L’Algérie a fêté la date historique du 1er Novembre 1954, date du déclenchement de la guerre de libération nationale pour la reconquête de l’indépendance du pays. Pour ce faire, des hommes dignes, attachés à leur patrie et ses valeurs, à leur peuple soumis à la pire des injustices, sur sa propre terre colonisée, se sont dressés comme un seul homme pour dire «non, on veut vivre en hommes libres sur la terre de nos ancêtres, on veut la justice, on veut un avenir pour nos enfants et les générations futures, on veut notre indépendance du joug de l’imposture coloniale…».
Faire sortir la France coloniale de la terre d’Algérie n’a pas été une mince affaire. C’est au prix de sacrifices, de terribles souffrances et de la mobilisation des patriotes de ce grand pays dont nous sommes aujourd’hui fiers, que l’Algérie a pu recouvrer sa liberté. Parmi les hommes dignes de ce pays, figurent des footballeurs professionnels, qui se sont joints à cette noble cause nationale, en répondant présent à l’appel solennel du Front de libération nationale, afin que toutes les forces vives d’Algérie se mobilisent pour libérer notre patrie.
En 1957, le FLN décide de mettre en place une équipe nationale
A l'automne 1957, après la bataille d'Alger, les dirigeants du FLN décident de mettre en place une équipe nationale algérienne de football, afin de médiatiser la lutte de libération nationale dans le monde. Ils ont compris que le sport pouvait être exploité pour contribuer lui aussi à jouer un rôle dans le cadre de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, notamment via le football, considéré comme un phénomène social, qui est le sport le plus populaire au monde et par conséquent mobilisateur des masses.
Cette idée des plus intelligentes était judicieuse à plus d’un titre, du fait notamment que de nombreux joueurs algériens considérés comme de purs talents, évoluaient à cette époque-là dans de grands clubs en France et que cela allait servir à aider à la médiatisation de la guerre d’Algérie dans le monde mais aussi en France.
Il était clair dans l’esprit des géniteurs de cette décision de bâtir une équipe nationale algérienne de football sous l’égide du Front de libération nationale, que cette idée géniale allait avoir des répercussions et un grand écho auprès de l’opinion publique française et sur le peuple algérien évidemment.
Ainsi, les joueurs professionnels algériens évoluant en France ont été sommés de déserter leurs clubs respectifs pour rejoindre le FLN et participer ainsi en tant que footballeurs à la lutte de libération nationale, comme préconisé par les dirigeants du front.
Le communiqué du FLN du 15 avril 1958 explique l'importance de la mise en place d’une équipe nationale digne de ce nom et performante sur le plan international pour l'émergence d'une «identité nationale algérienne». Il qualifie les joueurs qui la constitueront de patriotes prêts à tout sacrifier pour l'indépendance de leur pays et les présente comme un exemple de bravoure pour la jeunesse et tout le peuple algériens.
Mohamed Boumezrag et Mohamed Allam, fondateurs de l’équipe du FLN
Les dirigeants du FLN confient la tâche de sélectionner les joueurs à Mohamed Boumezrag, à cette époque-là, directeur de la sous-division régionale algérienne de la Fédération française de football (FFF), en coordination avec Mohamed Allam qui a chapeauté l’opération en tant que représentant politique du FLN. Sellami Zamri, qui a joué le rôle de garde matériel, a œuvré avec ce duo à la création de l’équipe FLN de football. Les trois hommes sont chargés de préparer et de garder secret le projet de constitution de l’équipe du FLN.
Investi de cette importante mission et pour des raisons de sécurité, Mohamed Boumezrag rend en personne visite à chaque joueur pro algérien retenu dans l'équipe du FLN. Il leur fait part de sa mission et de ce qui est attendu d’eux. De nombreux joueurs ont répondu à l’appel de la patrie sans hésitation aucune. Tout devait se faire dans un secret total et en toute discrétion pour organiser le départ des footballeurs algériens appelés à rejoindre le FLN pour former l’équipe nationale d’Algérie, au moment où la Révolution battait son plein.
