Retard de réalisation, surcoûts et…
corruption sont des problèmes endémiques qui rendent inefficients les
programmes de développement. Les médias focalisent naturellement sur les grands
projets… Mais les retards de ces derniers ne sont presque rien à côté des
milliers de petits projets locaux qui se perdent, se délitent, faute d'une
capacité à les gérer et à les suivre. La création de la Caisse nationale
d'équipement pour le développement (CNED) est une idée positive mais les
résultats ne sont pas probants. Au niveau local, c'est pire. Plongée dans la
chaîne des contraintes…
Améliorer les taux de réalisation des
programmes de développement et des projets en général est une préoccupation
majeure des décideurs nationaux ou locaux. Il est vrai que l'ampleur des
programmes des différents plans quinquennaux n'a d'égale que la faiblesse des
niveaux de réalisation. Les premiers indices de la faiblesse des capacités de
réalisation ont été révélés dès les premières évaluations du programme de
soutien à la relance économique de (PSRE) de 1999-2004. En 2006, la réunion gouvernement-walis,
consacrée exclusivement à cette question, faisait état de taux de réalisation
qui oscillait entre 18 et 22%, un niveau significatif des difficultés
rencontrées en matière de réalisation. Une situation suffisamment alarmante
pour que des actions de correction soient proposées afin d'arriver à des
niveaux de réalisation plus acceptables. Les pistes majeures identifiées
consistaient à soutenir les moyens de réalisation et à mettre en place des
dispositifs financiers techniques et managériaux appropriés. Une tâche est
immense qui équivaut à une modernisation de l'ensemble des collectivités
locales et des secteurs qui gèrent les programmes, soit la quasi-totalité de
toutes les institutions publiques. Les décisions prises se fixaient un plan
d'actions relativement riche : «dégager des éléments de diagnostic pertinents,
à partir d'une analyse objective des conditions d'exécution du programme,
depuis sa conception à sa mise en Å“uvre» et «des mesures opérationnelles
d'amélioration, à différents niveaux et dans différents domaines, de ces mêmes
conditions, afin que le programme puisse produire les effets socioéconomiques
et infrastructurels attendus et atteindre les objectifs fixés.»
A
cet effet, les pouvoirs publics ont créé une agence qui a pour mission
d'apporter l'accompagnement technique des projets. Cette structure – la Caisse
nationale d'équipement pour le développement (CNED) - a suivi, au cours de
l'année 2009, près de 75% des grands projets (plus de 20 milliards de DA)
représentant un montant de 3000 milliards de dinars (38 milliards de dollars).
L'utilité de l'agence est indéniable. Les surcoûts induits par les retards dans
la réalisation, l'opacité dans la gestion et la corruption qui n'est pas très
loin dans de telles situations la rendent nécessaire. Il reste que depuis 2005,
la Caisse a connu trois directeurs généraux mais sa brève existence n'a pas
encore d'effets probants sur l'amélioration dans la gestion des grands projets.
La Cned a fait néanmoins Å“uvre utile en mettant à la disposition des
intervenants des guides pour le suivi régulier de la réalisation en matière de
respect du planning, du volume et de la qualité des travaux et du coût des
réalisations. Le suivi par la CNED est réalisé essentiellement à partir des
informations fournies par les maîtres d'ouvrage publics et par le ministère des
Finances (Direction chargée du budget d'équipement). La Caisse a proposé ainsi
un guide de suivi, un guide d'évaluation et des guides de maturation par
secteur qui deviennent des documents indispensables pour toutes les dépenses
d'équipement. Les procédures mises en place semblent toutefois plus destinées à
juguler les montées de corruption relevées dans la gestion des grands projets
qu'à impulser une nouvelle culture dans la gestion des grands projets. Celle-ci
est pourtant inscrite en filigrane dans les documents de la CNED :
«l'identification, la prévention et le suivi des problèmes susceptibles d'être
rencontrés en matière de réalisation : en cas de dérive prévisionnelle
significative en matière de délais, coût ou qualité, et plus généralement en
toute circonstance pouvant conduire à des changements majeurs dans la nature et
la consistance du projet, le maître d'ouvrage ou la CNED déclenchent une
«alerte», ce qui peut conduire le maître d'ouvrage, principalement, et la CNED
pour ce qui la concerne, à lancer une analyse approfondie des problèmes».
