Une réduction de 10% dans le salaire d’un ministre ne représente pas grand-chose. Il est vrai que tout est dans la symbolique. Mais cela ne représente que 30.000 à 70.000 DA selon le poste du membre du gouvernement.
Dans la foulée de la crise financière qui frappe le pays et acculés par les critiques de l’opposition, les membres du gouvernement ont annoncé la «réduction» de 10% de leurs salaires. Le président de l’APN, Mohamed Larbi Ould Khelifa, troisième personnage de l’Etat sur le plan protocolaire, a fait part lui aussi d’une décision similaire.
Ces «économies» vont être versées au Trésor public, ont-ils justifié.
L’annonce de ces hauts cadres se veut donc une réponse aux appels des partis politiques de l’opposition à plus d’efforts dans la gestion des affaires publiques.
Mais ces réductions ont-elles un sens ?
Elles représentent quelle valeur ?
Dans les faits, une réduction de 10% dans le salaire d’un ministre ne représente pas grand-chose. Il est vrai que tout est dans la symbolique. Mais cela ne représente que 30.000 à 70.000 DA selon le poste du membre du gouvernement. Un salaire de ministre varie, en effet, de 300.000 DA pour un secrétaire d’Etat à 450.000 DA pour un ministre d’Etat. Le président de l’APN perçoit des émoluments qui avoisinent les 700.000 DA.
Le compte est donc vite fait et force est de constater que cela ne représente pas plus d’un million de dinars d’économie pour le Trésor public. Ces efforts – dérisoires –peuvent paraître symboliques aux yeux de l’opinion publique. Mais la réalité est qu’un ministre coûte beaucoup plus qu’un salaire au contribuable.
En plus de la solde, qui s’apparente à de «l’argent de poche», un ministre a droit à un logement (souvent un chalet ou une villa), des voitures, une suite d’employés de maison pour lui et sa famille (femmes de ménage, jardiniers, cuisiniers, serveurs…) et des frais de mission de divers genres. Pis, un cadre supérieur de l’Etat à la retraite raconte qu’un membre du gouvernement actuel dispose de 6 voitures de service, dont 2 se trouvent à l’extérieur de la capitale.
«Elles sont utilisées par des membres de la famille», précise notre interlocuteur.
Souvent, ces voitures sont pourvues de chauffeur et, bien sûr, de carburant. Et quand elles tombent en panne, c’est l’administration du ministère qui prend en charge leur réparation.
L’arbre qui cache la forêt
Ces avantages matériels sont visibles. D’autres attributs liés au poste sont vraiment cachés et constituent une véritable «gabegie», comme le souligne un ancien magistrat. Car, en plus de leur salaire, les ministres ont droit à une «prime de repas» plafonnée à 10.000 DA par jour. Cela donne 300.000 DA par mois, rien que pour des caprices de ministre! La somme est tellement importante – plus de la moitié d’un SNMG – que des membres du gouvernement s’abonnent, à l’année, dans des hôtels de luxe de la capitale (El Djazaïr ou El Aurassi). Un ministre a même eu l’audace de demander au contrôleur financier de «toucher cette prime en monnaie», raconte un habitué des couloirs ministériels.
Les déplacements des ministres, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, sont également un moment de fortes dépenses. Le membre du gouvernement voyage avec sa suite (gardes du corps et chauffeurs) en plus de la mobilisation d’autres moyens de l’Etat. La cagnotte se chiffre à des millions de dinars. Parce qu’en plus des accompagnateurs du ministre, il faut compter les notables locaux et les services de sécurité qui se déplacent en force.
Comme cela ne suffit pas, d’autres membres du gouvernement se permettent même d’utiliser le matériel de leur département pour des besoins personnels. C’est le cas de ce ministre qui a pris un home cinéma, un écran géant plasma et tous ses accessoires pour les utiliser chez lui. Et quand le secrétaire général a fait remarquer à son chef qu’il venait de s’emparer de biens de l’Etat, il a perdu son poste!
Cette «facette» peu glorieuse de train de vie de l’Etat semble faire oublier à certains le bon sens. C’est le cas de la ministre de la Solidarité, Mounia Meslem Si-Amer, qui a proposé, récemment, à ce que les femmes cadres cèdent leur salaire parce que «leurs maris subviennent à leurs besoins»...
Plus que le coût de revient, des ministres font perdre plus d’argent à l’Etat dans la mauvaise gestion de leurs secteurs.
«La mauvaise gestion et la réévaluation des coûts des projets publics coûtent énormément d’argent à l’Etat. Le chantier de l’autoroute Est-Ouest n’est qu’un exemple», se désole Mme Zoubida Assoul, ancienne magistrate et présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP).
Pour elle, le vrai changement est dans le système.
«Au moment où l’on parle de politique d’austérité, des responsables attribuent toujours des marchés publics par téléphone !» s’indigne-t-elle.
Autant dire qu’une baisse de salaire de 10% ne comblera pas le déficit abyssal de 30 milliards de dollars du Trésor public. Un déficit dans lequel les membres du gouvernement coûtent beaucoup plus cher que les maigres économies que généreront leur «baisse» de salaire!
Ali Boukhlef
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Posté Le : 04/12/2016
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo (caricature): El Watan ; texte: Ali Boukhlef