C’est ainsi que le plan mis en place a bien fonctionné. En France, la disparition simultanée et massive des joueurs algériens ne passe pas inaperçue. Surtout que l’équipe de France se prépare à la Coupe du monde 1958 qui doit se dérouler en Suède quelques semaines plus tard, sachant qu’elle compte au sein de son effectif deux joueurs de grand talent, très admirés dans le championnat français. Nous avons cités Mustapha Zitouni et Rachid Mekhloufi.
La presse française, surprise par la disparition des footballeurs algériens, titre en grosses manchettes sur la fuite des joueurs algériens.
Les dirigeants du FLN qui ont eu cette idée géniale et Mohamed Boumezrag lui-même, un ancien footballeur (Bordeaux, Le Mans), qui a organisé la fuite des joueurs, et fondé l’équipe du FLN ont bien réussi leur coup, notamment sur le plan médiatique pour défendre la cause de l’Indépendance.
L'équipe est fondée le 13 avril 1958. Son rôle est avant tout psychologique pour montrer aux Français de la métropole que même des footballeurs professionnels algériens s'impliquent dans cette cause, quitte à renoncer à leur avantageux statut.
Et malgré l’obtention par les autorités françaises de la non-reconnaissance de l’équipe du FLN par la FIFA, elles ne l’empêcheront pas de sillonner de nombreux pays à travers le monde, particulièrement en Afrique, en ex-Europe de l’Est et en Asie pour faire entendre la voix du peuple et de la Révolution algérienne. Le FLN réalise une tournée mondiale avec l’organisation de pas moins de 80 rencontres. Ces matchs font connaître à travers le monde la cause algérienne et sa guerre d'indépendance.
«Nous étions de vrais militants, nous étions des révolutionnaires, c’étaient nos plus belles années», confie Mohamed Maouche, l’une des figures marquantes de l’équipe du FLN et l’un de ses membres les plus actifs.
32 patriotes au rendez-vous de l’histoire
Plusieurs joueurs d'origine algérienne ont porté avec succès le maillot de l'équipe de France de football, comme Abdelaziz Ben Tifour et Mustapha Zitouni, mais n’ont pas hésité une seconde à tout laisser tomber pour l’Algérie. Ils n’ont pas manqué cet important rendez-vous avec l’histoire et c’est bien pour cela que nous tenons en cette occasion du 58e anniversaire du déclenchement de la lutte de libération nationale à leur rendre un vibrant hommage à travers cet article consacré en la circonstance à cette belle page inscrite en lettres d’or dans l’histoire de l’Algérie indépendante par les footballeurs professionnels de l’époque.
Parmi les footballeurs les plus talentueux qui ont joué au sein de l’équipe du FLN, on peut citer les gardiens de but Abderrahmane Boubekeur (AS Monaco) et Abderrahmane Ibrir (ex-Olympique de Marseille), le défenseur Mustapha Zitouni (AS Monaco), et les attaquants Abdelaziz Ben Tifour (AS Monaco), Saïd Brahimi (FC Toulouse), Abdelhamid Kermali (Olympique lyonnais), Mohamed Maouche (Stade de Reims), Rachid Mekhloufi (AS Saint-Étienne) et Ahmed Oudjani (RC Lens, avec Ibrir et Maouche en 1960). Cinq d'entre eux ont également été internationaux pour la France, à savoir Ibrir, Zitouni, Ben Tifour, Brahimi et Mekhloufi.
Au printemps 1958, tout est OK pour les débuts de l'équipe et sa présentation au public, y compris la manière dont les joueurs allaient s'enfuir à Tunis. Le choix de Tunis s'explique d'une part par l’accord donné par le président tunisien Habib Bourguiba, qui vante la fraternité panarabe, et d'autre part par sa proximité avec l'Algérie.
C’est le 8 avril 1958 que Mohamed Boumezrag annonce aux joueurs leur départ vers Tunis, où siège le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) où ils seront présentés au public.
C’est dans la capitale tunisienne que l'équipe commence à s'entraîner sous la houlette de Mohamed Boumezrag, aidé de Arribi, et plus tard de Abdelaziz Ben Tifour.
