Algérie

Algérie - Me Nourredine Benissad. Président de la LADDH: «Déchoir un Algérien de sa nationalité est une violation gravissime de la Constitution»



Algérie - Me Nourredine Benissad. Président de la LADDH: «Déchoir un Algérien de sa nationalité est une violation gravissime de la Constitution»


Le président de la LADDH, Nourredine Benissad, rappelle ici que la déchéance de la nationalité d’origine est illégale et constitue une grave violation de la Constitution.

- Le Premier ministère a annoncé la préparation, par le ministère de la Justice, d’un projet de loi portant sur la «déchéance de la nationalité acquise ou d’origine à tout Algérien qui commet à l’étranger des actes graves et préjudiciables aux intérêts de l’Etat et attentant à l’unité nationale». Que pensez-vous de cette démarche?

Les conditions pour jouir de la nationalité algérienne, qu’elle soit d’origine ou par acquisition ainsi que sa perte ou sa déchéance sont régies par l’ordonnance du 15 décembre 1970 modifiée et complétée par l’ordonnance du 27 février 2005.

La perte de la nationalité algérienne d’origine ou acquise est volontaire, c’est-à-dire qu’un Algérien peut renoncer à sa nationalité algérienne pour un certain nombre de raisons, notamment à l’occasion de l’acquisition d’une autre nationalité. La déchéance de la nationalité, par contre, ne concerne que les personnes qui ont acquis la nationalité algérienne et exclut la déchéance de la nationalité aux Algériens ayant la nationalité d’origine.

Trois cas sont prévus et pour lesquels une personne peut peut-être déchue de sa nationalité algérienne: lorsqu’elle est condamnée pour un acte qualifié de crime ou délit portant atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Algérie; condamnée en Algérie ou à l’étranger pour un acte qualifié de crime, à une peine de plus de cinq ans d’emprisonnement; si elle a accompli au profit d’une partie étrangère, des actes incompatibles avec la qualité d’Algérien ou préjudiciables aux intérêts de l’Etat algérien.

Mais cette déchéance ne peut être prononcée que dans un délai de dix ans après l’acquisition de la nationalité algérienne. Vous voyez que concernant la déchéance de la nationalité algérienne pour les personnes l’ayant acquise, on a déjà fait le plein et je ne vois pas ce que l’on peut ajouter, tellement les notions à travers les cas mentionnés sont élastiques. L’ordonnance ne mentionne guère la déchéance pour les personnes ayant la nationalité d’origine.

Qu’est-ce qui a changé depuis 2005, date de la modification de l’ordonnance pour justifier les amendements projetés? La situation sécuritaire s’est améliorée selon des déclarations mêmes des officiels. Déchoir une Algérienne ou un Algérien de sa nationalité d’origine me semble une violation gravissime de la Constitution.

- Ce projet a suscité de vives réactions depuis mercredi dernier. Quelle est l’arrière-pensée du pouvoir en élaborant cette procédure?

Les réactions et les inquiétudes sont à la hauteur de la gravité des amendements. Il est normal que les inquiétudes ont un lien avec le hirak et la liberté d’expression. Utiliser ces subterfuges pour neutraliser les acteurs du mouvement populaire, notamment les Algériens qui ont une double nationalité, me paraît invraisemblable. Penser mettre fin au hirak par ce type de décisions juridiques relève du déni politique.

- Que prévoit le droit international dans ce domaine?

Du point de vue du droit international, le droit à la nationalité est régi par les conventions des Nations unies de 1954 et 1961 relative à l’apatridie. Il établit le principe général selon lequel une personne ne peut être privée de sa nationalité et qui peut mener à le rendre apatride, c’est-à-dire sans patrie.

L’Algérie a été parmi les premiers pays à ratifier la convention internationale sur les apatrides en 1964. Tous les patriotes, sans exception, doivent refuser qu’un pays comme le nôtre qui a accueilli des apatrides du monde entier voit surgir une telle idée pour pousser des Algériens à devenir apatrides et sans nationalité.


Photo: Me Nourredine Benissad - Photo : D. R.

Madjid Makedhi


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