À l’entrée de chaque site est installée une bâtisse de pierre. C’est le poste de garde qui représente l’Office du parc national de l’Ahaggar, organisme chargé de protéger un patrimoine culturel et archéologique d’une valeur inestimable, à travers un gigantesque territoire grand comme la France.
Hamoud Amerzagh est le directeur de cet organisme dépendant du ministère de la Culture. Seul responsable de la valorisation et la préservation de la biodiversité d’intérêt mondial dans l’Ahaggar, il évoque, dans cet entretien, les dangers auxquels sont confrontés la nature et le patrimoine culturel dans cette merveilleuse région du Hoggar.
- Liberté: Quel est l'état actuel du Parc national de l'Ahaggar?
Hamoud Amerzagh: L’Office du parc national de l’Ahaggar a été créé en 1987. En 2011, il est devenu Parc culturel national d'Ahaggar. Sa superficie est de plus de 633.000 km2, ce qui dépasse la superficie de la wilaya de Tamanrasset pour englober la commune de Timiaouine, dans la wilaya d'Adrar, et désormais affiliée à la wilaya de Bordj Badji-Mokhtar.
Le centre culturel de l'Ahaggar s'est étendu à Timiaouine car cette dernière représente une même entité culturelle et historique avec la région de l'Ahaggar qui s'étend de Tadmaït, au sud d'In Salah, à In Guezzam à la frontière nigérienne, et d'Idles à Tin Zaouatine à la frontière malienne.
Le parc culturel de l'Ahaggar a été créé afin de protéger le patrimoine culturel et environnemental de cette région. Depuis la mise en place de cet organisme, nous réalisons un inventaire du patrimoine culturel et naturel de la région de l'Ahaggar, mais nous n'en avons recensé qu'une petite partie.
- Combien de sites culturels et naturels sont recensés jusqu'à présent?
Il existe des milliers de sites culturels et archéologiques dans l'Ahaggar. La pression sur le patrimoine se situe souvent dans les agglomérations. Beaucoup de hameaux se sont développés grâce à l’agriculture, qui a poussé les nomades se sédentariser. Les projets d'extension des villes et des agglomérations se font souvent au détriment du patrimoine culturel et environnemental.
Les nouvelles habitations sont construites avec des pierres qu'on prélève sur des sites archéologiques, notamment les monuments funéraires (Edarbanen en targui). Les vieux habitants craignent ces monuments et ne s'en approchent pas, mais les jeunes n’accordent aucune signification à ces monuments ni aucune valeur culturelle.
Pour revenir au processus de recensement des sites naturels et archéologiques, nous avons jusqu'à présent recensé presque tous les villages de l'Ahaggar.
- Combien de villages avez-vous recensé?
Environ 70 villages sont situés à la périphérie des grandes villes, comme Tamanrasset, qui connaît un rythme d’extension très rapide. Il y a un autre problème auquel est confronté le patrimoine culturel de l’Ahaggar, ce sont les grands projets économiques.
La région est riche en marbre et en granit, et ces matériaux naturels se trouvent dans des sites archéologiques. Par conséquent, lorsqu'un site archéologique est découvert, nous le localisons en tenant compte de l'orientation économique de l'État.
Récemment, une nouvelle tendance à exploiter l'or est également apparue, et nous considérons que la création de mini-entreprises à cette fin est mieux contrôlable que l'exploitation anarchique de l'or.
- L’opération d’agrément des entreprises de jeunes pour l'exploitation de l'or a donc commencé?
La première étape est terminée, plusieurs jeunes ont obtenu des autorisations d'exploitation et nous entrons dans une deuxième étape.
- L'or se trouve aussi dans les sites archéologiques, n’est-ce pas ?
Partout où vous allez dans l’Ahaggar, il y a des sites archéologiques.
À Emsmassen, par exemple, un important gisement aurifère a été découvert, d’une capacité de 300.000 onces, selon les spécialistes. Ce site contient des monuments funéraires, ce qui a fait intervenir le Centre de recherches archéologiques pour mener des fouilles sur ces monuments.
