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Algérie - LA CATASTROPHE DES FEUX OBLIGE À REVOIR LE RAPPORT DE L’HOMME À LA NATURE: L’urgence écologique



Algérie - LA CATASTROPHE DES FEUX OBLIGE À REVOIR LE RAPPORT DE L’HOMME À LA NATURE: L’urgence écologique


Les gigantesques feux de forêt qui ont ravagé le nord du pays, en Kabylie particulièrement, posent avec fracas la problématique de notre rapport à la nature. Ils remettent au cœur des préoccupations l’urgence environnementale et la nécessité de préserver la biodiversité.

Les feux de forêt dévastateurs qui ont frappé le pays cet été, en Kabylie particulièrement, nous interpellent plus que jamais. Les pertes humaines et les dégâts autant forestiers que matériels sont sans appel. Pas moins de 89.000 ha de couvert végétal sont partis en fumée à travers le territoire national, détruisant, par ailleurs, les richesses animales, par milliers, alors que les pertes humaines choquent littéralement par leur nombre élevé. Près de 100 personnes — le plus lourd bilan humain dans l’histoire des feux de forêt en Algérie — ont péri dans les derniers incendies.

Dans cette calamité, la responsabilité de l’homme, directe ou indirecte, est établie. Les experts sont unanimes. Seulement 10% des feux de forêt, voire moins, sont d’origine naturelle. C’est dire à quel point la main de l’homme y est totalement engagée. La tragédie qui a frappé notre pays ce mois d’août révèle, à travers ce drame, tout notre rapport à l’environnement. Elle pose avec fracas la problématique de notre rapport à la nature.

Dans ce lien, l’homme, qui n’en est pourtant qu’un élément, joue le rôle de l’agresseur. Il viole, dégrade, pollue et transforme à sa guise, son environnement, se souciant très peu de l’impact néfaste qu’il génère sur la biodiversité et sur son propre habitat. Consciemment ou pas, il hypothèque ainsi l’avenir des futures générations. Dans le cas des derniers incendies, des experts relèvent que la pollution en tout genre, produite par des citoyens imprudents et accumulée depuis des années en pleine nature, si elle n’est pas directement responsable des feux de forêt, a contribué largement à leur propagation en formant une combustion idéale pour les brasiers.

“Le plastique, les bouteilles en verre, le papier ont un impact certain, en favorisant la combustion et la propagation rapides des flammes”, assure, à ce propos, Abdelaziz Mahdi, chef de secteur de Tala Guilef du parc national du Djurdjura qui s’insurge, par ailleurs, contre l’insouciance et l’irresponsabilité du citoyen pollueur.

“Il n’y a pas un jour sans que nous alertions sur l’ampleur de ces dégâts. Des milliers de bouteilles sont éparpillées aujourd’hui dans la nature. Des tonnes de déchets, en plastique et en papier, jonchent le bas-côté des routes de montagnes et des hautes collines. Tout cela contribue largement à la propagation rapide des feux dans les massifs forestiers”, dit-t-il.

Pour mesurer l’étendue de cette pollution, Abdelaziz Mahdi affirme qu’“une opération de nettoyage, lancée tout récemment dans la Parc national du Djurdjura, a permis le ramassage de plus de 70 tonnes de déchets en une seule journée”. Il précise que “80% des déchets sont constitués de bouteilles d’alcool”. Une véritable profanation de la nature.

L’autre phénomène qui ne manque pas de gravité est lié, selon notre interlocuteur, à l’insouciance des touristes et randonneurs imprudents qui défigurent littéralement le milieu naturel.

“La randonnée est aujourd’hui un véritable phénomène de société. Aller à la recherche de l’air pur et se ressourcer en pleine nature, c’est bien. Ce qui est en revanche déplorable c’est le fait de ne pas préserver le milieu naturel. Les barbecues qui se multiplient ici et là sont devenus un véritable danger. Je peux vous assurer qu’ils sont derrière le départ de plusieurs feux de forêt”, témoigne-t-il, en désignant, cette fois, les campeurs qui mettent en danger autant la faune que la flore.

“Il y a un mois à peine, il nous a fallu faire appel à l’armée et à la gendarmerie pour faire décamper plusieurs groupes de personnes qui avaient élu domicile en pleine forêt dans une zone protégée”, regrette-t-il.

Les facteurs aggravants des feux de forêt ne se limitent pas uniquement à ces aspects. L’abandon de l’agriculture vivrière et la perte des savoirs ancestraux, en Kabylie notamment, ont également contribué à la multiplication des incendies.

“Dans le contexte des grands incendies et surtout des pertes humaines et des dégâts matériels, le rôle de l’abandon des terres est bien établi. Ce phénomène est flagrant en Kabylie, le déplacement des populations vers les centres urbains, le morcellement des parcelles agricoles qui les a rendues peu rentables, l’accroissement linéaire le long des routes des zones bâties en milieu rural constituent des facteurs d’aggravation des incendies”, affirme Menad Beddek, docteur en biodiversité et écologie, en appelant par ailleurs, à reconcevoir totalement notre rapport à la nature.

“La conservation de la biodiversité en Algérie n’a pas la place qu’elle mérite. J’attire l’attention des universitaires et des pouvoirs publics sur l’impérieux besoin de produire les connaissances de base sur la flore et la faune de l’Algérie. Nous avons un retard considérable, il est temps de former des naturalistes et de les charger de dresser l’inventaire le plus complet de la biodiversité. Il faudrait faire le point sur ce que nous connaissons et ce que nous devons connaître en priorité”, soutient-il.



Photo: © D.R

Karim Benamar


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