pays en faisant allusion, entre autres, à cette instance demandée par l’opposition.

C’est le pouvoir qui calque lui-même d’autres schémas. Il imite les Français dans leur jacobinisme. 75% des pays organisent des élections pilotées par des instances indépendantes. En plus, je ne connais pas un pays dans le monde qui constitutionnalise une instance d’observation des élections.

Ce genre d’instance a toujours existé en Algérie depuis l’avènement du multipartisme. Ces dernières années, il y a même eu trois instances d’observation. Dans les pays qui se respectent, on prévoit un mécanisme dans un article précis, qui introduit l’idée d’une instance indépendante de gestion des élections qui sera détaillée dans une loi organique.

- Sur le plan interne au parti, il y a eu, ces derniers jours, l’annonce de démissions collectives de militants. Il y a eu aussi la polémique suscitée par l’exclusion de Noureddine Aït Hamouda. Que s’est-il passé?

Les chaînes de télévision, la presse et les débris de la police politique pensent pouvoir perturber un parti comme le RCD à la veille de l’organisation d’un événement important. Ce n’est pas la première fois. A la veille de notre marche contre l’austérité, on avait annoncé les mêmes supposées démissions au sein du RCD à Tizi Ouzou. Mais le lendemain, une marche avait drainé des milliers de citoyens. C’est pareil pour ce meeting. En plus, la démission est un droit consacré dans les statuts et le règlement intérieur du parti, comme d’ailleurs dans toute organisation démocratique.

Concernant l’exclusion à laquelle vous faites allusion, la déclaration du bureau régional de Tizi Ouzou est claire: il s’agit d’un ancien militant qui n’a pas renouvelé sa carte d’adhésion depuis 2012 et qui a surtout mené une campagne acharnée et assumée contre un candidat du parti issu d’une élection primaire. 


Madjid Makedhi



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