Le gigantesque embrasement qui a sévi, au mois d'août dernier, dans plusieurs communes de la wilaya de Tizi-Ouzou, laisse apparaître un bilan désastreux.
L'impact des destructions est énorme et prend les allures d'une véritable catastrophe pour l'économie locale basée en priorité sur l'agriculture de montagne dont les segments importants sont l'élevage et l'arboriculture fruitière. Et les chiffres fournis par la Direction des services agricoles (DSA) de la wilaya, sur les ondes de la radio locale, sont éloquents.
- La récolte oléicole s'annonce calamiteuse
Première victime de ce désastre, l'oléiculture. Le feu qui a parcouru 2.500 (?) hectares du massif forestier a détruit, sur son passage, pas moins de 40% d'oliveraies. Un taux équivalent à une superficie totale de 15.354 ha d'oliviers, sur environ 38.600 ha du parc oléicole de la wilaya.
Le nombre d'oliviers qui ont été ainsi la proie des flammes est ahurissant: on a recensé plus d'un million cinq cents (1.535.400) de sujets brûlés, à travers les vergers de Haute-Kabylie touchés par les incendies.
A ce décompte, il faut ajouter les dégâts causés à 22 huileries, nous apprend un sondage établi au commencement de l'opération d'évaluation des pertes engagée par les pouvoirs publics.
Une situation qui n'est pas sans conséquence pour la filière oléicole. À deux mois du début de la campagne de ramassage des olives, les citoyens et les opérateurs du secteur s'attendent à une récolte des plus calamiteuses. Et le déficit risque de s'accentuer, sous l'effet que les fortes chaleurs ont pu exercer sur les arbres encore valides qui sortent à peine de la période de floraison et dont les fruits (les olives) ne sont qu'au début de leur cycle de croissance, de l'avis de quelques agriculteurs.
- Un tissu agricole ébranlé
L'inventaire de toutes les pertes causées au domaine agricole renseigne sur l'étendue du désastre pour l'agriculture de montagne qui fait vivre des centaines de familles.
Activité d'appoint pour l'économie rurale, le secteur de l'artisanat a lui aussi subi des dommages. Plusieurs ateliers de bijouterie, couture et poterie ont été touchés par le feu.
Il en est de même pour l'arboriculture fruitière. En plus des oliviers, les incendies ont brûlé une surface de 3.700 ha constituée de figuiers, cerisiers, grenadiers et autres espèces d'arbres fruitiers.
Le sort des éleveurs n'est guère meilleur. Dans sa déclaration faite à la presse en marge de sa visite, le 31 août dernier, dans les localités sinistrées de Larbaâ-Nath-Irathen, le nouveau wali, Djilali Doumi a fait cas de la destruction de plus de 19.700 exploitations agricoles.
Même parcellaire et provisoire, le bilan chiffré donné lors de la session extraordinaire du 25 août de l'APW est édifiant sur l'ampleur des pertes subies en matière d'élevage sur le cheptel.
Il est fait, ainsi, état de la destruction d'une centaine d'étables, de 47 chèvreries, d'une centaine de poulaillers. Une grande saignée a été causée au patrimoine animalier des citoyens. On signale la mort de: 1.326 têtes d'ovins, 1.135 caprins, 1.542 lapins et de 20.000 sujets de volailles entre poules pondeuses et poulets de chair. La filière apicole a, elle aussi, subi d'énormes dégâts: 11.350 ruches dont 8.200 pleines sont parties en fumée.
- Réparation des pertes de cheptel: le ministère de l'Agriculture passe à l'action
Sans attendre la clôture définitive de l'inventaire des sinistres, les services du ministère de l'Agriculture et du Développement rural ont déjà entamé le processus d'indemnisation des éleveurs. Un lot de 6.100 têtes de bétail dont 598 bovins et 3.011 ovins, a été réceptionné, mercredi dernier. 2.500 caprins seront réceptionnés, aujourdhui, dimanche.
