Algérie - Folie meurtrière sur nos routes: Un accident toutes les 20 minutes et un mort tous les 3 heures

"Je n’ai rien compris, rien vu venir jusqu’à ce que je sente la mort me foncer dessus."

Hafid, 35 ans, enseignant à l’université d’Alger, en est encore bouleversé: «Je roulais sur l’autoroute qui mène vers Bab Ezzouar, sur la file de droite, deux voitures qui roulaient à toute allure ont voulu me doubler au même moment. C’était incroyable, aucun d’eux ne voulait renoncer. C’était de la ‘’chehna’’ (rancune) gratuite. J’ai dû ralentir, de peur d’être percuté et là, c’était le carambolage.»

Les deux voitures se sont heurtées l’une à l’autre et Hafid a dévié de sa trajectoire et perdu le contrôle de son véhicule. Aucun mort ce jour-là, mais des blessures pour les trois conducteurs et des dégâts matériels qu’ils ont payés cher. C’était il y a à peine quelques jours.

Un témoignage d’une banalité déconcertante. L’Algérie a gagné sa place au top 3 du classement mondial des pays qui font le plus de morts sur les routes. Le phénomène prend de l’ampleur et se banalise.

La Gendarmerie nationale signale une hausse de 11,58% d’accidents cette année: 12.407 sinistres du 1er janvier au 30 juin 2012, contre 11.119 l’an dernier à la même période, soit une moyenne d’un accident toutes les 20 minutes sur nos routes. Un mort toutes les 3 heures et un blessé toutes les 15 minutes.

Des chiffres effarants qui sont loin de représenter la réalité, étant donné que la Gendarmerie nationale ne couvre que 80% du réseau routier national. Les bilans des services de sécurité s’allongent dans l’indifférence.

L’indiscipline des Algériens sur la route

A l’origine de ces accidents, le facteur humain (conduite dangereuse, excès de vitesse, conduite en état d’ivresse, fatigue au volant, etc.) avec 89% des cas enregistrés. L’état des véhicules ne représente que 6,25% des causes d’accidents, et l’état des routes et les mauvaises conditions météorologiques 4,17%.

La première semaine du mois en cours a été particulièrement meurtrière. Durant la période allant du 3 au 9 juillet, 731 accidents ont eu lieu, 106 personnes en sont mortes, 1.450 ont été blessées. Une hausse alarmante.

Et pourtant, l’Algérie a durci en 2009 son code de la route avec une batterie de sanctions plus sévères les unes que les autres, en vain. Pendant que le projet de décret exécutif relatif au permis à points est en attente d’adoption, les retraits de permis deviennent routiniers sur les routes, mais sans aucun impact.

Et pour cause, cette sanction est devenue «dérisoire» au vu des réseaux de corruption et de passe-droits qui se sont organisés en amont auprès de la Sûreté nationale et même de la gendarmerie, même si c’est à moindre mesure.

Autre grande lacune, les campagnes de sensibilisations entreprises par les autorités ne délivrent pas de messages assez forts pour marquer les esprits. Le nombre de morts et de blessés sur les routes poursuit donc sa hausse insolente d’année en année.

Bouredji Fella