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Algérie - Mohamed Hichem Kara*. Professeur à l’université d’Annaba (laboratoire Bioressources marines): Le phénomène d’invasion est la première cause de la perte de biodiversité


Algérie - Mohamed Hichem Kara*. Professeur à l’université d’Annaba (laboratoire Bioressources marines): Le phénomène d’invasion est la première cause de la perte de biodiversité


- En tant que spécialiste de la biodiversité marine et expert de l’UICN, qu’attendez-vous de cette grande réunion?

La science nous montre que les 10 prochaines années sont décisives pour l’avenir de la planète. Le récent rapport du GIEC estime que dépasser 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, pourrait entraîner des effets graves et parfois irréversibles, avec des répercussions sur la diversité biologique dont l’érosion est sans précédent. Ce congrès est l’occasion de définir l’agenda de travail environnemental mondial pour la prochaine décennie. Les discussions devront donc se focaliser sur les actions concrètes à mener pour inverser la tendance et arriver à restaurer les écosystèmes et surtout à restaurer la relation homme-nature.

- D’après les spécialistes, la Méditerranée est la région du monde la plus vulnérable aux effets du réchauffement climatique. Qu’en est-il de la biodiversité marine dans ce contexte?

Effectivement, avec des températures qui augmentent 20% plus vite que la moyenne globale et une élévation du niveau de la mer qui devrait dépasser 1 m d’ici 2100, la Méditerranée est un point chaud du réchauffement climatique avec des effets néfastes sur la biodiversité. Dans un récent rapport, publié à l’occasion de la Journée mondiale de l’océan, le WWF alerte sur la modification de la biodiversité en Méditerranée, et ce qui en résulte pour la pêche et les moyens de subsistance des communautés dépendantes. On assiste également à une migration de poissons du sud vers le nord de cette mer à la recherche d’eaux plus froides, à des invasions d’espèces tropicales invasives qui arrivent par le canal de Suez et qui se propagent faisant de la Méditerranée la mer la plus envahie du globe. Ce phénomène d’invasion est la première cause de la perte de biodiversité dans le monde. Ajoutons à cela les autres pressions humaines, comme la surpêche, la pollution sous toutes ses formes, le développement côtier et le transport maritime.

- Comment jugez-vous l’état des connaissances sur la biodiversité marine en Algérie et les moyens d’en tirer profit?

D’importants efforts sont consentis par la communauté scientifique nationale pour aboutir à un inventaire exhaustif des espèces végétales et animales de nos côtes. Malheureusement, cet objectif est loin d’être atteint, compte tenu de l’étendue du territoire marin et de la diversité des habitats et des groupes taxonomiques qui s’y trouvent. A cela, s’ajoute l’insuffisance du potentiel humain et des structures de recherche spécialisées. Il faut savoir qu’actuellement, les méthodes classiques d’identification des espèces doivent être validées par les nouvelles techniques de biologie moléculaire. Ces dernières se développent difficilement dans notre pays à cause d’un environnement inadéquat.

Néanmoins, beaucoup de données sont disponibles et peuvent déjà servir dans des programmes de conservation, de restauration ou de valorisation, mais elles ne sont pas exploitées malgré leur qualité et les débouchés qu’elles pourraient offrir aux jeunes diplômés dans le cadre du développement de nouvelles filières économiques de production halieutique.



Bio-express*

Il est expert de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) et préside le Comité «ressources vivantes et écosystèmes côtiers» à la Commission scientifique méditerranéenne (CIESM). Il est membre fondateur et vice-président de l’Académie Algérienne des Sciences et Technologies (AAST).



Photo: Mohamed Hichem Kara. Professeur à l’université d’Annaba (laboratoire Bioressources marines)

Entretien par Slim Sadki
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