L’Algérie, qui revendique une population évaluée à 37,1 millions d’individus, au 1er janvier 2012(1), donc autant de bouches à nourrir, est malheureusement à la traîne par rapport aux autres nations, quant à la mise sur pied d’un observatoire de veille, qu’on surnommera «Observatoire national algérien de la sécurité alimentaire (Onasa)».
Cette perspective a bien été évoquée par l’Algérie, lors du séminaire euro-méditerranéen des 5 5, consacré à la sécurité alimentaire et qui a regroupé les 6 et 7 février dernier, à l’Inraa d’El Harrach, (Alger), des experts de haut niveau des deux rives de la Méditerranée(2 et 3). Cependant, l’idée d’une telle création, certes louable à plus d’un titre, initiative acceptée du reste à l’unanimité par les participants, englobera plus particulièrement les pays du pourtour méditerranéen dans leur ensemble, plutôt qu’un choix souverain d’un observatoire spécifiquement national, qui se penchera sérieusement sur les problèmes alimentaires intra-muros, dont sont confrontés pathétiquement nos concitoyens. Cette agence autonome sera chargée de veiller scrupuleusement à toute éventuelle crise alimentaire et nutritionnelle qui pourrait affecter notre pays et toucher de plein fouet la population.
Une telle approche réfléchie permet également d’avoir un aperçu continu sur l’évolution du paysage de la sécurité alimentaire et de recommander, en temps voulu, les corrections nécessaires qui s’imposent. Chaque initiative sera considérée dans un contexte global, en vue d’adaptation à court et à long terme. Un système de vigilance performant à la hauteur de nos espérances qui doit disposer naturellement de tous les moyens humains et techniques adaptés à de tels enjeux, ainsi que les équipements appropriés, conformes à la noble mission qui lui sera dévolue.
L’observatoire aura également, comme prérogatives secondaires et non des moindres si sa création deviendrait effective, de faire respecter sur le terrain, la conformité essentielle et nécessaire des produits alimentaires mis en vente sur le marché national, fabriqués localement ou importés de par le monde. Il doit s’intéresser de plus près à ce dossier crucial, où une anarchie totale et entière est perceptible à vue d’œil, au grand dam des consommateurs, qui ne savent plus à quel saint se vouer.
Par conséquent, l’Etat, qui n’a jamais affiché la moindre impéritie face à des situations extrêmes et à qui incombe la charge exclusive et effective de la couverture sociale et sanitaire de la population, se doit de protéger celle-ci, contre ce mal collatéral chronique, qui perdure dans le temps et dans l’espace. Parallèlement à ce qui précède, il se penchera sérieusement sur le problème exécrable et récurrent des intoxications alimentaires et autres maladies graves en relation avec les produits consommés : cancer, diabète, maladies cardio-vasculaires, etc.
De rechercher les causes et naturellement les auteurs d’un tel forfait délétère, volontaire ou pas. Une façon toute indiquée de prévenir de tels effets néfastes à l’avenir, qui faisandent les produits comestibles et d’annihiler cette forme perverse d’empoisonnement, qui influe négativement sur la santé du citoyen et par extension sur le Trésor public, qui comme chacun le sait, débourse chaque année, que Dieu fait, des sommes faramineuses en soins médicaux. Il faut savoir que le traitement d’une intoxication banale coûte à l’Etat autour des 3.000 DA. Ce chiffre sera revu à la hausse au cas où des soins intensifs seront prodigués à l’infortuné intoxiqué, qui a eu le malheur d’ingurgiter un produit alimentaire dénaturé.
Les frais d’hospitalisation se chiffreront au bas mot, entre 20.000 et 30.000 DA par jour.(4)Il se doit d’encadrer, valoriser, sensibiliser et également contrôler les opérateurs qui activent dans ce créneau majeur et décisif, en dépoussiérant le tapis de toutes les brebis galeuses qui l’encombrent honteusement. Pour cela un fichier détaillé sera automatiquement établi, actualisé, quand il le faut, afin de répertorier tous ces tricheurs impénitents qui se sont introduits malencontreusement dans cette industrie porteuse, aux fins de briser sa dynamique, tout en se remplissant les poches à moindre frais.