Les 13 et 14 avril 1958, douze footballeurs algériens désertent leurs clubs en France. Le lieu de rencontre convenu avec Mohamed Boumezrag est Rome. Un groupe de joueurs prend le train, l'autre groupe traverse la Suisse en voiture. Cependant, Hassen Chabri et Mohamed Maouche ont des difficultés à passer les frontières françaises, à cause des garde-frontières qui les guettent après avoir pris connaissance du projet de mise sur pied de l’équipe nationale d’Algérie. Mais ils feront par la suite le nécessaire pour rejoindre leurs compatriotes.
Tunis les accueille chaleureusement
Les joueurs qui arrivent à temps à Tunis trouvent Ferhat Abbas, figure de la Révolution algérienne, et le président tunisien de l'époque, Habib Bourguiba à l’accueil avant d'être présentés à la presse.
La couverture médiatique de l'événement est réussie, comme le prévoyait le FLN. L'Équipe titre ce jour-là «Neuf footballeurs algériens portés disparus», France Football aborde le sujet quatre jours plus tard avec quatre pages sur l'événement.
Ils étaient en fait 32 joueurs à répondre à l’appel du cœur: Boumezrag, Boubekeur, Hammadi, Zitouni, Bekhloufi, Arribi, Rouaï, Mekhloufi, Ben Tifour, Kermali, Brahimi, Bouchouk, Doudou, Zouba, M. Soukhane, Defnoun, Maouche, A.Soukhane, Oudjani, Amara, A. Ibrir, Bouchache, Settati, S. Ibrir, Haddad, Benfadah, Bourtal, Chabri, Brahimi, A. Oualikène, Mazouz, Bourricha et Kerroum.
Ils ont constitué la glorieuse équipe du FLN. Celle-ci dispute durant ses quatre années d'existence, plusieurs matches, en Tunisie, Maroc, Bulgarie, Pologne, ex-Union soviétique, Roumanie, Hongrie, Tchécoslovaquie, République populaire de Chine, Vietnam, Yougoslavie.
Elle a été admirable dans ses différentes sorties à travers son football alerte, plaisant, fait d’engagement et de haute technicité. Aussi, le FLN a toujours insisté pour que les hymnes nationaux de chaque pays soient joués avant chaque match.
« L’équipe du FLN a écrit de belles pages de l’Histoire de l’Algérie, et elle a joué un très grand rôle dans la médiatisation de la Révolution. Elle a réussi à représenter dignement notre pays à travers le monde », affirme l’ex-star du football national, Rachid Mekhloufi.
Pour Mohamed Maouche, l’équipe du FLN «a réussi à porter haut l’image de l’Algérie combattante à travers le monde». L’ancien joueur du Stade de Reims estime qu’elle a réussi à «donner un impact politique à la Révolution.
Il y avait 32 joueurs qui étaient tous au service de la Révolution. Nous avons pu lui donner un impact politique, et c’était déjà important pour nous», qualifiant d’«aventure humaine extraordinaire et inoubliable» les années qui ont vu l’équipe du FLN se produire.
Parmi tout ce beau monde certains sont toujours parmi nous, d’autres nous ont quittés. Ils demeureront dans nos cœurs et dans la mémoire collective, qui continuera à raconter aux générations actuelles et futures le courage de ces hommes, qui ont bravé tous les dangers et qui ne se sont pas débinés lorsque l’Algérie a eu besoin d’eux.
Figure de la Révolution algérienne, Ferhat Abbas a dit un jour cette phrase à l’adresse de l’équipe du FLN: «Vous venez de faire gagner dix ans à la cause algérienne».
Aux enfants d’Algérie hommes et femmes de poursuivre le chemin de la construction, nos vaillants martyrs doivent pouvoir se poser en paix, pour avoir payé de leur sang la liberté de ce merveilleux pays… l’Algérie.
Le 1er Novembre est là pour nous le rappeler à tous.
Mohamed-Amine Azzouz
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Posté Le : 18/03/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: rue89.com ; texte: Mohamed-Amine Azzouz
Source : elmoudjahid.com . PUBLIE LE : 03-11-2012