Alors que la race ovine, Sardi, importée, gagne du terrain en Algérie, les spécialistes en santé animale tirent la sonnette d’alarme sur une éventuelle absorption génétique de la race Ouled Djellal, la race dominant le cheptel ovin en Algérie en raison des croisements non-contrôlés des brebis de Ouled Djellal avec le Sardi. Un texte de loi protégeant la race Ouled Djellal est de plus en plus nécessaire.
Ajournée depuis 20 ans, la relance du projet de la création d’une banque algérienne des gènes des espèces animales a été remis en surface. Un travail colossal mais édifiant pour les générations futures.
«Cela relève de la souveraineté du pays et de la sécurité alimentaire des Algériens», soulignent les spécialistes en santé animale.
C’est l’ex-ministre Abdelhamid Hemdani qui avait annoncé la relance de cette structure sur les ondes de la radio nationale. Pour ce faire, M. Hemdani avait annoncé deux grands chantiers permettant à cette structure de la préservation des races animalières algériennes de voir le jour: des travaux de recherche pour la récupération de ces gènes (un dossier qui est actuellement entre les mains des experts des centres de recherche et instituts techniques du secteur de l’agriculture), et la modernisation du secteur à travers la restructuration des centres de recherche agricole.
Si une telle information a été accueillie favorablement par les spécialistes dans ce domaine, les vétérinaires, en l’occurrence, ne cessent de souligner le caractère urgent de l’entrée en vigueur du travail de cette banque de gènes afin de préserver un patrimoine animalier en péril.
Salim Kebab, médecin vétérinaire, ne cesse d’insister sur les trois dimensions que revêt cette banque des gènes: par la relance de cette institution, l’Algérie aura à assurer la sécurité alimentaire en développant ces propres espèces animales. Des espèces, selon lui, qui auront plus de chance de s’adapter au climat algérien, notamment la steppe. Un autre volet, et qui n’est pas des moindres, est d’ordre culturel.
Avoir ces propres espèces permet de développer ses propres saveurs, voire, marques en matière de la qualité de viande et tous les dérivés de cette filière. L’autre dimension relève surtout de la souveraineté du pays qui doit impérativement récupérer et préserver ces propres espèces.
«Un grand danger menace actuellement notre patrimoine génétique, notamment l’espèce ovine qui est le premier capital du pays en termes de ressources animales: c’est le lessivage génétique», met-il en garde.
Dr Kebab attire l’attention sur un phénomène qui se produit actuellement en Algérie, à savoir la présence de la race ovine «le Sardi», une race reconnue comme étant marocaine. Cette espèce, souligne ce vétérinaire, a envahi le marché des bestiaux en Algérie et ce phénomène perdure depuis plusieurs années.
«Tous nos concitoyens ont dû remarquer ces 5 dernières années qu’au niveau des marchés à bestiaux, un grand effectif de moutons de notre cheptel porte des tâches de couleur noire au niveau de la tête et des pattes», fait remarquer Dr Kebab, précisant que «cette auréole noire que porte phénotypiquement nos moutons n’est génétiquement pas issue de nos races».
D’où vient cette race qui ne cesse de prendre place parmi notre cheptel?
«Elle serait issue de la principale race du pays voisin, le Sardi en l’occurrence, qui est introduit probablement de façon frauduleuse par les frontières», répond ce vétérinaire qui tire la sonnette d’alarme sur les conséquences de ce phénomène sur la race Ouled Djellal via des croisements non contrôlés.
Le Sardi gagne du terrain en Algérie et cette race «fait des ravages au sein de notre cheptel via des croisements non contrôlés, notamment avec la brebis de la race Ouled Djellal, ce qui aboutira fatalement à une absorption génétique de cette dernière qui va s’accentuer les années à venir si rien n’est fait pour arrêter ce lessivage génétique», déplore ce spécialiste en santé animale.
Faut-il rappeler que le Sardi demeure une race protégée dans son pays d’origine par décret afin d’éviter les croisements non contrôlés, voire le lessivage de cette race. Notre interlocuteur reconnaît que le Sardi a certes des atouts, notamment en matière de Gabarit, mais elle ne peut en aucun cas égaler la race Ouled Djellal en termes de qualité de la viande, les résistances aux maladies et l’adaptation au parcours steppique.
Dr Kebab lance un appel aux autorités compétentes afin de promulguer un décret qui permettra de sauver la race Ouled Djellal des croisements non contrôlés.
Il appelle par la même à la sensibilisation des éleveurs qui sont à l’origine de l’introduction de ces moutons (le Sardi) pour des croisements au vu de leur gabarit à des fins purement économiques. Cela se fait dans la majorité des cas d’une manière inconsciente des risques qui pèsent sur nos espèces mais ces éleveurs, estime Dr Kebab, «sont en train de participer à l’absorption génétique du patrimoine légué par leurs aïeux».
Ce vétérinaire insiste sur le caractère urgent de ce phénomène qui risque de faire disparaître la race Ouled Djellal. Selon lui, la responsabilité n’incombe pas uniquement au ministère de l’Agriculture, elle est plutôt d’ordre multisectoriel. Ce phénomène de l’absorption génétique de nos ressources génétiques par celles des pays voisin, «doit être prise très au sérieux par les hautes autorités du pays», suggère Dr Kebab.
Et d’ajouter: «Déjà qu’on risque de perdre à jamais la race berbère et la race tazegzawth et que la race D’men a été spoliée par nos voisins, le tour est maintenant pour la Oueld Djellal qui suit un véritable lessivage.»
Pour sa part, l’ex-ministre Abdelhamid Hemdani, a estimé qu’«il est inadmissible pour un pays comme l’Algérie de continuer à fonctionner ainsi et mettre en péril son patrimoine animalier dont les souches et les races très demandées sont en déperdition totale».
Photo: B. SOUHIL
Djedjiga Rahmani
drahmani@elwatan.com
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Posté Le : 28/11/2021
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Djedjiga Rahmani
Source : elwatan.com du jeudi 25 novembre 2021