Une forêt de milliers de petits projets en
souffrance
Les retards enregistrés dans les grands
projets – métro, autoroute, chemin de fer- largement médiatisés et qui
alimentent les débats peuvent être révélateurs des difficultés recensées en
matière de gestion de projets. Ils cachent cependant la forêt des milliers de
petits projets, à dimension locale et qui souvent sont caractérisés par des
taux de réalisation moins élevés et des retards de lancement nettement plus
longs, ce qui a autrement plus d'impact sur le développement local que les 20
ans de retard du métro d'Alger. Au niveau local, réaliser les projets dans les
délais et éviter le cycle infernal des réévaluations est une aspiration quasi
permanente. Cela pose une multitude de problèmes liés autant aux procédures de
gestion des programmes et aux procédures réglementaires qui imposent des
conditions drastiques, notamment à travers le code des marchés de l'opérateur
public. Dans bien des cas, cela contrarie la réalisation des projets dans les
temps. C'est ainsi que le délai minimum pour le lancement d'un projet, à
compter de la date de son individualisation à la nomenclature, varie, en
moyenne, entre 04 et 06 mois. Par ailleurs, certains projets connaissent des
problèmes dans la maîtrise d'Å“uvre en raison du manque de bureaux d'études
qualifiés et l'infructuosité des appels d'offres.
Une fois prêt à la mise en Å“uvre, il faut que les conditions nécessaires
à sa réalisation soient réunies. On redécouvre que le manque de moyens de
réalisation est criant. C'est un sérieux handicap qui empêche la réalisation
des programmes dans les délais prescrits. Des projets de désenclavement ou de
construction d'école, qui auraient changé la vie de milliers de personnes, ont
été ainsi reportés sur trois exercices faute d'entreprise de réalisation.
Une longue chaîne des contraintes
Enfin quand tous les obstacles évoqués
plus haut sont levés, les entreprises de réalisation sont confrontées au
problème de l'insuffisance de la main-d'Å“uvre qualifiée. Ce manque est très
souvent évoqué autant par les porteurs de projets - quand il s'agit de
techniciens ou d'ingénieurs qualifiés - que par les gestionnaires de projets quand
il s'agit de maîtres d'ouvrages. L'administration publique souffre atrocement
de sous-encadrement. De nombreux secteurs se plaignent des mesures de
restriction des recrutements actuellement en vigueur et qui ont eu pour
conséquence, depuis des années, d'assécher les capacités de gestion et de suivi
des programmes de développement. Les idées ne manquent pourtant pas. Les
responsables de l'administration ne sont pas les derniers à demander des
recrutements plus flexibles de cadres techniques spécialisés pour la
constitution des cellules de gestion et de suivi des projets rémunérés sur les
enveloppes réservées à la réalisation des projets.
La chaîne de contraintes évoquée pour expliquer le retard dans la
réalisation des programmes est pourtant largement discutée depuis déjà le Plan
de consolidation de la croissance économique et les lois de finances pour les
années 2005 et 2006. Les campagnes de recrutement de jeunes cadres et le
renforcement de capacités d'intervention des cadres et élus n'ont pas encore donné
de fruits. L'impact négatif de cette forme de déshérence de l'administration
publique compromet la gestion et le suivi des programmes de développement dont
elles ont la charge et génère des effets pervers dans la gestion des finances
publiques dont les surcoûts, la faiblesse du retour sur investissement et la
corruption ne sont pas des moindres.
Posté Le : 04/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Said Merad
Source : www.lequotidien-oran.com