Un tel organisme, que l’on peut d’ores et déjà qualifier comme hautement stratégique, du fait qu’il sera le gendarme tout désigné en charge de maintenir en l’état l’assurance alimentaire. La paix et la stabilité, sociale et politique d’un pays dépendent en grande partie de celles-ci, et les décideurs le savent pertinemment ! L’augmentation des prix des denrées alimentaires de première nécessité, sinon leur indisponibilité chronique sur le marché, ont servi souvent comme effet déclencheur de la plupart des tensions sociales recensées à travers le monde, appelées communément: «Les émeutes de la faim! »(5)
Les prérogatives de l’Onasa
L’Observatoire sera chargé de veiller sur la sécurité alimentaire, sous toutes ses formes, et il aura toute la latitude de prendre les décisions qui s’imposent, en étroite intelligence avec les hautes autorités du pays, dans le cas d’un péril alimentaire imminent, majeur ou pas, menaçant la population dans son ensemble ou une partie de celle-ci, même dans des proportions raisonnables: crise nutritive cyclique, ruptures de stock, pénuries récurrentes, invasions des acridiens ravageurs (criquets ou sauterelles) menaçant les récoltes, sécheresse persistante, intoxications, menaces de guerre à nos frontières, catastrophes naturelles, inondations, séisme, feux de forêt dévastateurs, empoisonnements liés à la consommation des aliments, etc.
Il lui incombera le rôle d’établir des prévisions à court et à moyen termes sur les besoins propres du pays, en matière de produits alimentaires de première nécessité et autres. Recueillir des informations plausibles sur nos besoins indispensables et accessoires, tout en ciblant les produits sous tension et ceux dont la consommation est en hausse constante et permanente. Procéder à des enquêtes sur le terrain, ciblant les ménages algériens : sur leur hygiène de vie, ce qu’ils consomment quotidiennement, leurs préférences pour tel produit plutôt qu’un autre, le budget alloué à l’alimentation, s’ils ont eu ou pas par le passé des problèmes liés aux intoxications alimentaires, etc. Inciter les gens à consommer sain et à s’adonner à l’exercice physique. L’évolution dans la consommation alimentaire et la sédentarité peuvent causer de graves dégâts à la santé.
La publicité télévisuelle et dans la presse écrite sera dans ce domaine un apport appréciable à une telle campagne. Citons le cas des Français où le leitmotiv: «Manger, bouger» semble répondre aux vœux tant attendus. S’intéresser de plus près également à toute forme de changement dans le comportement alimentaire de la population. Tenir à jour les statistiques en relation avec la production nationale et les échanges commerciaux avec les autres pays. Veiller à remédier avec célérité à toute rupture de stock, en puisant, s’il le faut, dans les réserves nationales stratégiques, si naturellement celles-ci existent en tant que telles physiquement, sinon il faut impérativement penser à les créer, afin de gérer les situations de crise. D’être à l’écoute des fluctuations des prix sur les marchés internationaux, des produits agricoles et des denrées alimentaires.
L’Observatoire sera amené à détecter les produits qui ne répondent aucunement à une conformité stricte et contraignante en matière de fabrication ou d’importation de l’objet comestible suivant un cahier des charges bien précis, et de signaler aux autorités judiciaires toutes les formes de tromperie sur la composition, la qualité, le poids, l’emballage et l’étiquetage du produit fabriqué ou importé.
Il doit veiller à ce que l’emballage utilisé soit recyclable et non préjudiciable à la santé du citoyen. Certaines boîtes métalliques sont corrosives, hautement toxiques et présentent un danger réel pour le consommateur, lorsque le produit comestible a été conditionné dans l’un de ces contenants. On retrouve facilement dans les revêtements de boîtes de conserves et des canettes de boisson, le bisphénol A ou BPA, un composant chimique, classé comme produit dangereux pour la santé, interdit dans plusieurs pays(6).
Contrôler en collaboration avec le ministère concerné et les agriculteurs, l’emploi des PCB qui polluent la chaîne alimentaire: pesticides, DDT, fongicides, herbicides, insecticides qui se trouvent comme résidus dans les aliments et les nappes phréatiques. De sanctionner, avec des saisies à la clef, les opérateurs qui utilisent dans la composition «des produits de bouche» fabriqués localement ou importés, des matières nocives, non licites pour un pays musulman (haram), qui contiennent des rajouts de vin, de liqueurs ou de porc, au travers de la gélatine E441. Des produits additionnés à des matières avariées, diminuées ou qui sont complétées à l’aide d’additifs dangereux, non autorisés, et qui n’ont rien à voir avec l’aliment mis sur le marché, pour dérouter le consommateur.
D’actualiser la liste annexée à l’arrêté interministériel du 2 dhou el hidja 1422, correspondant au 14 février 2002,(7) fixant les additifs autorisés dans les denrées alimentaires (Jora n°31 du 22 safar 1423-5, mai 2002). L’arrêté interministériel en question s’était conformé dans ses lignes directrices à la réglementation internationale, régissant les compléments alimentaires entrant dans la composition de l’alimentation humaine et portant les références : «Codex Alimentarius» (STAN 192/1995 Révision 7/2006). Le «Codex Alimentarius» est un programme commun de la FAO/OMS, qui consiste en un recueil de normes alimentaires garantissant la sécurité sanitaire des aliments et auquel adhèrent la plupart des pays de la planète, y compris l’Algérie.
