Algérie

Algérie-France : les éternels contentieux



Soixante-sept ans après le déclenchement de la guerre de Libération nationale, les litiges historiques continuent de parasiter les relations algéro-françaises. Réparation aux victimes d'essais nucléaires, ouverture et remise des archives, reconnaissance des crimes coloniaux... autant de dossiers en attente de règlement qui empêchent l'établissement de rapports sereins entre les deux pays.Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Un pas en avant, dix en arrière. En l'espace d'un quinquennat, le Président Emmanuel Macron est passé de «la colonisation est un crime contre l'humanité » à « la nation algérienne post-1962 s'est construite sur une rente mémorielle ». Il est vrai que, dans les deux cas, les propos ont été tenus dans un contexte pré-électoral. De 2017 à 2021, la manière d'aborder le dossier « mémoriel de la colonisation de l'Algérie » est à géométrie variable. Il varie selon les intérêts électoralistes. Soixante-sept années ont passé depuis le déclenchement d'une guerre de Libération qui a duré huit ans. La question de l'accès aux archives françaises qui concernent cette période demeure, six décennies plus tard, un point de crispation entre les deux pays. Au mois de mars 2021, le gouvernement français avait annoncé la déclassification d'une partie des archives, notamment « des documents couverts par le secret de la Défense nationale ». Une petite « avancée », puisque Paris refuse toujours l'ouverture des documents concernant les personnes victimes de disparitions forcées durant la guerre de Libération.
Le dossier des archives concerne également le fonds documentaire datant de l'époque ottomane (1518-1830) qui est toujours entre les mains de l'administration française qui le considère comme « faisant partie de son patrimoine souverain ». Ce principe de spoliation sous couvert de « patrimoine souverain », voire « scientifique », les Algériens l'ont découvert en juillet 2020 à l'occasion de la restitution des crânes des premiers résistants à l'invasion française.
Le retour sur le sol algérien des restes mortuaires de ces combattants est le résultat d'un long processus qui a nécessité l'intervention des deux Chambres du Parlement français. Le retour de la totalité des restes d'Algériens risque de prendre encore plusieurs années puisqu'il y aurait encore 500 ossements dans les collections muséales françaises.
Reggane et In Iker
La question de la responsabilité des gouvernements français, qui se sont succédé depuis 1962, dans les essais nucléaires dans le Sahara algérien reste entière. Jusqu'à aujourd'hui, Paris refuse d'assumer ses responsabilités sanitaires et environnementales provoquées par les 17 essais nucléaires réalisés dans les régions de Reggane et d'In Iker entre 1960 et 1966. Aucun dossier d'indemnisation déposé par un citoyen algérien n'a abouti.
Sur le plan technique, les militaires français se sont engagés à fournir à l'armée algérienne les cartes topographiques permettant la localisation des zones d'enfouissement, non découvertes à ce jour, des déchets contaminés, radioactifs ou chimiques. Un engagement pris par le général d'armée, François Lecointre, chef d'état-major des Armées françaises lors de sa visite à Alger au mois d'avril dernier. Pour l'heure, aucune information n'a été rendue publique par aucune des deux armées sur l'avancée de cette opération. L'approche mémorielle de la colonisation française en Algérie, mais aussi sur les continents africain et asiatique, est avant tout basée sur une reconnaissance sélective des crimes.
Le cas du massacre des Algériens à Paris le 17 Octobre 1961 est un exemple frappant de cette politique. Lors de la dernière cérémonie qui s'est déroulée à la mémoire des victimes, le Président Emmanuel Macron avait dénoncé « des crimes inexcusables, commis sous l'autorité de Maurice Papon ». Le préfet de police de Paris devient ainsi le parfait coupable. Soixante ans après les faits, il est présenté comme ayant agi seul, sans l'aval de sa hiérarchie ni même du Président de l'époque, le général Charles de Gaulle. Une partie de la classe politique française ne voit aucun inconvénient à tout mettre sur le dos de Maurice Papon, puisqu'il avait été un serviteur zélé du régime nazi en qualité de haut fonctionnaire du gouvernement de Vichy.
Le maintien à un poste de responsabilité d'un « collabo », impliqué directement dans la déportation de centaines de juifs vers les camps de la mort, reste un des mystères de la France d'après-guerre. C'est cette même France qui refuse de reconnaître ses crimes coloniaux et se cache derrière le mensonge d'une « repentance » que la partie algérienne n'a jamais exigée. Et la montée en puissance des thèses d'extrême droite - nécessairement anti-algériennes - au sein de la classe politique française risque de maintenir encore l'éternel contentieux entre les deux pays.
T. H.


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