Il est midi, mais il fait sombre sous les frondaisons des chênes qui partent à l’assaut du ciel.
Le soleil arrive à peine à percer l’épaisse canopée au-dessus de nos têtes. On entend des cris d’animaux et les chants d’une multitude d’oiseaux, mais qu’on ne voit pas. Notre groupe s’est arrêté au pied d’un chêne zen géant, probablement vieux de plusieurs siècles, pour la pause-déjeuner.
Sortie sur le terrain avec une équipe de forestiers de Béjaia. Nous sommes dans la mythique forêt de l’Akfadou, 1600 mètres au-dessus du niveau de la mer, et nous ne rencontrons que des troupeaux de vaches ou des groupes de singes magot.
Depuis les années 1990 et l’avènement du terrorisme, très peu de gens s’aventurent dans cette vaste forêt que se partagent les wilayas de Béjaïa et de Tizi Ouzou, l’une des plus belles d’Algérie. L’Akfadou était infesté pendant longtemps de terroristes islamistes.
Même pour cette escapade de quelques heures, les forestiers jugent nécessaire de signaler leur présence au commandement de l’armée qui opère dans ce secteur.
A partir de la circonscription des forêts d’Adekar, trois véhicules tout-terrain s’ébranlent vers le massif. L’objectif est d’arriver jusqu’au Lac noir, vaste étendue d’eau au milieu d’une chênaie tout en faisant un état des lieux de la forêt.
Première halte au niveau de la grille de la réserve, qui abrite une colonie de cerfs de Berbérie qui fait l’objet d’une réintroduction depuis, dans ce massif, 2005.
Des responsables du centre cynégétique de Zéralda, qui chapeaute cette opération, sont venus d’Alger pour faire le suivi de cette passionnante aventure qui voit le seul cervidé d’Afrique faire un retour sur des terres sur lesquelles il a vécu à l’état naturel depuis des lustres. Avant de disparaître. Les nouvelles sont plutôt bonnes.
Les cerfs ?
Ils se portent bien, se reproduisent et sont devenus pratiquement sauvages. Aujourd’hui, il est question de faire un nouveau comptage de la harde et de rapatrier une biche qui a quitté le vaste enclos qui sert de réserve.
On reprend la route à travers une piste défoncée et ravinée par les eaux de pluie et par la neige. Les forestiers s’arrêtent pour inspecter deux jeunes Algérois venus en fourgon pour prélever des tapis de mousse qui poussent sur les troncs des arbres. C’est, paraît-il, pour les besoins de décor et d’ornementation pour boutiques.
La deuxième halte est marquée au niveau de l’ancienne maison forestière bâtie dans une belle clairière. Construite du temps de la France coloniale, il ne reste plus que les murs et les vestiges d’un pommier à moitié brûlé du magnifique jardin qui entourait cette maison rustique. La puissante source qui y coule déverse toujours à gros bouillons une eau pure et cristalline.
«Regardez la taille de ce merisier. Il fait plus de 30 mètres de hauteur, s’exclame Ali Mahmoudi, Conservateur des forêts de Béjaïa. C’est du jamais vu !»
Non loin de là, au niveau de l’arboretum réalisé par les Français dans les années 1940, à la lisière du Lac noir, on trouve toutes les espèces introduites dans ce milieu.
«Comme vous pouvez le voir, le cèdre et le sapin de Numidie se régénèrent très facilement. C’est une forêt qui n’est pas trop habitée et il y a moins d’élevages que par le passé», note avec satisfaction Ali Mahmoudi, dont l’un des objectifs est d’arriver à doter ce grand massif, qui s’étend sur près de 10.000 ha, d’un statut qui puisse le protéger et le préserver.
A la troisième et dernière halte, le Lac noir…Il se révèle comme un joyau serti dans son écrin de verdure.
Ce lac, qui se situe 1.262 mètres d’altitude et qui s’étend sur 10 ha, est peu connu du grand public. Ce qui a évité jusqu’à aujourd’hui sa pollution par les sachets poubelle. L’image du ciel bleu qui se reflète dans ce miroir cristallin laisse le visiteur ébahi.
Les centaines de rainettes vertes qui peuplent ce plan d’eau nous gratifient d’un concert de chants aquatiques en guise de bienvenue.
L’arboretum du lac offre des arbres majestueux, d’une beauté à couper le souffle. C’est un paysage de carte postale.
A peine le temps de faire le tour du lac et de prendre quelques photos souvenir qu’il est déjà temps de repartir. A regret.
Dans quelques années, quand le désert n’aura plus d’or noir à offrir, l’Algérie se préoccupera, peut-être, de préserver de tels espaces.
Pour en faire son or vert.
Djamel Alilat
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Posté Le : 30/09/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: © Photo : El Watan ; texte: Djamel Alilat
Source : El Watan.com du samedi 28 septembre 2013