Cet animal est le centre d’intérêt autour duquel se construit la vie dans plusieurs contrées du pays.
Temps clément, un soleil suave, un léger zéphyr souffle sur l’auguste Tassili en ce deuxième jeudi du mois de février. En cette matinée enviable, le climat, contrairement aux villages enneigés des hautes cimes de Kabylie et de la prestigieuse chaîne de montagnes des Aurès, choit avec sa mansuétude les Hauts-Plateaux gréseux de l’Ahaggar.
“TinTarabin”, un mot berbère qui signifie “femmes arabes”, un lieu-dit reclus à des centaines de kilomètres de Tamanrasset, devenu célèbre par son légendaire oued empli et débordant dans un passé reculé, ensablé aujourd’hui, profite de l’indulgence peu coutumière de Dame Nature.
Aux alentours de ce fleuve sablonneux, se dressent plusieurs dizaines de tentes, formant un cercle familial bien agencé. Ne donnant pas l’impression d’être des habitués de cet endroit retiré de l’étendue du Sahara, femmes, hommes et enfants occupent toutefois, les lieux depuis quelques jours. Ils se sont donné rendez-vous dans cette sublime arène soigneusement apprêtée pour accueillir le deuxième Festival du dromadaire de la région.
Les villageois se sont rués vers cette cour sableuse afin de participer à un événement, leur propre événement qui renaît de ses cendres: la fête du chameau. Ils s’approprient cette rassembleuse manifestation qui, il y a une décennie, était abandonnée puis entièrement enterrée.
En dépit de la déchéance qui règne en maître absolu dans cette zone aride, les habitants ne se sont jamais sentis aussi pauvres et miséreux qu’après avoir vu leur fête, leur raison d’être, leur échapper de longues années durant. C’était compter sans la perspicacité et la pugnacité des populations locales et la volonté politique exprimée ouvertement par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural (Madr), deux partenaires qui se sont serrés les coudes pour ressusciter cette tradition, ce symbole de toute une région.
Ils ont commencé par rassembler plus de 10.000 têtes de chameau. Le décor ainsi planté, la deuxième édition du Festival du dromadaire démarre enfin.
L’enthousiasme manifesté par ces gens, la brillance de leurs yeux et le large sourire qui se lit sur leurs bouches dénotent de l’amour fou qu’ils vouent à cette fête. Fiers et altiers, ils viennent exposer le fruit de leur dur labeur qu’est l’élevage de chameaux.
Le festival du chameau renaît de ses cendres!
Les moments difficiles qu’ils ont vécus et les périodes ardues passées pour mettre sur pied ces chamelons devenus adultes, grands et beaux plus tard, ont aussitôt disparu et laissé place à la joie et la fierté. Leur dynamisme sans limite et leur euphorie infinie prouvent clairement qu’ils ne sont pas près de lâcher cette opportune occasion qui s’adjuge désormais une place de choix parmi le lot des us et coutumes des autochtones. Ceux-ci se réconcilient ainsi à la fois avec leur terre, leur nature et leur événement qu’ils chérissent tant.
De ce coin isolé du pays, les résidents ne demandent pas grand-chose si ce n’est que de leur offrir des conditions un peu plus acceptables qui leur permettront de vivre et de s’épanouir dans la région de leurs ancêtres. Car, en se maintenant dans ces zones désertiques, ils rendent un vibrant hommage à leurs aïeux. Ils perpétuent en toute fierté, par là même, leur mode de vie, leurs traditions.
Des citoyens arrivent de plusieurs wilayas du Sud et se rendent au cœur de l’événement avec leurs femmes et leurs enfants. C’est la fête au village! Ils ont mis leurs meilleures tenues traditionnelles pour la circonstance. Ils n’ont également pas manqué de s’habiller dignement le dromadaire pour qu’il dégage, le jour de sa fête, le charme et la beauté qui le caractérisent.
Éleveurs et propriétaires de cet impressionnant cheptel, scrupuleusement bichonné, mettent en valeur la pureté et l’authenticité de la race cameline algérienne.
Plusieurs races sont attribuées à cet animal bossu. Pour la race laitière d’Algérie, l’on note la Rachaidia, Schallengea, Fakraya. Pour celles qui produisent du lait et la viande à la fois, l’on dénomme la Hoor, Aritiri, Mayaheem…
Il est qualifié d’animal “noble” de par sa couleur, son allure, sa morphologie longiligne. Il est, en outre, adapté à la course. On le trouve dans toute la zone centrale du Sahara dans divers pays où il porte différents noms, mais son berceau d’origine reste le centre et le sud de l’Algérie. Ce mammifère a été catalogué dans 35 pays notamment en Inde, la Turquie, le Kenya, le Pakistan, en Asie… avec au moins 51 races.
TinTarabin où le fleuve qui ressuscite le Méhari
Domestiqué au Moyen-Orient et plus précisément dans le sud de la péninsule Arabique, le dromadaire a été réintroduit en Afrique du Nord au début de l’ère chrétienne à l’époque où le Sahara s’est asséché. L’on explique que sa bosse, à l’opposé de ce que raconte la légende, n’est pas une réserve d’eau, mais plutôt d’énergie.
