Algérie

Algérie - Mohamed Hennad. Politologue. «C’est le triomphe des forces du statu quo»



Algérie - Mohamed Hennad. Politologue. «C’est le triomphe des forces du statu quo»




Le politologue Mohamed Hennad estime que le limogeage du Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, moins de trois mois après sa nomination, constitue «un cas d’école dans les annales». Selon lui, ce qui s’est passé avant-hier au sommet du pouvoir est source de beaucoup d’inquiétudes pour l’avenir du pays. Le retour d’Ahmed Ouyahia aux affaires intervient, ajoute-t-il, «à la suite d’une crise aiguë de gouvernance» et pourrait avoir un lien avec une «succession immédiate».

- Comment analysez-vous le limogeage du Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, moins de trois mois après son installation?

Cet acte est tout simplement irresponsable et constitue un cas d’école dans les annales! Il est symptomatique du degré d’avachissement de l’Etat algérien. Voilà un Premier ministre, nommé il y a à peine trois mois, remplacé par un vieux routier de la primature depuis les années 90’ du siècle dernier! Ce limogeage – effectué sans explication, à part de prétendues «dispositions constitutionnelles» – est source de beaucoup d’inquiétudes à propos de l’avenir de notre pays qui ne serait, ainsi, gouverné que par l’improvisation et l’arbitraire… et les coups d’humeur aussi.

- Ce changement à la tête du gouvernement a été précédé par une campagne médiatique très dure à l’égard de M. Tebboune. Cette dernière avait visiblement pour but de préparer le terrain à sa mise à l’écart. Le chef de l’Etat est-il à l’origine de cette décision, sachant que, depuis son arrivée au pouvoir en 1999, jamais il n’a eu recours à des pratiques similaires à celles qui ont prévalu ces derniers jours?

Pas seulement, le chef de l’Etat algérien mais tout chef d’Etat responsable ne saurait avoir «recours à des pratiques similaires à celles qui ont prévalu ces derniers jours». Mais s’il l’a fait, vraiment, suite à une campagne médiatique ou des pressions claniques quelconques, après seulement trois petits mois de la désignation du nouveau Premier ministre, le citoyen algérien est en droit de se demander, encore une fois, «où va l’Algérie?»

- Pour l’opinion, c’est le pouvoir de l’argent qui vient de prendre le dessus sur la politique. Y a-t-il une part de vérité dans cette vision?

Comme je l’ai déjà dit ailleurs, le limogeage de M. Tebboune a tout l’air d’un triomphe des forces du statu quo – c’est-à-dire celles de la corruption sous toutes ses formes – sur toute velléité d’améliorer la situation du pays qui souffre d’une crise multiforme, celle qui hypothèque sérieusement son avenir. Cependant, une question se pose: normalement, M. Tebboune a été désigné avec une feuille de route, notamment (selon ses propres déclarations) la «séparation entre le politique et l’argent», le renforcement des investissements sociaux, la nécessité de mettre de l’ordre dans l’exécution des ouvrages objets de marchés publics, le foncier industriel et, enfin, la rationalisation des importations.

Démettre le tout nouveau Premier ministre avant même qu’il ne soit mis à l’épreuve, c’est mettre une croix sur ladite feuille de route. Qui plus est, ou bien c’est le président Abdelaziz Bouteflika qui se déjuge de sitôt par manque de lucidité ou bien ce n’est plus lui qui désigne et démet, mais ce sont plutôt les clans autour de lui, et ce, en fonction des rapports de forces du moment.

- Le retour d’Ahmed Ouyahia aux affaires a-t-il un lien avec la succession?

Force est de constater que le retour de M. Ouyahia survient, généralement, à la suite d’une crise aiguë de gouvernance. Oui, ce retour peut avoir un lien avec la succession, mais sans doute avec une succession plus ou moins immédiate, c’est-à-dire avant la fin du mandat présidentiel en cours puisqu’il reste quand même beaucoup de temps avant cette échéance. Car, vu l’état de santé du Président, on ne peut guère préparer, d’ores et déjà, un 5e mandat plus d’une année et demie avant l’heure.


Madjid Makedhi







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