Algérie

Algérie - L'entrepreneur Arezki Addar raconte un «secteur des travaux publics infesté de bricoleurs»



Algérie - L'entrepreneur Arezki Addar raconte un «secteur des travaux publics infesté de bricoleurs»




Créée depuis 1992, l'entreprise Sarbtbh, basée à Staouéli à Alger, se bat dans un marché où la concurrence, parfois déloyale, se fait de plus en plus rude.

Son jeune gérant, Arezki Addar, révèle à Maghreb Emergent quelques exemples de la multitude de contraintes que rencontrent les entreprises algériennes opérant dans le secteur des travaux publics. Un secteur, selon lui, pris en sandwich entre les bureaucrates et les «casseurs de prix».

- Cela fait deux années depuis que vous avez pris les rênes de l'entreprise parentale. Quels sont vos constats sur le marché des BTPH?

La gestion d'une entreprise est une tache des plus difficiles dans notre pays. Il y a énormément d'obstacles qui nous empêchent de nous développer correctement. J'ai constaté durant ces deux années qu'une entreprise ayant une expérience de 20 ans, un parc de matériel qui vaut des milliards, un personnel expérimenté et qui a réalisé beaucoup de projets sur le territoire national, peut se faire doubler par des entrepreneurs qui ne possèdent même pas une brouette! Et qui arrivent, je ne sais comment, à décrocher des marché de plusieurs centaines de millions de dinars.

- Pourriez-vous nous citer des problèmes concrets?

Il y a tout d'abord un grand manque d'information. Parfois ce sont des conditions éliminatoires qu'on ne met pas en évidence dans les cahiers des charges juste pour exclure des concurrents éventuels. J'ai soumissionné une fois à Chlef. Nous avons été éliminés sous prétexte que le devis quantitatif et le bordereau du prix unitaire, n'ont pas été dactylographiés à l'ordinateur alors que d'habitude il nous est fait obligation de remplir le cahier des charges à la main.

Dans d'autre cas, on n'annonce pas clairement la date limite du dépôt des offres. Ils publient deux appels d'offres l'un en arabe et le second en français. On ne sait pas sur la base duquel des deux, on établit la date limite. Il y a aussi un problème d'accès aux cahiers des charges. L'année passé, je suis allé à une commune entre Djelfa et Médéa. Quand je suis arrivé à la mairie, le président de l'APC a refusé de me donner le cahier des charges sous prétexte qu'il est tard alors qu'il était à peine 14h30! C'était un jeudi et il m'a recommandé de revenir le dimanche. Une manière pour lui de gagner du temps et de me le faire perdre à moi.

Il y a aussi un grand problème quand il s'agit de se faire payer pour les projets livrés. J'ai livré depuis 2010, quatre projets d'aménagement de sites dans la commune de Mohamadia à Alger. Nous les avons réalisés dans les règles de l'art, mais à ce jour je n'ai pas touché le moindre sou. J'ai saisi le président d'APC de Mohammedia par courrier à plusieurs reprises. J'ai déposé au niveau de son bureau des avenants depuis octobre 2010, mais ils ne sont pas signés à ce jour. J'ai un montant de plus de 3 millions de dinars au niveau de l'APC de Mohamadia mais le président d'APC refuse de libérer les cautions de bonne exécution. Il a même refusé de me donner les attestations de bonne exécution alors que d'autres entreprises, proches de lui, obtiennent ce qu'elles veulent le même jour.

- Vous n'avez pas un problème de main-d'œuvre qualifiée?

Notre entreprise compte 17 employés permanents dont un ingénieur et deux techniciens supérieurs en travaux publics et un chef de chantiers qui a une expérience de 20 ans. Mais en général, Il y a un manque en main d'œuvre qu'elle soit qualifiée ou non-qualifiée. C'est parmi les grands problèmes qui pénalisent les entreprises algériennes du BTPH. On a le plus souvent affaire à des jeunes qui viennent travailler une ou deux semaines pour gagner un peu d'argent puis ils repartent.

- Comment jugez-vous les relations banques-entreprises en Algérie?

Nous travaillons avec Société générale. Et je peux vous assurer qu'elle nous accompagne bien et se montre disponible à chaque fois que nous avons besoin de financements et ce malgré que son taux d'intérêt de 11.5 % qui est plus élevés à celui des banques publiques (8 %).

- Pourriez-vous nous donner une idée sur l'évolution du chiffre d'affaires de votre entreprise ces dernières années?

Sarbtbh a réalisé en 2011 un chiffre d'affaire de 3.5 milliards de centimes contre un peu plus de 5 milliards en 2010. Notre chiffre d'affaire a baissé parce qu'il y a une concurrence rude sur le marché. Je vous donne un exemple. La tonne de goudron est vendue chez des entreprises publiques à hauteur de 5.000 dinars la tonne. Quand je soumissionne je propose le prix de 5.100 dinars pour fourniture et pose. J'essaie de baisser le prix au maximum juste pour que l'entreprise ne soit pas complètement à l'arrêt. Mais voilà que d'autres entrepreneurs proposent 4.000 dinars la tonne fourniture et pose. Je me demande d'où est-ce qu'ils s'approvisionnent? Et comment ils arriveront avec ces prix à rentabiliser leurs activités d'autant plus que dans la plupart des cas ces entreprises ne disposent même pas de matériel de réalisation et qu'elles sont obligées de louer. Je demande à l'Etat de débarrasser le secteur des travaux public des bricoleurs et des casseurs de prix pour favoriser l'émergence de la qualité.




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