- Parmi les sites abandonnés à la périphérie des villes, il y a le palais de l’amenokal Moussa Ag Amasten. Le Haut-Commissariat à l’amazighité est en quête d’une solution pour le réhabiliter, mais le projet est bloqué. Pourquoi?
Moussa Ag Amasten est un personnage historique et a une signification symbolique dans la région. Le palais Ag Amasten est le deuxième édifice réalisé à Tamanrasset en 1916, après le fort de Charles de Foucauld. L’Office du parc culturel de l’Ahaggar a commencé par clôturer le site et nous avons installé un poste de garde.
Puis une opération a été enregistrée pour le restaurer, malheureusement l’étude s’est arrêtée dans sa cinquième étape. Il n’y a pas d’entrepreneurs qualifiés à Tamanrasset pour mener à bien les opérations de restauration dans les normes requises par la préservation du patrimoine, nous avons donc dû faire appel à un entrepreneur de la capitale. Par la suite, Tamanrasset a vu venir un nouveau directeur de la culture qui a jugé que l’entrepreneur engagé pour restaurer le palais Ag Amasten n’était pas qualifié. Il a donc décidé d’arrêter les travaux. Nous avons souhaité, pour notre part, relancer le projet, mais il nous est apparu que les projets de restauration sont gelés dans le secteur de la culture, comme dans tous les secteurs d’ailleurs.
- Outre ce palais, y a-t-il d’autres bâtisses en souffrance?
Il y a le palais de Hajj Ahmed Al-Bakri à Tazrouk, qui était habité jusqu’à la fin des années 90.
Ce palais est construit en terre, un matériau utilisé dans presque toute l’Afrique. On sait qu’il existe des villes entières construites en terre et classées au patrimoine mondial de l’Unesco, comme Tombouctou au Mali ou la ville sismique de Bam en Iran… Ce type de construction nécessite un entretien à chaque fin de saison des pluies.
Quant au palais de Tazrouk, il s’est effondré immédiatement après le départ de ses habitants qui se chargeaient eux-mêmes de son entretien. Il y a aussi la casbah Bajula d’In Salah qui a également bénéficié d’une étude pour sa restauration, mais elle est gelée.
- Venons-en maintenant au patrimoine immatériel. On parle d’un retour prochain du Festival international de l’Ahaggar. Est-ce vrai?
Il y avait plusieurs festivals dans la région, dont le Festival de la chanson amazighe, qui avait atteint un niveau élevé. Et le Festival des arts de l’Ahaggar qui avait une renommée mondiale. Cependant, il s’est arrêté en 2015. Le directeur de la culture m’a parlé de la possibilité de relancer ce festival.
- Un autre problème préoccupe les habitants de l’Ahaggar et les visiteurs de la région: l’absence de routes goudronnées menant aux villes, villages et sites archéologiques. Est-ce un problème lié aux études et aux enveloppes financières, ou y a-t-il d’autres considérations?
En effet, certains chemins contiennent des sites archéologiques, par exemple, on trouve des monuments funéraires au milieu de la route. Donc, si on les goudronne et que ces routes deviennent très fréquentées, cela affectera négativement ce patrimoine.
Puisque vous avez mentionné la route d’Assekrem, sachez que si elle était pavée, tout le monde pourrait accéder au site. Imaginez les dégâts que causeraient les visiteurs... Par exemple, nous nettoyons la vallée d'Afilel chaque semaine, même sans route goudronnée. Il est vrai que des villages situés dans la région d'Assekrem ont besoin de la route pour que leurs habitants puissent se déplacer facilement et que leurs malades ne meurent pas en chemin. Quant aux villes comme In Guezzam ou Tin Zaouatine, elles sont assez éloignées, elles ont bénéficié de projets de routes, mais les travaux vont à un rythme très lent.
Photo: © D. R.
Propos recueillis par : MOHAMED IOUANOUGHEN
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Posté Le : 19/01/2022
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Propos recueillis par : MOHAMED IOUANOUGHEN
Source : liberte-algerie.com du mercredi 19 janvier 2022