Les banquiers
n'étaient pas présents le 28 mai dernier à la tripartite regroupant le
gouvernement, le patronat et l'Ugta.
Ils auraient pu
demander d'y être car ils sont, pour l'essentiel, en charge de l'application
des mesures décidées en faveur des entreprises.
Un «sus aux
banques» qui semble faire l'impasse des autres entraves qui pèsent sur
l'environnement des entreprises.
Les résultats de
la réunion tripartite du 28 mai dernier, placée cette année, selon le vÅ“u
exprimé par le Président Bouteflika lui- même, sous
le signe de : «l'amélioration du climat des affaires», ont été salués à juste
titre par l'ensemble des participants et de nombreux commentateurs.
L'organisation à des intervalles plus ou moins réguliers de ce vaste exercice
de concertation économique et sociale est sans aucun doute un acquis important
du paysage institutionnel algérien.
La participation, enregistrée
cette année pour la première fois, du Forum des chefs d'entreprise (FCE), principale
force de proposition du patronat algérien au cours des dernières années , est
certainement de nature également à renforcer la qualité du dialogue entre les
partenaires sociaux. Le président du FCE, M.Reda Hamiani, s'est félicité d'une démarche qui «met fin à
l'unilatéralisme qui a prévalu ces dernières années» et appelle de ses vÅ“ux la
«naissance d'un processus de dialogue». Les annonces traduisant ce que beaucoup
considèrent comme l'apparition d'un nouveau climat entre le patronat et le pouvoir
politique n'ont d'ailleurs pas manqué.
Les limites d'un
exercice de concertation
L'ensemble des
décisions annoncées a pour principale caractéristique d'introduire ou de
renforcer la discrimination nécessaire entre production nationale et importations
d'une part et de favoriser l'acte d'investissement d'autre part. Elles ont donc
pour ambition bienvenue de traduire en incitations économiques concrètes des
orientations affichées de longue date par l'exécutif algérien mais qui n'ont
pas toujours fait l'objet de mesures d'accompagnement. En dépit du progrès
incontestable qu'elle représente par rapport à la pratique des dernières années
en matière de définition de la politique économique par l'exécutif algérien, l'exercice
de concertation auquel se sont livrés les partenaires sociaux le 28 mai dernier
laisse également apparaître des limites évidentes. On peut relever tout d'abord
que la quasi-totalité des décisions et des mesures annoncées concernent
exclusivement le secteur bancaire. Cette focalisation sur le financement des
entreprises fait donc pour l'instant l'impasse sur les nombreux problèmes
signalés de longue date en matière d'accès au foncier, de procédures douanières,
de gestion des ports, de pratiques fiscales ,de
paiement des commandes publiques, etc… qui, tout
autant que les questions de financement, contribuent à polluer l'environnement
des entreprises.
Une application aléatoire
La principale
interrogation que soulèvent les décisions de la tripartite concerne leur
application effective. Outre qu'aucune des mesures annoncées n'a fait l'objet
d'un calendrier précis d'application, beaucoup d'expériences récentes
n'incitent pas dans ce domaine à l'optimisme. On se souvient par exemple que
face au tollé provoqué par l'instauration du crédit documentaire, la loi de
finances 2010 avait introduit, au cours de l'été dernier, une dispense pour les
producteurs nationaux. 6 mois plus tard, une enquête réalisée par des organes
de presse révélait que cette dérogation, destinée à permettre l'importation de
pièces détachées à hauteur de 2 millions de dinars par an, n'était toujours pas
appliquée par les banques faute d'instruction émanant de la Banque d'Algérie (BA). Dans
le même esprit les annonces concernant la mise en route du capital-risque par
les banques publiques datent déjà de la fin 2008 et n'ont pour l'instant reçu
aucune application concrète ; les filiales chargées de sa mise en Å“uvre étant
toujours en cours de constitution. En matière de garantie et malgré le discours
sur la dépénalisation des actes de gestion, les banquiers ont appris à s'en
tenir aux règles prudentielles plutôt qu'aux «injonctions», «incitations» et
autres «encouragements» de l'Etat. Cela a été le cas pour l'octroi de crédit à
taux bonifié promis par l'Etat aux clubs de football professionnels. Les
banquiers ont pendant des mois choisi d'ignorer poliment le sujet. Finalement, une
«explication» a eu lieu début mars entre l'association des établissements
bancaires (ABEF) et les représentants des clubs professionnels de football. Et
ce ne sont pas les «encouragements» de l'Etat qui ont prévalu mais les règles
de l'orthodoxie bancaire : ne sont éligibles aux crédits que les SPA disposant
d'un capital social minimal de 100 millions de dinars. Seuls deux clubs
pouvaient y prétendre avec ces règles. Le «sus aux banques» de la tripartite
risque de ne pas impressionner les banquiers.
Effets d'annonce
C'est ce mode de
gestion basé souvent plus sur les effets d'annonce que sur le suivi effectif et
la mise en Å“uvre de dispositifs opérationnels qui pose problème. Un expert
proche du FCE le soulignait récemment qu'une forme de confusion s'est installée
entre les objectifs de la politique publique qui, pour l'essentiel, sont
partagés par l'ensemble des partenaires économiques et sociaux et les modes
opératoires par lesquels ils sont traduits sur le terrain». Ces modes, a-t-il
estimé «restent très largement perfectibles». «Il serait recommandé, au moment
de l'élaboration des politiques publiques, de partir à chaque fois des
situations réelles et objectives vécues par les producteurs nationaux et, à
tout le moins, de veiller à ce que ces mêmes politiques soient accompagnées des
dispositifs les plus opérationnels dans leur mise en Å“uvre. C'est la base de
tout système de régulation dans les économies modernes. Dans un tel contexte, c'est
l'économie nationale dans son ensemble qui gagnera à une concertation plus
aboutie et plus régulière, c'est-à-dire réellement institutionnalisée, avec les
organisations professionnelles et patronales».
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Posté Le : 07/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Taleb
Source : www.lequotidien-oran.com