Algérie

Algérie - Mines antipersonnel dans la région Ouest: Désastre de «L’encrier» et indifférence des pouvoirs publics



Algérie - Mines antipersonnel dans la région Ouest:  Désastre de «L’encrier» et indifférence des pouvoirs publics




En 1957, l’armée coloniale a semé des mines antipersonnel tout au long de la ligne Challe. Une frontière de fils de fer barbelés électrifiés s’étalant sur 700 km au sud-ouest du pays (Tlemcen, Naâma et Béchar).

Connu sous le sobriquet «L’encrier», ce type de mine, résistant à la corrosion et actif à vie, a fait, selon les statistiques officielles, 3.542 handicapés à l’échelle nationale dont plus de 800 à l’ouest du pays.

Les victimes des contrées de Tlemcen, Naâma et Béchar sont unanimes: «Nous étions jeunes, n’étions pas armés pour combattre les forces coloniales. Notre crime était de nous être aventurés sur un territoire national libéré. Certains d’entre nous étaient allés cueillir des champignons, d’autres pour faire paître leurs animaux… ou tout simplement rendre visite à un membre de la famille. En cours de route, nous avons marché sur une mine insidieuse et ce fut le drame.»

Mohamed Kadri, 54 ans et sans profession, ignorait qu’en décidant de passer ses vacances d’hiver chez sa tante à Sellam, près de Bab El Assa (50 km de Tlemcen), en 1967, sa vie allait être bouleversée.

«J’avais 8 ans, tout heureux de gambader sur les accotements de la route nationale, je ne savais pas que j’allais marcher sur une mine. Résultat: j’ai perdu un œil et le pied gauche, mon pied droit a été gravement affecté également.»

Il sera évacué à l’hôpital de Maghnia, où il sera soigné par un chirurgien russe.

«Aujourd’hui, je touche une pension de misère. J’ai fait un recours pour revoir mon taux d’invalidité, mais en vain…», dit-il, impuissant face à ceux qui sont chargés du dossier de cette catégorie de victimes, en l’occurrence le ministère des Moudjahidine.

Boudjemaâ Cherigui, âgé de 54 ans et résidant à Aïn Benkhelil, à 42 km de Naâma, a cessé de vivre, selon ses dires, en 1971, lorsque le sort a voulu qu’il marche sur une mine.

«Nous sommes dans une région rurale et même si nous savions que la région était minée, nous ne pouvions pas nous cloîtrer chez nous à longueur de journée, surtout que nous ne connaissions pas l’emplacement de ces engins de la mort. Je me souviens qu’à cet instant, j’ai entendu une déflagration, puis j’ai plané et puis plus rien. J’ai perdu connaissance. Au final, on m’a amputé du bras gauche et j’ai perdu un œil. Je suis responsable d’une famille de neuf personnes et je touche une pension de 10.600 DA mensuellement.»

Les revendications des victimes sont toutes les mêmes: «Il faut revoir notre taux d’invalidité et revaloriser nos pensions. Le plus grave est que beaucoup d’entre nous, bien que reconnus victimes, ne sont pas affiliés à la sécurité sociale. Pour des cas comme le mien, il faudrait avoir un agrément de quelque activité que ce soit et qui nous permettrait de vivre et faire vivre nos familles.»

Même discours émouvant du président de l’Association des victimes de Tlemcen, Kada Reyreyene: «Ecoutez, nous ne sommes pas allés à la recherche de l’armée française, c’est elle qui est venue nous agresser, nous toucher dans notre corps et notre âme. C’est elle qui avait déposé ces engins meurtriers dans le but de tuer et de mutiler des Algériens. Ne sommes-nous pas des victimes de la guerre de libération? Pourquoi ‘‘en haut’’, on a décidé de nous faire taire avec des pensions de misère?»

M. Reyreyene ne rejette pas la faute uniquement sur la France, mais aussi sur les autorités algériennes. Et d’en vouloir à leur représentation nationale.

«Nous n’avons pas d’association nationale qui puisse défendre nos droits, c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de nous regrouper à Alger pour élire une organisation très forte et crédible…»

Depuis le 4 avril dernier (Journée nationale des victimes des mines antipersonnel), des campagnes de plantation d’arbres ont été organisées sous le slogan: «Un arbre à la place de chaque mine.»

Encore un slogan qui sonne creux et que commentent les victimes d’un ton quasiment sarcastique, malgré leurs douleurs.

«Ce dont on a besoin, c’est que l’Etat plante dans nos cœurs un soupçon d’espoir pour une vie décente et digne…», déclarent-ils.


Chahredine Berriah



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