Le mot dromadaire, faut-il le préciser, est tiré du mot grec “dromas”, qui signifie coureur. Sa taille va jusqu’à 225 cm, son poids varie entre 450 et 1.100 kg. Cet herbivore a une espérance de vie moyenne de 25 ans. Il dispose de vertus de résistance à la chaleur et d’économie d’eau, puisqu’il peut rester des jours voire des mois sans boire. Sa bosse joue un rôle dans la thermorégulation.
Selon une étude récente, il occupe actuellement toute l’Afrique sahélienne et du Nord de la Mauritanie y compris des îles Canaries à Djibouti. Plus de 80% de la population des dromadaires se trouvaient en Afrique avec près de 10 millions de têtes dans la corne d’Afrique.
Un animal aux valeurs sociale, économique et culturelle
Les statistiques officielles avancées par le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, qui s’est joint à ce festival, indiquent que le cheptel camelin algérien est évalué à plus de 250.000 têtes. Tam, à elle-seule, détient, selon le wali, Saïd Meziane, 110.000 camelins pour une population de l’ordre de 200.000 habitants.
Le madr, en collaboration avec les autorités locales à leur tête le wali de Tamanrasset, réserve un programme ambitieux pour la région. Une enveloppe de plus de 170 de milliards de DA a été dégagée par la tutelle pour développer le secteur agricole dans la wilaya, affirme le wali.
La présence du ministre renseigne sur sa volonté ferme d’aider ces zones exhérédées par la nature et de réhabiliter la noblesse séculaire du dromadaire algérien. En extirpant cet animal de sa sépulture, c’est tout un pan de l’histoire du pays qui est exhumé. Une partie du patrimoine national est de ce fait revigorée. De par ses valeurs économique, sociale et culturelle que recèle le Méhari, il devient ce porteur d’eau par excellence à toute la région.
Le no man’s land, qui caractérisait, il y a quelques années, TinTarabin et les communes limitrophes telles qu’In Guezzam, Tazouk…, entame de nos jours sa mutation grâce au retour… au fleuve de leur animal… prodige. Si le mot désert désigne une région aride peu habitée, où la faune et la flore sont quasiment inexistantes, TinTarabin, en revanche, attire la faune grâce à sa flore. Le dromadaire est ce centre d’intérêt autour duquel se construit toute une vie au sein de cette région. C’est aussi ce poumon avec lequel celle-ci respire…
Un cheptel de 250.000 têtes
À l’aide de l’activité cameline, les chameliers peuvent disposer de toute une gamme de produits alimentaires d’excellente qualité tels que le lait, la viande, les poils… et services dans un milieu où les conditions de vie sont rudes. Dans cette vie pastorale, le chameau dromadaire est considéré comme une caisse d’épargne à laquelle on peut recourir à tout moment pour faire face à nos besoins.
L’animal est doté d’une apparence imposante agrémentée l’élégance de son allure. C’est une bête généreuse d’autant plus qu’elle offre sa peau, son lait, sa viande surtout le “hachi” (viande du jeune chameau), très demandé par les connaisseurs.
Outre les méharées, randonnées initiées dans le désert à dos de dromadaire de type méhari, le chameau devient également l’acteur principal des épisodes de fantasia organisée dans plusieurs contrées du pays.
Conscient de l’intérêt porté par les citoyens à leur bête fétiche, le Madr a arrêté une stratégie ayant pour entre autres fondements, la protection des parcours estimés à des millions d’hectares et la préservation des éléments nécessaires pour l’épanouissement du chameau.
Les sons apaisants du Tindi et les youyous qui fusent des tentes, œuvre des femmes interprétant les meilleurs poèmes et chants traditionnels, ajoutent plus de couleurs et d’ambiance au festival. Autant d’images pures et joyeuses qui ornent davantage l’événement.
La participation de Rachid Benaïssa à cette fête est synonyme de soutien et de considération à toute une population que la décennie noire et les responsables précédents ont négligée et déshéritée. Sa venue se veut aussi un signe fort de la part du gouvernement à ces zones et ses occupants.
“Vous êtes des Algériens et l’Algérie vous appartient”, semble être le message qu’a bien voulu leur transmettre le Dr Benaïssa.
Et le majestueux drapeau tricolore… algérien s’entend… qui flotte sur chacune des tentes est une réponse claire et franche de la part de ces familles au ministre. Cependant, ils souhaitent exercer leurs droits que leur confère leur citoyenneté en sollicitant l’intervention des pouvoirs publics surtout le ministre pour résoudre un certain nombre de problèmes récurrents.
Ils évoquent la lancinante question de l’eau et l’accompagnement de l’État dans leurs différents projets.
La réhabilitation du dromadaire peut constituer une première étape qui s’annonce de bon augure pour l’avenir. Ils espèrent que l’État leur vienne en aide pour que l’élevage camelin retrouve son lustre d’antan...
Badredine Khris
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Posté Le : 27/02/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Reportage de Badredine Khris
Source : liberte-algerie.com du dimanche 19 février 2012