Région fertile, la plaine du Cheliff connait un bouleversement du milieu naturel. En cause, l’utilisation abusive de produits chimiques et d’insecticides.
Le phénomène est inédit. Des corbeaux ont attaqué un champ de melons, durant l’été, près de Aïn-Defla, dans la plaine du Cheliff. Durant la même période, les fourmis dévastaient des plantations vulnérables, notamment des tomates et des abricots, malgré l’utilisation abondante d’insecticides. Chez les particuliers, les grappes de raisin non couvertes sont systématiquement la proie d’abeilles et de guêpes, qui prolifèrent dans la région, et qui finissent par altérer la récolte.
Ce comportement inhabituel de certains animaux, oiseaux et insectes, s’est répandu dans la plaine du Chéliff depuis de nombreuses années. Un fellah raconte ainsi que les escargots ont détruit un champ de pomme de terre. Il montre des photos d’escargots enroulés, par dizaines, comme des grappes, autour des branches d’arbres, loin de leur habitat naturel.
Ahmed Mokabli, doyen de la faculté des sciences de la nature et de la terre au centre universitaire de Khemis-Miliana, chef de projet étude des communautés animales dans le Haut Cheliff, attribue ces comportements à l’accumulation d’une série de facteurs, dont la dégradation du milieu naturel et l’utilisation «abusive et irraisonnée» de produits chimiques et d’insecticides. Il cite, à titre d’exemple, le comportement des corbeaux, dont le melon ne fait pas partie de l’alimentation traditionnelle. Mais le milieu naturel de ces animaux a été bouleversé, avec la disparition de leur propre système alimentaire, ce qui les pousse à chercher de nouvelles sources d’alimentation, dit-il.
Déséquilibre du milieu naturel
L’utilisation abondante de produits chimiques a, de son côté, eu un double effet. Elle a donné naissance à des espèces d’insectes «virulentes», qui ont développé une résistance aux produits traditionnels. En outre, les produits chimiques tuent la coccinelle, qui est elle-même un prédateur se nourrissant de pucerons. Le résultat est visible: toutes les plantations de pomme de terre, vigne, tomate, etc. sont infestées de pucerons, qui prolifèrent après la disparition de son prédateur, la coccinelle. C’est alors un cercle vicieux qui s’installe: les fellahs sont contraints d’utiliser encore plus de produits chimiques, ce qui provoque un déséquilibre encore plus grand dans le milieu naturel. En cet automne 2013, le puceron, dont la prolifération est favorisée par la chaleur exceptionnelle, est devenu un immense fléau.
Un autre exemple est offert par les fourmis, qui constituent un phénomène exceptionnel. Un fellah affirme qu’il utilise plus de cinquante kilos de produits chimiques par hectare, trois à quatre fois par récolte, juste pour combattre les fourmis. Le sol en est sérieusement infecté, sans arriver à un résultat probant: «j’ai vu des nuées de fourmis traverser sans dommage un sol parsemé de produits chimiques», affirme ce fellah, qui met en cause la qualité du produit.
Utilisation anarchique
Les produits chimiques sont précisément mis à l’index en raison de leur utilisation abondante et anarchique, selon la formule de M. Ahmed Mokabli. Le commerce de ces produits s’est largement répandu. Les commerçants vendent à crédit, poussant à une consommation qui dépasse largement les normes, selon un ingénieur agronome. Redoutant notamment le mildiou et ses effets dévastateurs, les fellahs n’hésitent pas à recourir aux pesticides une fois par semaine, là où il faudrait espacer d’au moins deux semaines.
En outre, les fellahs ne savent pas que le mildiou ne prolifère qu’à certaines températures. Cette année, avec le maintien de températures élevées jusqu’à fin octobre, le mildiou ne pouvait se répandre. Mais il est difficile d’expliquer cette vérité scientifique à un fellah qui affirme avoir vu un champ de vigne décimé par le mildiou en plein mois de juin.
Photo: Les fellah ne semblent pas conscients des dangers de l'utilisation massive des pesticides (DR)
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Posté Le : 04/11/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: Maghreb Emergent; texte: Abed Charef du lundi 4 novembre 2013
Source : maghrebemergent.com/actualite