Algérie

ALGERIE-FRANCE Les petits messages de Hollande



De notre envoyé spécial à Tlemcen, Sofiane Aït Iflis
Plus qu'une escapade de villégiature, la virée, jeudi, du président français François Hollande à Tlemcen s'est voulue un épilogue fait de subtilités politiques, de messages susurrés et de rappels qui ne devraient pas forcément plaire. Quitte à froisser ses vis-à-vis algériens, il a soutenu en conférence de presse animée à la tombée de la nuit à l'hôtel Renaissance, que la fermeture algéro-marocaine est conséquence du conflit du Polisario.
François Hollande, qui devait regagner l'Hexagone la mallette pleine de contrats et le sentiment d'avoir réussi à désamorcer la crise des mémoires sans s'épancher en excuses, ni à exprimer une repentance, a affirmé avoir abordé la question du Sahara occidental avec le président Bouteflika et de la frontière fermée entre l'Algérie et le Maroc. Rien d'anormal jusque-là, puisque les discussions entre les deux chefs d'Etat devaient aussi porter sur les questions régionales. Mais c'est lorsqu'il a estimé que la fermeture de la frontière entre les deux pays est liée au conflit du Polisario qu'il commet l'impair politique. Les autorités algériennes se sont toujours élevées contre ce raccourci au demeurant récurrent chez les Français. «On a parlé de la frontière fermée entre l'Algérie et le Maroc. Je souhaite que le conflit du Sahara occidental soit résolu et que cette frontière soit rouverte.» Perception française figée d'une problématique pour laquelle l'Algérie déploie pourtant énormément d'efforts d'explication. Elle n'évolue pas quand Hollande réitère que son pays s'en tient au mécanisme onusien pour le règlement du conflit. «L'ONU, rien que l'ONU et toutes les résolutions des nations unies», a-t-il dit, poursuivant : «Je me rendrai l'année prochaine au Maroc et je dirai aux Marocains ce que j'ai dit aux Algériens.» Si Hollande ne s'est pas interdit d'établir une relation de causalité entre la fermeture de la frontière algéro-marocaine et la question du Sahara occidental, il ne prendra cependant pas la liberté de dévoiler le contenu du contrat d'armement signé à l'occasion de sa visite. Visiblement gêné par la question, il a éprouvé une certaine difficulté à trouver la formule la moins engageante mais qui, en même temps, n'aura pas l'allure d'une esquive. «Tout est écrit dans le contrat…Vous pouvez le lire (…) il ne s'agit pas d'armes (…) du matériel.» Sur le reste, François Hollande ne dira pas plus que ce qu'il avait dit la veille devant la presse et le matin du jeudi devant les parlementaires. Il a eu à cœur de répéter ce qu'il avait déjà consenti. Pas une affirmation de plus. Tout content d'informer que le Conseil de sécurité de l'ONU avait le jour même autorisé le déploiement de la force africaine dans le nord du Mali, le président français a souligné que la France reste favorable à une négociation politique avec les groupes qui se démarquent du terrorisme tout en soutenant une intervention armée par la force africaine pour éradiquer les groupes terroristes. «L'Algérie comprend notre position, elle sait pourquoi nous agissons ainsi.» Sur la Syrie, Hollande a affirmé soutenir les efforts de l'émissaire onusien Lakhdar Brahimi tout en appuyant l'opposition syrienne.
Vérité et volonté pour bâtir l'avenir
François Hollande a expliqué qu'il a placé sa visite en Algérie sur deux vecteurs cardinaux : dire la vérité sur le passé et afficher une volonté de bâtir l'avenir. Il a estimé être rendu à la vérité en ayant reconnu que le colonialisme a été un système injuste et brutal mais en ayant aussi reconnu les souffrances qu'il a infligées au peuple algérien. La volonté, elle, il la dit perceptible dans la relation politique de haut niveau pour laquelle les deux chefs d'Etat se sont engagés. Pour le président français, il ne faut pas entretenir le passé comme une forme de récrimination récurrente. Il a soutenu percevoir cette volonté d'aller de l'avant chez les Algériens. Cette volonté se lit dans «les mots choisis par les uns et les autres pour dépasser le passé». Cette disponibilité à ouvrir une nouvelle page est illustrée par la palette de contrats signés lors de cette visite et visible dans la déclaration d'amitié. La nouvelle ère de coopération algéro-française est un engagement pour 5 années. «Nous allons être très vigilants, chaque année, il y aura des vérifications d'application des contrats passés», a affirmé Hollande, comme pour dire qu'il ne s'agit pas de conclure des contrats mais faut-il encore qu'ils aboutissent. La satisfaction n'est cependant pas que française. Elle est aussi algérienne. «Je pense qu'il a eu le discours que tout le monde attendait», a apprécié Ould Kablia.
Choix de Tlemcen, un cadeau à Bouteflika
La moisson de contrats récoltée lors de la visite, le dépassement de l'exigence de repentance par Alger valent bien quelques cadeaux au président Bouteflika. Un livre ancien qui traite de la chrétienté mais aussi une virée à Tlemcen au lieu de Sétif sur laquelle Hollande avait initialement jeté son dévolu. «Je voulais visiter une ville de l'intérieur du pays. Un président français s'était déjà rendu à Oran, un autre à Constantine. Je voulais changer et j'avais retenu d'aller à Sétif. Je suis venu à Tlemcen parce que c'est une ville chère au président Bouteflika.» Pas besoin d'un dessein pour comprendre que ce sont les autorités algériennes qui ont suggéré la destination Tlemcen pour Hollande. D'ailleurs, tout a été fait pour qu'il se plaise. Un bain de foule, une visite touristique, un titre de docteur honoris causa. La randonnée pédestre accomplie au son des gheitas et des roulements de tambours a été politiquement soft. Ni demande de visa, ni la réclamation d'un quatrième mandat pour Bouteflika n'ont été scandés. La consigne a été bien reçue. L'accueil populaire a cependant été fait en chemin inverse, pour soulager les deux présidents de l'épreuve de l'arpentage de la côte. A l'université où il prononcé un discours, François Hollande a plaidé la cause de la langue française en Algérie. «Quatre instituts d'enseignement supérieur vont bénéficier d'un accompagnement.» Mais plus fondamentalement, Hollande avait en vue l'organisation de la francophonie à laquelle l'Algérie n'appartient pas encore officiellement. «La francophonie n'appartient pas qu'à la France, elle appartient au monde entier.»


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