L'opération de distribution qui a débuté, jeudi dernier, se poursuivra durant toute la semaine en cours. 350.000 poussins et 40 serres agricoles, ainsi que des quantités importantes d'aliment du bétail seront réceptionnés incessamment, et seront distribués au profit des éleveurs de volailles qui ont perdu leurs poulaillers. Une opération de distribution similaire sera lancée prochainement au profit des apiculteurs qui ont perdu leurs ruches. Une campagne de plantation d’arbres fruitiers et d’oliviers sera lancée le mois d'octobre prochain, apprend-on du côté de l'APW dont les élus ont, rappelons-le, voté une délibération instituant un fonds d’aide et de soutien à l’agriculture de montagne.
- Le dilemme du repeuplement/reboisement des espaces brûlés
Réparer la nature, autrement dit, replanter et reconstruire le biotope et les différents écosystèmes. C'est le dilemme écologique qui se pose dans un contexte post-incendies.
«La meilleure façon de reconstituer la couverture végétale est de laisser faire la nature: la régénération naturelle ou spontanée est encore, sauf exception, le meilleur moyen», dira un spécialiste. Ce dernier recommande de «laisser sur place les troncs calcinés, les couper seulement s’il y a un risque d’érosion, sur un terrain en pente par exemple, et en faire des assemblages de branchage, pour retenir la terre».
Sagissant de la faune, «le mieux est de laisser faire la nature». «L’homme est encore loin de maîtriser le repeuplement floral et faunique des régions brûlées», s'accordent à dire des spécialistes cités dans la même publication.
Sur le reboisement des oliveraies brûlées, l'erreur (à ne pas commettre), c'est de recourir à l'importation de plants de l'étranger, met en garde M. Arkoub, ingénieur agronome et enseignant à l'université de Tizi-Ouzou.
Dans une publication postée sur sa page Facebook, l'enseignant de l'UMMTO estime que le recours à l'importation de plants de l'étranger pour le repeuplement des vergers brûlés est une fausse bonne solution. Son argument est que ces plants sont infectés par le virus «Xilullla Fastidiosa». «À ceux qui envisagent d'introduire des plants d'oliviers de l'étranger, je dis que «Xylulla fastidiosa» fait des ravages chez nos voisins du Nord (pays du bassin méditerranéen, ndlr)», avertit l'universitaire.
La bonne méthode, recommande-t-il, est de s'approvisionner chez les pépiniéristes oléicoles locaux, donnant de bonnes adresses de professionnels dans le domaine.
En outre, l'universitaire préconise la plantation de plants dans les sites où l'oleastre n'aura pas repoussé».
S. Ait Mébarek
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QUELLES SOLUTIONS POUR LES ÉCOSYSTÈMES IMPACTÉS PAR LES INCENDIES
Des citoyens engagent le débat à Larbaâ-Nath-Irathen
Un groupe de réflexion pluridisciplinaire composé de citoyens, s’est réuni, dernièrement, à la bibliothèque communale de l’APC de l’Arbaâ-Nath-Iraten, pour débattre des mesures techniques, de nature agronomique, hydraulique et forestière, à préconiser afin d'aider à restaurer l’écosystème fortement impacté par les incendies du mois d'août dernier.
Les échanges ont permis de dégager les lignes directrices d’aménagement rural qui seront approfondies lors de prochaines rencontres. Il s’agit notamment de mesures relatives à la restauration du couvert végétal, la protection des sols et particulièrement sur le bassin versant du barrage de Taksebt, la mobilisation et le stockage de l’eau, ainsi que la réhabilitation des sources, l’amélioration de l’accessibilité et l’entretien des pistes, le débroussaillage des zones proches des habitations, la mise en place d’un programme de formation de volontaires pour aider à lutter contre les incendies et, enfin, la protection de l’environnement par la gestion effective des déchets.
D’autres aspects relatifs à la problématique de l’aménagement rural pourraient être abordés dans les prochaines réunions.
S. A. M.
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Posté Le : 06/09/2021
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : S. Ait Mébarek
Source : lesoirdalgerie.com du dimanche 5 septembre 2021