Au square Port Saïd, le marché parallèle de la devise connaît une forte activité. La flambée a commencé depuis une semaine. D’après des échos, les déclarations du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, sur les mesures du gouvernement (planche à billets) ont provoqué une hausse historique de la devise au marché noir.
Le marché parallèle de la devise connaît une forte activité. Au square Port Saïd, «Bourse informelle» de la devise à Alger, les cambistes s’activent pour répondre à la forte demande. Ici, l’euro s’échange à 195 DA à l’achat et 196 DA à la vente. Ces taux ne sont pas fixes.
«L’euro se négocie à 196 DA et parfois jusqu’à 200 DA et plus à la vente. Le vendeur juge selon la somme proposée et même la crédulité de son client. Il y a ces derniers jours une forte demande suite à la dépréciation du dinar. Le taux de change officiel a aussi augmenté (133 DA à l’achat et 134 DA à la vente). La flambée a commencé depuis une semaine, quinze jours», signale un jeune cambiste, une liasse de billets dans une main, un smartphone dernier cri, faisant office de calculatrice dans l’autre.
Ses collègues, éparpillés presque à équidistance à l’extrémité de la rue Abane Ramdane et sur les ruelles adjacentes au square Port Saïd, accueillent plus de clients que d’habitude. Après la période du hadj et celles des voyages et des démarches des étudiants, d’autres clients, qui ne sont pas des habitués des lieux, cherchent le change parallèle.
«J’ai reçu ces deux derniers jours un haut cadre accompagné de son ami travaillant pour un député qui a craint de se présenter lui-même de peur d’être reconnu. Ils sont repartis avec plus de 4500 euros chacun», raconte un cambiste, mis en confiance.
D’après des échos, les déclarations du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, sur les mesures du gouvernement (planche à billets entre autres) ont provoqué une hausse historique de la devise au marché noir.
«Tout le monde veut des euros. Du simple salarié aux hauts cadres de la nation, dont la situation est plutôt stable, en passant par le promoteur qui veut délaisser l’immobilier et l’importateur qui fait des affaires juteuses. La devise, qui est devenue ces derniers mois une valeur refuge, plus que l’immobilier et même l’or, devrait augmenter et dépasser les 200 DA à l’achat. Tout le monde craint la dévaluation du dinar», explique doctement un vendeur d’un magasin de la place, qui s’est mis au change parallèle depuis plusieurs mois, «pour compenser les pertes de son commerce».
Ferhat Aït Ali, expert financier a une explication presque similaire: «La hausse (de la devise) pas très prononcée fait suite à un mouvement d’inquiétude sur la valeur du dinar, qui a dû pousser quelques montants de plus sur ce marché pour sécuriser la valeur des détentions.» (voir entretien).
Marché florissant !
Cette forte demande a-t-elle causé une baisse de l’offre ?
A entendre les jeunes du square, la devise ne s’est pas raréfiée pour le moment. «Ici, tu peux tout ramener et repartir avec des sommes incroyables en dinar et devise. La dernière fois, un collègue a vendu pour plusieurs millions de dinars à un promoteur immobilier», signale le jeune, jetant des regards furtifs sur les nombreux piétons qui traversent les allées de la place, située entre la rue marchande de Bab Azzoun à la Basse-Casbah et les quartiers populeux d’Alger-Centre.
Toutes les opérations des cambistes du square se déroulent au vu et au su des autorités. Entre l’imposant palais de la justice Abane Ramdane et les institutions de la finance algérienne sur les grands boulevards Zighout Youcef et Che Guevara.
A part une anecdotique descente de la police, qui serait due à la mésaventure qu’aurait vécue l’enfant d’un haut responsable, la «Bourse du square» fonctionne à plein régime. Les services de sécurité et la Douane communiquent périodiquement sur des saisies dans le cadre de transfert illégal à l’étranger.Sans plus.
Le marché parallèle de la devise, c’est «une place centrale», l’ex-square Bresson, actuellement fermé pour travaux de réaménagement, des «succursales», dans les commerces du centre-ville à Alger et dans toutes les wilayas du pays. Mais aussi des sites internet qui donnent le taux du change parallèle quotidien et ouvrent des forums à leurs nombreux internautes. Une rapide visite sur ces sites, qui ne sont jamais gênés par la censure publique, permet de voir des discussions où s’échangent des numéros de téléphone et des mails entre clients et acheteurs potentiels.
Dans les marchés couverts du centre d’Alger, les vendeurs d’habillements font du change parallèle une activité plus importante que celles déclarées au Registre du commerce. Au marché communal Redha Houhou (ex-Clauzel), des commerces poussiéreux servent de «bureaux de change».
«Ici les gens venderont tout, même ‘‘el ibad’’ (les humains). L’économie nationale est leur dernier souci», lâche, un tantinet moqueur, un commerçant.
Le gouverneur de la Banque d’Algérie juge cela «prématuré»: Pas de bureaux de change dans l’immédiat
Les pouvoirs publics ne sont pas décidés à mettre un terme par des mesures fortes au marché parallèle de la devise qui porte un coup fatal à l’économie nationale. Pourtant, ce ne sont pas les demandes de réformes qui manquent.
La mission d’évaluation de l’économie algérienne du Fonds monétaire international (FMI) a suggéré, dans son rapport rendu public en juin dernier, «une plus grande flexibilité du taux de change».
Les experts de l’instance financière ont demandé aux autorités algériennes de développer le marché de changes obligataire et réduire l’activité sur le marché parallèle (5 milliards de dollars par an).
Mais les pouvoirs publics ne sont pas près de mettre en place les mesures nécessaires. En réponse aux questions des membres du Conseil de la nation en avril dernier, le gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Loukal, a considéré comme «prématurée» l’ouverture des bureaux de change.
Selon le gouverneur, «tant que nous n’avons pas un tourisme intense, l’existence de bureaux de change ne sert à rien». Pour lui, il est prématuré d’ouvrir ces bureaux dans le contexte actuel.
«Sur les 47 bureaux de change agréés, 13 ont rendu leurs agréments et le reste n’a jamais ouvert », précise-t-il en assurant que l’intérêt d’ouvrir ces bureaux est d’«absorber de la liquidité circulant sur le marché informel».
En attendant ces mesures qui risquent de ne plus arriver, le marché parallèle continue d’absorber l’argent sale de la drogue, du blanchiment, du crime organisé, etc. N. Id.
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Nadir Iddir
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Posté Le : 27/09/2017
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Nadir Iddir
Source : elwatan.com du lundi 25 septembre 2017