Par contre, la liste propre de ces additifs est plutôt du domaine de la législation européenne. Celle-ci comprend une directive cadre (89/107/CEE) qui couvre les additifs en général et trois directives spécifiques concernant les édulcorants (94/35/CE), les colorants (94/36/CE) et les autres additifs alimentaires (95/2/CE). Une liste qui répertorie les additifs autorisés et leurs conditions d’utilisation. Tous les additifs autorisés doivent également respecter des critères approuvés de pureté établis dans les trois autres directives. En décembre 2008, un nouvel ensemble réglementaire relatif aux agents alimentaires améliorants a été adopté et comprend, entre autres, des règlements sur : les additifs alimentaires (règlement 1333/2008). Une procédure d’autorisation commune pour les additifs, les enzymes et les arômes (règlement 1331/2008). Le règlement sur les additifs alimentaires, entré en vigueur en janvier 2010, consolide toute la législation sur les additifs alimentaires précédemment couverts par des directives distinctes, certaines abrogées, d’autres modifiées.(8)
Donc, un nombre assez important de ces additifs contenus dans cette liste initiale ont été depuis supprimés, sinon formellement interdits dans les aliments en Europe et ailleurs : aspartame E951, glutamate E621, acide benzoïque E210 à E219, sorbate de potassium E202, jaune soleil E110, les sulfites (9) … , alors que dans notre pays, ils sont toujours en usage, comme c’est le cas pour les colorants alimentaires allergisants. L’un d’eux, le E102 «Tartrazine»(10) est un colorant azoïque considéré comme dangereux pour la santé, interdit dans beaucoup de pays, mais pas en Algérie. Pour avoir une idée sur ce cas précis, il suffit tout simplement de se référer à certaines bouteilles de limonade, de jus et de «cherbet», mises à la disposition du consommateur. Depuis 2009, les colorants suivants : E102, E104, E105, E110, E122, E124, E129 doivent être signalés sur l’emballage des produits alimentaires en Europe, avec la mention obligatoire : «Peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention des enfants» (11).
Le président de l’Association des producteurs algériens de boissons (APAB), Ali Hamani, a affirmé à la presse le 11 novembre dernier( 12) :
«Des contrefacteurs interviennent dans la production de jus de fruits et de boissons gazeuses sans aucun respect des normes d’hygiène». «Nombre de faux producteurs ne se gênent pas d’utiliser des additifs, des colorants et autres composants nocifs pour la santé. A titre d’exemple, on évoque l’utilisation du sulfate et de l’aspartame dans la confection de boissons, à défaut de sucre ordinairement utilisé dans la composition de certaines boissons, ou aussi l’utilisation des gaz non alimentaires dans la production des boissons gazeuses». «Du coup, beaucoup de commerçants sont en train de vendre des maladies!», s’inquiète-t-il.
Pour conclure, l’Observatoire se doit de traiter, avec l’intelligence voulue, toutes les informations mises à sa disposition.
Il doit pareillement travailler en parfaite symbiose avec toutes les parties concernées de près ou de loin par la sécurité alimentaire du pays, y compris les services de sécurité. Il doit tenir à jour le fichier des fabricants et des importateurs qui activent dansl’agroalimentaire au niveau national et également celui des étrangers qui inondent le marché de toutes ces denrées d’importation et de sévir, s’il le faut, en cas de dépassement grave. L’affaire du cachir avarié par le clostridium botulinum du 5 juillet 1998, qui avait fait 42 morts, 345 hospitalisations et 1400 victimes dans les wilayas de Sétif, Constantine, Oum El Bouaghi et les villes de Azzaba, El Eulma, etc., est dans toutes les mémoires.(13)
Notes :
(1)– Office national des statistiques.
(2 et 3)– Algérie360.com & djazairess.presse.com
(4)– Programme «spécifique» 2012, de lutte contre les intoxications alimentaires.
(5)– eurosduvillage.eu/Crise-alimentaire-mondiale-émeutes.
(6)–Vulgaris-médical.
(7)–mincommerce.gouv.dz.
(8)– Efsa.europa.eu.fr.
(9)– naturopathie-holistique.fr/liste rouge des additifs alimentaires.
(10)– Wikipédia E102.
(11)– mangersain.médicaliste.org/E102
(12)– City-dz-magazine.
(13)– mincommerce.gov.dz.
Contribution par Abdelkader Maïdi
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Posté Le : 07/10/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Phito: Lyès H. ; texte: Contribution de Abdelkader Maïdi
Source : El Watan.com du samedi 6 octobre 2012