Avec une probable réduction de la production du barrage de Taksebt à 145.000 m3/j, 76% de la population de Tizi Ouzou ne sera alimentée qu’un jour sur trois, voire plus.
Les conséquences, tant redoutées, de la faible pluviométrie enregistrée pour la deuxième année consécutive à Tizi Ouzou s’annoncent lourdes pour la population locale qui sera soumise, à compter des tout prochains jours, à des restrictions draconiennes en matière d’alimentation en eau potable. C’est, du moins, ce qui est ressorti de la rencontre tenue, hier, au siège de la wilaya, pour débattre, entre autres, des mesures à prendre pour gérer au mieux la ressource disponible durant la saison estivale.
En effet, le directeur des ressources en eau, Mokrane Djouder, qui exposait la situation du secteur lors de cette rencontre, a expliqué qu’à Tizi Ouzou, le scénario envisagé peut aller jusqu’à une réduction de la production d’eau potable de 50%. Évoquant le barrage de Taksebt qui alimente 760.000 habitants, répartis sur 30 communes de la wilaya, et dont le besoin en eau potable est estimé à 200.000 m3/j, ce même responsable a souligné que sa production moyenne, qui n’était déjà, en février dernier, que de 215.359 m3/j, risque de baisser désormais à 145.000 m3/j. Finie donc l’époque, qui remonte à l’année dernière, où 450.000 m3 sont quotidiennement pompés de ce barrage.
“Le barrage de Taksebt, d’une capacité de 181 millions de m3, ne compte aujourd’hui dans sa cuvette que 31 à 32 millions de m3, soit un taux de remplissage de 27% seulement”, a-t-il expliqué, soulignant que même avec ces 145.000 m3/j, il n’offre une autonomie que jusqu’à fin juillet prochain.
“Prolonger la longévité du stock disponible appelle à des restrictions”, a-t-il soutenu.
À moins, a-t-il souhaité, que le printemps, ou du moins ce qu’il en reste, ne soit pas aussi sec que l’hiver passé.
Selon ce même responsable, la même restriction sera également appliquée aux 300.000 habitants des 14 communes du sud de la wilaya qui sont alimentées depuis le barrage de Koudiat Acerdoune, à Bouira.
“Le barrage de Koudiat Acerdoune n’emmagasine que 37 millions de m3, et son volume exploitable, qui peut donc être puisé, n’est que de 14 millions de m3, ce qui peut amener à des restrictions, à moins d’installer une barge flottante qui permettra de tirer encore 16 autres millions de m3”, a-t-il encore expliqué.
S’agissant des 23 autres communes du sud-est de la wilaya qui ne sont raccordées à aucun transfert et dont l’alimentation se fait à partir des sources et des forages qui leur assuraient 34.500 m3/j, leur alimentation continuera, selon les explications fournies durant cette rencontre, à dépendre de la disponibilité de la nature.
En tout cas, ce qui est déjà évident aux yeux du directeur des ressources en eau dans la wilaya est la disparition totale de l’alimentation 24h/24. Cette dernière ne concerne à vrai dire, selon M. Djouder, que trois communes de la wilaya, à savoir Tizi Rached, Draâ Ben Khedda et Aït Oumalou. Mais, prévient-il, cela impactera aussi les communes jusque-là alimentées un jour sur deux et un jour sur trois.
À ce titre, la directrice de l’Algérienne des eaux, qui intervenait à la même occasion, a précisé que dans le cas où le scénario de la réduction de la production du barrage de Taksebt à 145.000 m3/j venait à se reproduire, il n’y aurait plus que 6% de la population qui serait alimentée de façon quotidienne même si ce n’est pas 24h/24.
“18% de la population sera alimentée un jour sur deux et 76%, soit la grande majorité, ne sera alimentée qu’un jour sur trois et plus”, a-t-elle détaillé, non sans souligner qu’avec les 160.000 m3/j produits actuellement à partir du barrage de Taksebt, 17% de la population est alimentée 24h/24 et 25% un jour sur deux et 33% un jour sur trois et plus.
Selon la même responsable, ces restrictions à 145.000 m3 pour le barrage de Taksebt et 50.000 m3/j pour Koudiat Acerdoune allaient déjà être appliquées le 1er avril dernier, mais elles ont été reportées par le wali pour permettre de sensibiliser et d’impliquer les responsables locaux dans les daïras et les communes.
Lors de son intervention, le wali, qui a rappelé que “cette année est difficile avec le problème de la faiblesse de la pluviométrie”, a appelé à “se préparer au pire”. À ce titre, il a invité les responsables du secteur à notifier rapidement le programme de restrictions aux autorités locales. Il a également annoncé que des mesures de lutte contre le gaspillage de l’eau seront annoncées dans les prochains jours.
Sur cette question, le directeur des ressources en eau a recommandé l’interdiction, en premier lieu, du lavage de voitures et des trottoirs, ainsi que l’irrigation à l’eau potable et les piquages illicites.
Pour dédramatiser la situation qui se profile à l’horizon, le directeur des ressources en eau a rappelé que plusieurs mesures sont déjà prises pour y faire face. Sur ce registre, l’orateur a rappelé que le projet de transfert de l’eau de l’oued Sébaou vers la cuvette du barrage de Taksebt sera opérationnel dès la semaine prochaine. Il permettra, a-t-il détaillé, dans sa première phase, de transférer 40.000 m3 jour via une conduite déjà réalisée et encore davantage dans ses deuxième et troisième phases qui prévoient encore d’autres conduites à réaliser.
La station de dessalement d’eau de mer de Tigzirt, qui vient d’être rénovée, sera également mise en service à la fin de ce mois d’avril.
Il faut ajouter à cela la mise en service prochaine de trois forages réalisés par l’ANBT et la réhabilitation et l’aménagement en cours de 22 sources.
“Au total, la wilaya compte 1.336 sources qui totalisent une production de 16 millions de m3, dont 121 sources importantes, et donc d’un apport considérable pour les habitants comme à Mechtras avec Tala Ouguellid et d’autres encore”, a-t-il expliqué, assurant que le cahier des charges pour la réhabilitation de 228 autres sources est également prêt.
S’agissant, en revanche, de la lutte contre les fuites qui génèrent d’énormes pertes sur les réseaux de distribution, la directrice de l’ADE a déploré que l’enveloppe de 210 millions allouée depuis août dernier pour prendre en charge ce volet n’est toujours pas reçue.
“Elle aurait permis d’empêcher la perte de plusieurs milliers de m3 par jour”, a-t-elle affirmé, citant, en exemple, deux réseaux qui, une fois réparés, permettraient de récupérer 2.100 m3/j pour l’un et 4.500 m3/j pour l’autre.
C’est dire que la population n’est pas pénalisée par le seul caprice de la nature, mais aussi par les négligences des pouvoirs publics.
Photo: © Archives/Liberté
Samir LESLOUS
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Posté Le : 06/04/2021
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Samir LESLOUS
Source : liberte-algerie.com du mardi 6 avril 2021