Algérie - Elections présidentielles

Algérie - ILS ONT MANIFESTÉ HIER À ALGER: Les magistrats refusent de superviser la présidentielle



Algérie - ILS ONT MANIFESTÉ HIER À ALGER:  Les magistrats refusent de superviser la présidentielle


Des avocats, des greffiers, des notaires et des huissiers de justice sont également venus apporter leur soutien à ce sit-in.

Un rassemblement des magistrats a eu lieu hier au ministère de la Justice, ponctué par une déclaration pour annoncer officiellement leur refus de superviser le scrutin présidentiel du 4 juillet prochain et réclamer une réelle indépendance de la justice et la levée de toute pression contre eux, dans le cadre de la lutte contre la corruption.

Des avocats, des greffiers, des notaires et des huissiers de justice sont également venus apporter leur soutien à ce sit-in organisé à l’initiative du Club des magistrats algériens.

Le magistrat conseiller auprès de la cour de Oued Souf et membre actif du Club des magistrats algériens, Merzoug Saâd Eddine, qui a lu la déclaration au nom de ses pairs, a soutenu que les magistrats refusent d’apporter un “faux témoignage sur des élections dont les résultats sont connus d’avance”.

L’avocat et militant des droits de l’homme Me Mustapha Bouchachi a tenu à rendre hommage à cette corporation, estimant que “ce n’est pas du tout facile d’être magistrat et tenir un rassemblement devant le ministère de la Justice”.

Et de poursuivre: “Le système a toujours utilisé les magistrats pour crédibiliser les élections vis-à-vis de l’étranger. Les symboles de ce système ne peuvent plus gérer la période de transition.”

Un échange s’est vite engagé entre le militant des droits de l’Homme, Mustapha Bouchachi, et un jeune magistrat, qui a expliqué pourquoi il refuse de superviser la prochaine élection présidentielle.

“On veut un État de droit. Avec les lois actuelles, je ne peux pas dire à mon fils qu’en 2019 le scrutin a été libre et transparent. Le magistrat ne peut plus témoigner de quelque chose qu’il n’a pas vu. Sa tâche actuelle est restreinte au comptage des procès-verbaux. Il n’est présent ni dans les bureaux de vote ni lors du dépouillement.”

Mustapha Bouchachi acquiesce: “Effectivement l’élection ne peut plus se tenir dans le cadre de la loi électorale de 2012 et avec un Premier ministre qui a participé au trucage de tous les scrutins quand il était ministre de l’Intérieur. Ce régime a pratiqué la fraude depuis l’indépendance. On ne peut plus accepter ces pratiques.”

Le jeune magistrat rappelle qu’il existe 1.574 APC, plus de 42.000 bureaux de vote et 6.000 magistrats pour contrôler l’ensemble de l’opération électorale.

“Avec ce nombre de magistrats, il est impossible de veiller à la transparence du scrutin. C’est pour cette raison que nous proposons le jour où le peuple adhère à un processus électoral de se faire aider par des greffiers, des notaires, des commissaires-priseurs et de l’ensemble des aides et intermédiaires judiciaires. Car si le citoyen apprend que le chef du bureau de vote est un homme de loi, il aura confiance. À condition, bien entendu, d’éloigner les membres de l’instance exécutive de tout le processus électoral.”

Le magistrat Merzoug Saâd Eddine pense que les procureurs de la République doivent aussi retrouver toutes leurs prérogatives dans le cadre du traitement des alertes et dossiers de corruption.

“Actuellement le magistrat, avant d’entamer des poursuites, doit informer le procureur général, puis le directeur des affaires pénales et celui des affaires juridiques, le chef de cabinet du ministre qui, à son tour, transmet la requête au ministre de la Justice. Ce cheminement est valable pour des petites affaires de corruption, alors ne parlons pas des grandes affaires”, dénonce-t-il.

L’avocat et président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (Laddh), Me Noureddine Benissad, qualifie “ce réveil des magistrats de bonne chose, parce qu’ils se sont réapproprié la parole”, mais considère que l’indépendance de la justice ne peut se concevoir sans un État de droit et une démocratie.

“Aujourd’hui, nous sommes toujours dans un système autoritaire qui ne permet pas l’indépendance de la justice”, conclut-il.


Photo: Rassemblement des magistrats, hier, devant le ministère de la Justice. © Louiza Ammi/Liberté

Nissa Hammadi


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