- Le ministre de l’Agriculture a estimé que les entreprises agroalimentaires nées durant les années 1990 ont concurrencé les agriculteurs et producteurs locaux, et que ceux-ci devraient aujourd’hui être complémentaires. Comment commentez-vous ces propos?
Ce que le ministre a dit est juste dans la mesure où à l’époque l’industriel ne pensait qu’à faire de l’industrie et l’agriculteur ne pensait qu’à l’agriculture. Mais il y a aujourd’hui des partenariats qui se créent entre les industriels et les agriculteurs. Chacun à sa place a besoin de l’autre. Les agriculteurs ont besoin de débouchés pour leurs produits et les industriels ont besoin des agriculteurs pour alimenter leurs unités industrielles. Nous avons nous-mêmes un projet pour la trituration des graines oléagineuses et nous voulons accompagner les agriculteurs à produire ces graines pour notre compte. Nous voulons aider les céréaliculteurs à cultiver les terres qu’ils laissent en jachère une année sur deux.
- On pourrait donc comprendre que Cevital a changé son cheval de bataille, dans la mesure où le groupe finance lui-même des projets agricoles via sa filiale Cegro…
Ces projets ont été lancés dans le cadre de la recherche et du développement. Nous avons 200 ha que nous sommes en train de développer avec de nouvelles technologies pour essayer de produire des plants avec un grand potentiel génétique et une grande productivité. Nous avons aussi quelques serres de produits maraîchers, mais à titre expérimental. Nous avons également une pépinière. Nous voulions disposer de terres pour reconstituer les vergers de la Mitidja. Nous ne disposons malheureusement pas de terre. Mais nous vendons nos plants à des agriculteurs.
- Avez-vous concrètement noué des partenariats avec des agriculteurs pour la culture de graines oléagineuses, à titre d’exemple?
Nous avons eu effectivement des contacts avec des agriculteurs. Ceux-ci sont très intéressés par ce genre de projet. Ce projet date de 6 ans. Mais pour leur acheter des graines oléagineuses aujourd’hui, il faudrait encore que notre unité de trituration de graines oléagineuses soit opérationnelle. Malheureusement, nous n’avons pas encore l’autorisation pour la réalisation de cette usine. Pour sécuriser notre pays en matières d’huiles végétales importées à 100% et raffinées aujourd’hui, il faut produire localement à partir de graines cultivées en Algérie. Si ce projet vient à être réalisé, il permettra la création de 100.000 emplois dans l’agriculture, tout en sécurisant l’approvisionnement en huiles végétales, en plus de l’aliment de bétail. Sans oublier l’économie en devises en substituant la production locale à l’importation. Je voudrais aussi préciser que c’est un projet qui fera passer le pays du statut d’importateur à celui d’exportateur d’huiles végétales.
- Avez-vous d’autres projets dans l’amont agricole?
Nous avons pensé à un certain moment cultiver de grandes superficies dans le Sud et investir dans la filière laitière, céréalière et même dans la betterave sucrière. J’ai eu récemment à discuter avec le directeur général de l’ANRH, malheureusement celui-ci m’a informé que si les terres pour une exploitation de 100.000 ha comme celle qu’on souhaite exploiter à El Goléa, les ressources hydriques ne sont pas suffisantes. Il m’a aussi expliqué que l’ANRH ne peut autoriser qu’une cinquantaine de forages, mais pas au-delà. Les ressources hydriques ne sont pas suffisantes pour de grandes exploitations, d’autant plus que dans le désert, il y a beaucoup d’évaporation. S’il était difficile un certain temps d’accéder au foncier, le ministre actuel nous encourage, mais on ne peut exploiter de grandes surfaces, car l’eau n’est pas suffisante.
- A travers vos propos, on peut comprendre que l’agriculture saharienne ne peut être développée …
Il n’y a pas assez d’eau. Pour mon projet, l’ANRH ne pouvait m’autoriser à n’effectuer que 50 forages, ce qui ne peut alimenter que 2.000 ha, ce qui n’est pas rentable dans la mesure où il faut amener l’électricité, viabiliser des routes, effectuer des forages, etc., et nous ne devons pas gaspiller notre ressource en eau, car la priorité est à l’alimentation en eau des populations. L’Algérie est condamnée à investir dans des pays où l’eau est gratuite. Il faut libérer les initiatives et laisser les entreprises investir dans d’autres pays pour garantir notre sécurité alimentaire. On ne peut gaspiller nos ressources pour un produit qui consomme trop d’eau. Nous sommes obligés d’aller produire ailleurs.
Melissa Roumadi
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Posté Le : 10/04/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: algeriepatriotique.com ; texte: Entretien par Melissa Roumadi
Source : El Watan.com du mardi 9 avril 2013